BUHARI A WASHINGTON : Les retombées heureuses d une alternance
Le président nigérian, Muhammadu Buhari, est en visite officielle chez l’Oncle Sam. Hier lundi, il a été reçu à la Maison Blanche où il a évoqué avec Barack Obama, les échanges commerciaux entre son pays et les Etats-Unis. On sait, en effet, que les Etats-Unis achètent du pétrole au Nigeria, qui en est le premier producteur au Sud du Sahara. L’Amérique est un grand consommateur de pétrole et donc un partenaire de choix pour le Nigeria. Malheureusement, le coût du pétrole est depuis quelque temps en chute libre. Une situation qui n’arrange pas le géant africain aux pieds d’argile, quand on sait que les recettes du pétrole s’élèvent à plus de 70% du budget du pays. C’est dire que la coopération économique va largement dominer les entretiens entre les deux chefs d’Etat. Mais qui parle d’économie, parle avant tout de sécurité. Car l’une ne va jamais sans l’autre. Or, en matière de sécurité, le pays de Muhammadu Buhari, qui subit depuis déjà longtemps les coups de boutoir de la secte islamiste Boko Haram, a besoin d’un nouveau souffle afin de pouvoir tenir la dragée haute à Abubakar Shekau et sa bande. Muhammadu Buhari qui a fait de la lutte et de l’éradication de Boko Haram le thème principal de sa campagne électorale, a besoin de l’accompagnement de l’Oncle Sam pour tenir sa promesse. Par ailleurs, il n’ignore pas que la reprise de l’activité économique dans son pays est liée à l’élimination totale du terrorisme islamiste dont Boko Haram est le porte-étendard en Afrique de l’Ouest, notamment au Nigeria. Toute la question est de savoir si les attentes du nouveau président nigérian seront comblées. En tout cas, Buhari a fait courageusement le premier pas, le plus difficile. Obama est-il prêt à l’accompagner dans sa quête d’un avenir radieux pour ses compatriotes ?
L’Amérique ne devrait pas se montrer insensible aux arguments du président nigérian
En ce qui concerne la question sécuritaire, il n’ y a aucun doute que les deux chefs d’Etat seront sur la même longueur d’onde. Car autant pour le Nigeria que pour l’Amérique, le terrorisme islamiste, où qu’il se trouve, est une menace à la sécurité du monde civilisé ; et plus vite le monde s’en débarrassera, mieux il s’en portera. L’Amérique qui est le champion mondial dans la lutte contre la plus grande organisation terroriste, l’Etat Islamique, ne devrait donc pas se montrer insensible aux arguments du président nigérian, ce d’autant plus que Boko Haram a fait allégeance à l’Etat Islamique. Dans ces conditions, aider Buhari à combattre Boko Haram, c’est, d’une manière indirecte, aider l’Amérique à mettre du fiel dans le thé de l’EI. Du reste, on se rappelle que Michelle Obama, la première Dame des Etats-Unis, n’avait pas hésité à prendre la tête du mouvement « Bring back our girls » pour exiger que les jeunes filles enlevées à Chibok au Nigeria soient retrouvées et ramenées à leurs parents.
Mais si cette visite de Buhari aux Etats-Unis a des chances d’avoir des retombées fructueuses, aussi bien pour Barack Obama que pour Muhammadu Buhari, cela est aussi dû aux nombreux signaux que ce dernier n’a cessé d’envoyer en direction de Washington, depuis le jour de son investiture à la tête du pays le plus peuplé d’Afrique subsaharienne. Et pour montrer patte blanche à Barack Obama, Buhari ne s’est pas contenté de mots. Il a posé des actes que son prédécesseur, le laxiste Goodluck Jonathan, n’a jamais eu le courage de faire. Dans sa lutte contre la corruption qui règne au sein de la Grande muette nigériane, Buhari n’a pas hésité, une semaine avant son déplacement aux Etats-Unis, à limoger les principaux chefs de l’armée. La corruption aurait gangrené la hiérarchie militaire jusqu’à la moelle. On ne peut d’ailleurs s’empêcher de penser que l’une des raisons du succès de Boko Haram sur le terrain, est liée justement à cette plaie.
Au passage, Buhari espère que l’argent étant le nerf de la guerre, Barack Obama l’aidera à récupérer les milliards de dollars que des Nigérians indélicats ont soutirés des caisses du pays et dissimulés à l’étranger. Abuja croise les doigts pour que toutes ces sollicitations trouvent une oreille attentive.
Dieudonné MAKIEN