HomeDialogue intérieurCLIMAT DE PEUR AU BURUNDI : Nkurunziza vers un mandat au goût amer

CLIMAT DE PEUR AU BURUNDI : Nkurunziza vers un mandat au goût amer


S’il y a bien un sentiment partagé par l’ensemble des Burundais aujourd’hui, c’est celui de la peur. Même le téméraire Pierre Nkurunziza qui a nargué toute la communauté internationale pour faire route à marche forcée vers les élections, n’y échappe pas. Pour preuve, pour la première fois, à la célébration de la fête nationale du pays, c’est derrière une vitre pare-balles, avec des hélicoptères survolant le stade où avait lieu la cérémonie, qu’il a assisté au défilé militaire, devant un petit public qui n’a eu accès au temple sportif qu’après vérifications, fouilles et passage sous les détecteurs de métaux.

 

L’entêtement de Nkurunziza aura conduit le pays au bord de la guerre civile

Nkurunziza a donc peur, peur de la mort et peur de son propre peuple. Mais au-delà de sa propre personne, cet impressionnant arsenal sécuritaire déployé autour de lui, est tout aussi symptomatique du climat de tension et de peur généralisée qui prévalent dans le pays, où les explosions de grenades le disputent aux balles des kalachnikovs, avec pour corollaire l’allongement de la liste des macchabées qui frôle la quatre-vingtaine. Les autorités elles-mêmes sont devenues paranoïaques au point d’accuser de plus en plus des groupes de civils d’être armés par des éléments de l’armée et de la police burundaises. Ces groupes auraient donc des complices au sein des forces de sécurité. Il est à craindre qu’au sommet de l’Etat, cette suspicion déjà entretenue par les défections et parfois de taille dans l’entourage du président, ne dégénère en purges ou en révoltes de palais sanglantes. Pire, ce climat de violences replonge le pays dans l’obscurité de son passé, notamment avec la déclaration des militaires en fuite qui se disent déjà ouvertement en rébellion contre Bujumbura. L’entêtement de Nkurunziza aura donc de nouveau conduit le pays au bord du précipice de la guerre civile.

Tout cela, à cause de la volonté du satrape de rester au pouvoir. Ne pouvant conquérir à nouveau le pouvoir par des moyens véritablement démocratiques, ne projette-t-il pas de plonger le pays dans la guerre pour espérer remporter une victoire militaire ? Rien n’est moins sûr, au regard de son expérience d’ancien rebelle ! A défaut de la force de l’argument, ce pseudo démocrate sorti tout droit du maquis, userait bien de l’argument de la force. Si tel est son calcul, on dira de Nkurunziza qu’il est machiavélique et irresponsable. En plus de plonger le pays dans les abîmes de l’enfer, ce scénario ne peut échapper à la règle écrite de l’histoire et édictée par les Evangiles auxquels il semble pourtant bien vouer un culte, selon lequel « qui règne par les armes, périra par les armes ».

La crise sécuritaire et politique se doublera d’une crise institutionnelle

En plus du boycott de l’opposition radicale, plusieurs partis de l’opposition ayant participé aux élections législatives et communales, ont signé une déclaration dans laquelle ils disent qu’ils « ne reconnaîtront pas les résultats de cette comédie électorale et les institutions qui en seront issues ». Les partis signataires de cette déclaration assurent qu’ils ne siégeraient pas s’ils étaient élus, au terme des deux scrutins. C’est dire que la crise sécuritaire et politique se doublera d’une crise institutionnelle.

Le moins qu’on puisse donc dire c’est que Nkurunziza, par son forcing électoral, a réuni tous les ingrédients pour donner au mandat envisagé, un goût de fiel et s’est, au passage, taillé, par ce climat de peur, la toge des grands dictateurs. De toute évidence, Nkurunziza ne pourra plus aller à la rencontre de son peuple.

Mais est-il toujours trop tard, surtout qu’il n’a pas encore franchi le Rubicon?

Il est encore temps que Nkurunziza revienne à la raison, en faisant sienne la maxime populaire selon laquelle, « la peur est le début de la sagesse ». L’histoire tumultueuse burundaise lui fournit des raisons supplémentaires de le faire. La liste des assassinats au sommet de l’Etat au Burundi est longue : ceux des Premiers ministres Louis Rwagasore et Pierre Ngendandumwe respectivement en 1961 et en 1965 et plus récemment celui de Melchior Ndadaye en 1993. Le dialogue en cours avec l’opposition et la société civile qu’il ne cesse de malmener, peut encore lui servir de bouée de sauvetage. Plus tard, ce serait trop tard !

« Le Pays »


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