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CONDAMNATION DE PROCHES DE BOUTEFLIKA EN ALGERIE


Expéditif ! C’est le qualificatif qui pourrait convenir au procès de Saïd Bouteflika, frère du président déchu Abdelaziz Bouteflika, condamné à une peine de 15 ans d’emprisonnement, au terme de deux jours de jugement. Trois autres personnes, en l’occurrence deux anciens chefs du renseignement et une responsable politique, écopent de la même peine pour les mêmes motifs d’« atteinte à l’autorité de l’armée et complot contre l’autorité de l’Etat ». C’était le 25 septembre dernier, à Blida dans le Nord de l’Algérie. La question que l’on pourrait se poser est de savoir ce que cache ce procès mené à la hâte et qui a abouti à une sentence aussi lourde. Est-ce une chasse aux sorcières ou une volonté sincère de nettoyer les écuries …de l’ex-président poussé à la démission par un vaste mouvement populaire ?  Bien malin qui saurait répondre à cette question.

 

Le délibéré laisse planer le doute sur l’équité même du procès

 

 

En attendant, la célérité du procès  pour des accusations aussi graves, en plus de lui enlever toute sa saveur, ne manque pas de surprendre tant on se croirait à une autre époque. En effet,  s’il est indéniable qu’en refusant de répondre aux juges et donc de se défendre, l’accusé s’exposait à subir la rigueur de la loi, il reste que le délibéré qui frise la précipitation, laisse planer le doute sur l’équité même du procès. En tout cas, on peut douter qu’en si peu de temps,  les accusés aient bénéficié de toutes les garanties d’un procès juste et équitable. Pire, on a même le sentiment que la sentence était déjà arrêtée avant le début du procès et que Saïd Bouteflika et Cie  étaient déjà condamnés avant même d’être jugés. De quoi jeter le discrédit sur ce procès qui se voulait pourtant un signal fort, c’est-à-dire celui de la rupture et de la fin de l’impunité pour une catégorie de citoyens que l’on croyait intouchables et qui n’ont jamais été inquiétées par la Justice, durant tout le règne du président Boutef. Pire, cela tend à apporter de l’eau au moulin de ceux qui y voient des règlements de comptes avec des adversaires politiques dont les divergences de vue sur la conduite de la Transition par le général Gaid Salah, n’étaient manifestement plus un secret. C’est pourquoi l’on est porté à croire que la tenue au pas de course de ce procès, est loin d’avoir livré tous ses dessous. Car, si dès le départ, d’aucuns y voyaient une manœuvre de diversion destinée à endormir la méfiance du peuple qui continue de protester dans la rue pour marquer son désaccord avec les autorités de la transition, aujourd’hui il y a des raisons de croire qu’en ayant la main aussi lourde contre ces accusés au terme de ce procès expéditif, Gaid Salah, l’homme fort du pays, qui a ravi le pouvoir en s’imposant  à la tête de la transition, cherche à sécuriser le fruit de sa rapine en écartant de son chemin, de potentiels empêcheurs de gouverner en rond. D’autant  plus qu’il est dit de ces derniers, qu’ils étudiaient une option de transition différente de la sienne. Si les choses se précisaient dans ce sens, c’est que le général fait fausse route et gagnerait à revoir sa copie au risque de paraître ridicule. Car, la condamnation de ces grandes figures de l’ancien régime ne saurait l’absoudre de ses propres péchés aux yeux des Algériens. Et après avoir pataugé durant toutes ces années dans la boue avec ceux qu’il traîne aujourd’hui devant la Justice, comment le général pense-t-il encore pouvoir donner de lui,  l’image d’un homme  propre ?

La dure condamnation du frère de l’ex-président ne risque pas de ramollir les ardeurs des  « vendredisards »

 

En tout cas, l’on est fondé à croire que le combat du peuple algérien qui a réaffirmé son rejet de la gouvernance du président déchu Abdelaziz Bouteflika, est d’arriver aujourd’hui à se défaire des mauvaises   réminiscences du défunt régime et  dont Gaid Salah lui-même est encore l’incarnation. Ce n’est donc pas par ces types de procès spectaculaires de proches de l’ex-président, qu’il réussira à s’attirer la confiance et la sympathie du peuple algérien qui est resté constant dans ses revendications et ne demande qu’à tourner définitivement la page Boutef, en obtenant le départ de l’ensemble des représentants de son système.  C’est dire si la dure condamnation du frère de l’ex-président est une fuite en avant qui ne risque pas de sauver la tête de Gaïd Salah encore moins ramollir les ardeurs des  « vendredisards » qui contestent la tenue de la présidentielle fixée au 12 décembre prochain et continuent de réclamer le démantèlement du système hérité des vingt ans de gouvernance Boueflika, ainsi que la mise en place d’institutions crédibles de la transition, seules habilitées à conduire à des élections libres et transparentes.  En tout état de cause, tant que Gaid Salah refusera d’aller dans le sens des aspirations du peuple algérien, les rues d’Alger continueront de gronder, pour longtemps encore.  Et ce n’est pas une condamnation à la sauvette d’anciens bonzes, au détour d’un procès bafouillé, qui  changera quelque chose à la donne.

 « Le Pays »


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