HomeFocusCEI IVOIRIENNE :Honorer les engagements pris devant le peuple

CEI IVOIRIENNE :Honorer les engagements pris devant le peuple


Deux jours après la désignation des membres de l’opposition, les 17 membres de la nouvelle Commission électorale indépendante ivoirienne (CEI) ont prêté serment, lundi dernier à Abidjan. La main droite levée, ils ont juré de rester impartiaux et indépendants, de respecter la Constitution ainsi que le code électoral. Mais dans l’Afrique d’aujourd’hui, comment ne pas douter de la sincérité des acteurs politiques ?

 

Le continent est à la dérive, du fait du manque de crédibilité des premiers responsables africains

 

Très solennelle, la cérémonie met fin à 5 mois de longues tractations politiques pour que le projet de loi sur la nouvelle CEI aboutisse à cette prestation de serment. L’engagement des membres nouvellement assermentés, a eu pour cadre le Conseil constitutionnel présidé par le professeur Francis Wodié. Le président du Conseil constitutionnel en a profité pour insister, à plusieurs reprises, sur la valeur du serment qui avait été bafoué par le passé. L’invitation de l’ancien opposant, aujourd’hui président du Conseil constitutionnel, vaut son pesant d’or. Le professeur Wodié n’ignore pas en effet que « parole d’honneur, signature d’honneur », selon l’adage. Mais, cela fait difficilement recette parmi nombre d’élites politiques africaines actuelles. Cela tient également du fait que le continent foisonne de mauvais exemples. A commencer par les premiers dirigeants eux-mêmes. Combien de chefs d’Etat sont-ils vraiment des exemples de gens qui se conforment à la loi et respectent leur serment ? Arrivés par les urnes ou par des voies détournées, ils méprisent tellement leur peuple et les principes de la démocratie universelle, qu’ils finissent par décevoir. Tripatouiller la loi fondamentale ou la contourner pour se maintenir indéfiniment au pouvoir, n’est-ce pas se renier ? En tout cas, c’est prendre le risque de compromettre la paix sociale dans son pays, et de torpiller sans vergogne l’avenir des générations montantes.

Si les chefs d’Etat, premiers garants des textes fondamentaux, violent sans aucun état d’âme leur propre serment, tordent le cou aux lois des institutions républicaines, comment s’étonner des dérives de nos élites, a fortiori du citoyen moyen ? Ces dirigeants se sentent-ils à l’aise, lorsqu’il s’agit de recommander à nos enfants de ne pas prendre le mauvais chemin ? Se sentent-ils fondés à inviter les travailleurs des villes et campagnes à se conformer aux directives de l’Etat ?

Le continent aujourd’hui est à la dérive, du fait de l’incurie et du manque de crédibilité de la plupart des premiers responsables africains. Eux s’arrogent tous les droits, et voudraient en même temps que les autres se plient à leur volonté, ou se conforment à la loi. D’où ces images tristes de l’Afrique à travers le monde ! On ne retient des Etats africains, en règle générale, et de leurs élections, que le spectacle désolant des urnes qu’on vole, détourne, cache, vide ou même qu’on bourre, aux fins de brandir des résultats que tout le monde sait falsifiés.

Voilà pourquoi il faut saluer la classe politique ivoirienne dans son ensemble. Pour cette victoire que vient d’enregistrer la Côte d’Ivoire. Non celle d’un camp sur l’autre. Il faut saluer ce pas franchi dans des conditions difficiles ! Les Ivoiriens et les démocrates de la sous-région ont eu vraiment des frissons. Le spectre d’une mauvaise élection s’éloigne progressivement.

 

Il faut éviter de trahir l’histoire

 

A l’évidence, cette fois, l’on s’est surpassé. Chacun a mis un peu plus d’eau dans son vin de palme. Preuve s’il en est, qu’avec un peu de bonne volonté, l’on peut toujours s’en sortir. Mais, rien ne s’obtient sans concession. Du côté du pouvoir comme de l’opposition, on a sûrement lâché du lest. Après avoir bataillé, l’opposition semble avoir obtenu satisfaction. Même si ce n’est pas sur tous les plans. Toutefois, le plus dur reste à venir, et le défi est de taille : s’entendre sur la Constitution d’un bureau « consensuel ». Il s’agit là de la condition pour la participation de l’opposition pro-Gbagbo à la CEI. Six membres devront constituer cet organe exécutif à mettre en place avant la fin du mois d’août. Comment œuvrer sur le terrain pour que concrètement, les choses se passent dans de bonnes conditions ?

Composé de manière à équilibrer les forces, le bureau de la CEI devra se montrer capable d’organiser et de diriger les élections, à la satisfaction de tous. Cette gestion devra s’effectuer sans passion, et avec davantage d’engagement dans le sens de l’intérêt public. L’élection du président polarisera toutes les attentions. Chacun a accepté de contribuer à ce premier succès, mais en acceptant d’avancer suivant sa stratégie. Il faudra donc faire preuve de plus de dépassement de soi. On a vu ce qui s’est passé ailleurs. Des engagements, puis des reniements, des tours de passe-passe à n’en plus finir.

La Côte d’Ivoire, elle, revient de très loin ! On ne peut pas oublier les 3000 morts  de la crise post-électorale ! Une catastrophe qu’on aurait pu ou dû éviter. Peut-on se résoudre à passer par pertes et profits ce passé douloureux ? On se rappelle encore ces membres de la Cour Constitutionnelle et ces agents assermentés qui s’offraient en triste spectacle, lors de la proclamation des résultats du scrutin présidentiel ! Ce pays doit absolument faire l’économie d’une autre crise post-électorale. On en a déjà vu les conséquences. Tout le monde en est sorti plus ou moins meurtri.

Eu égard au passé douloureux, la classe dirigeante ivoirienne doit se surpasser. Il faut éviter de trahir l’histoire, et écrire une page plus optimiste, qui inspire la génération montante. L’opposition en particulier, doit travailler à éviter ces blocages institutionnels systématiques, qui handicapent inévitablement la vie d’un pays. Toutes les parties en présence doivent travailler à mettre en place un vrai bureau consensuel.

 

 

« Le Pays »


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