HomeA la uneCONDAMNATION D’HOMMES DE MEDIAS EN EGYPTE Al-Sissi règle ses comptes avec le Qatar par journalistes interposés

CONDAMNATION D’HOMMES DE MEDIAS EN EGYPTE Al-Sissi règle ses comptes avec le Qatar par journalistes interposés


Des menaces réelles pèsent sur la liberté de presse en Egypte d’Al-Sissi. En effet, cinq journalistes viennent d’y être condamnés à des peines de prison allant de 7 à 10 ans. Tous travaillent pour Al-Jazeera.

Il est reproché à ces journalistes, d’avoir soutenu la confrérie des Frères musulmans, déclarée « organisation terroriste » en Égypte depuis décembre dernier. Neuf autres accusés, jugés par contumace, ont été condamnés à dix ans de prison.  Ces condamnés peuvent faire appel du jugement dans les soixante jours qui suivent. Si l’appel est accepté, le jugement est cassé et les accusés sont déclarés innocents et rejugés devant une autre chambre de la Cour d’assises.

 

C’est manifestement la liberté de presse qu’on cherche à guillotiner

 

Ce dossier pue une affaire d’Etat mal dissimulée. Probable donc que ce procès se termine en queue de poisson. Al-Sissi semble avoir entrepris de régler ses comptes avec le Qatar pour ses accointances voire son soutien aux Frères musulmans. A son avènement, on avait redouté dans nos précédentes éditions que, fort de sa popularité, Al- Sissi ne profite de son accession au pouvoir pour intensifier la répression. Hélas ! Des craintes bien fondées car, c’est ouvertement qu’il s’en prend aux professionnels des médias. Après les Frères musulmans (FM) et leurs partisans, c’est manifestement la liberté de presse qu’on cherche à guillotiner. L’intention non avouée est d’influencer les médias dans leur travail. Avec l’éviction du parti islamiste des Frères musulmans (FM) du pouvoir au Caire, les relations de l’Egypte avec le Qatar, parrain de la chaîne Al-Jazeera, se sont ainsi considérablement refroidies.

Par ailleurs, certains milieux nationalistes arabes sont irrités. Le seul fait que John Kerry, le secrétaire d’Etat américain, ait condamné le jugement est, aux yeux de ce milieu, révélateur. L’on est en effet convaincu que les Etats-Unis conspirent contre le monde arabe au profit d’Israël. La presse occidentale est aussi, dans son ensemble, accusée de participer à cette conspiration qui veut transformer le monde arabe en Etats « faillis » comme l’Irak, la Syrie et la Libye.

Cette affaire en rappelle une autre : la longue détention de Moussa Kaka, correspondant de Radio France internationale (RFI), par les autorités du Niger, du temps de l’ex-président Mamadou Tandja. Des situations identiques existent presque partout sur ce continent où des hommes en uniforme, parvenus au sommet de l’Etat grâce à la lutte des démocrates, ont, par la suite, sans hésitation, envoyé en prison des journalistes ou des défenseurs des droits de l’homme. Dans plusieurs autres cas, il y a eu mort d’hommes. Cela n’est pas l’apanage des seuls hommes en uniforme puisque des acteurs politiques civils ont souvent fait pire. Des faits qui montrent que bien des dirigeants sont allergiques à la critique. En outre, lorsque les médias favorisent les débats démocratiques, ils mettent mal à l’aise les tenants du pouvoir qui ne savent entendre que le refrain  de la pensée unique.

 

Al-Sissi se trompe de cible

 

Les pouvoirs qui s’en prennent aux journalistes, aux défenseurs des droits humains et aux personnes vulnérables, n’ont rien de démocrates. Dans une démocratie républicaine saine, il ne saurait y avoir de règne de la pensée unique. Des dispositions légales existent, qu’il faut mettre à profit. Par exemple, le droit de réponse lorsqu’on n’est pas satisfait du traitement de l’information par les journalistes. Dans bien des cas, les journalistes sont en fait victimes d’un système dans lequel la mauvaise foi, la duperie et la censure compromettent la pratique de leur profession. Tant que les acteurs politiques africains choisiront d’agir dans les ténèbres, que la liberté de presse sera bafouée, que des professionnels de médias seront inquiétés, l’avènement de l’Etat de droit, la construction de la démocratie seront des vœux pieux.

En choisissant de s’attaquer à la presse quelle qu’elle soit, le nouveau régime égyptien s’engage dans un combat sans lendemain. Surtout dans un pays qui se reconstruit après des années de dictature, et qui est résolument engagé dans la lutte contre le terrorisme. Aucune démocratie ne se construit sans la libre expression des idées. Le nouveau Raïs et ses partisans le savent-ils ou feignent-ils de l’ignorer ? Ancien ministre de la Défense et aujourd’hui chef de l’Etat, le maréchal Al-Sissi se trompe de cible. Ses ennemis sont ailleurs, et certainement pas bien loin de lui. S’il persiste à mener ce combat pervers, celui-ci le mènera inévitablement à sa perte.

 

« Le Pays »

 


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