CONFERENCE DES EVEQUES DE L’AFRIQUE DE L’OUEST :
Le 14 mai, s’est ouverte à Ouagadougou, la troisième assemblée des évêques de l’Afrique de l’Ouest. Les 150 évêques, archevêques et cardinaux y compris, venus de toutes les contrées de la sous-région, se sont donné rendez-vous pour cogiter sur le thème suivant: « La nouvelle évangélisation et le développement humain intégral dans l’Eglise famille de Dieu en Afrique de l’Ouest ». Le président du Faso, Roch Marc Christian Kaboré (RMCK), même s’il ne porte ni la mitre ni la calotte violette, n’a pas voulu se faire conter l’évènement, en manquant l’ouverture des travaux. En attendant le soir de ces journées de réflexion où, sans nul doute, les pasteurs sauront trouver les mots justes pour s’adresser au peuple de Dieu dont ils ont la conduite, l’on peut déjà saluer la tenue de cette assemblée plénière qui intervient dans un contexte burkinabè marqué par les récents développements de la crise sécuritaire.
Il faut saluer le message de paix de l’Eglise
Faut-il le rappeler, l’Eglise burkinabè fait face à des persécutions qui ne sont pas sans rappeler celles des premiers chrétiens sous la Rôme antique, avec les attaques de Dablo et de Zimtenga dans le Centre- Nord du Burkina, qui ont coûté la vie à 11 fidèles chrétiens. Les évêques, l’on peut le dire, n’ont pas cédé à la peur et ont décidé de maintenir leur agenda en terre burkinabè qui ressemble aujourd’hui à l’image biblique de la vallée de l’ombre et de la mort. « Les évêques ne sont pas des extraterrestres pour vivre dans un monde idyllique mais ils vivent les réalités des populations », a déclaré le Cardinal Philippe Ouédraogo pour répondre à la question du choix du Burkina Faso au moment où les lieux de culte sont la cible des nouvelles attaques terroristes. Outre le courage des hommes de Dieu, il faut surtout saluer le message de paix de l’Eglise qui appelle ses brebis à ne pas adhérer au nouveau credo des terroristes qui, selon le président du Faso, Roch Marc Christian Kaboré, « ont réaménagé leur mode opératoire, en cherchant d’abord à créer un conflit intercommunautaire, et aujourd’hui un conflit inter-religieux ». « Ne nous laissons pas embourber dans le dérapage ethniciste et religieux » a, en effet, insisté le cardinal Philippe Ouédraogo, l’hôte de ladite conférence épiscopale. Et comme pour confirmer que cet appel n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd, la Fédération des associations islamiques du Burkina Faso a embouché la même trompette pour appeler dans une déclaration, « tous les Burkinabè sans exception de religion ni d’ethnie, soumis à la même épreuve, à l’union contre le terrorisme qui tue sans loi et sans foi ». L’un dans l’autre, l’on peut donc dire que cette troisième assemblée plénière de la Conférence épiscopale régionale de l’Afrique de l’Ouest est une belle occasion pour renforcer la foi des fidèles chrétiens qui, aujourd’hui, souffrent le martyre du fait des attaques terroristes. Mais elle est surtout une belle occasion de réfléchir à une Eglise résiliente dans ce contexte difficile où tous les pronostics font du continent noir, la terre d’avenir de la foi chrétienne en raison non seulement de sa vitalité démographique et du nombre important des nouvelles conversions, mais aussi à cause de sa forte spiritualité.
Les groupes terroristes ne fabriquent pas d’armes. Il faut s’attaquer aux racines du mal
Cela dit, cette prise de conscience de l’Eglise face au péril terroriste est à inscrire dans un mouvement d’ensemble qui semble se dessiner au niveau mondial. Les Etats ne sont plus seuls à se préoccuper de la sécurité et l’on note l’intérêt de plus en plus manifeste des privés qui ont compris que rien n’est possible sans la paix. C’est dans ce cadre que l’on peut inscrire, par exemple, la réunion internationale de haut niveau consacrée à la « lutte contre les contenus en ligne à caractère terroriste ou relevant de l’extrémisme violent », qui se tient à Paris et qui verra la participation, outre des Etats, de groupes comme Amazon, Apple, Dailymotion, Facebook, Google, Microsoft, Mozilla Foundation, Snap, Twitter et You Tube. Cette rencontre vise à sensibiliser le grand public et à mobiliser les pouvoirs publics et les grandes compagnies du secteur privé actives sur les réseaux sociaux, contre les formes d’idéologies extrémistes et violentes. Mais il faut le dire, les prières des hommes de Dieu et la prise de conscience des acteurs du privé ne suffiront à enrayer le danger que si les hommes et les Etats se mettent au service de la paix. Car, comme on le sait, les groupes terroristes ne fabriquent pas d’armes. Ils ont certainement un circuit d’approvisionnement. Il faut donc prendre le courage de s’attaquer aux racines du mal en stoppant les trafics d’armes et de drogue et en tarissant toutes les sources de financement du terrorisme. Car, tant que le mal ne sera pas ainsi dessouché, la lutte contre le terrorisme sera vaine. En attendant que les Etats, surtout occidentaux, mettent fin à l’emprise des grands lobbys d’armes et des mafias liées au narcotrafic, l’on ne peut que souhaiter que les autres confessions religieuses emboîtent le pas à l’Eglise catholique en inculquant à leurs adeptes les valeurs cardinales de tolérance, du dialogue et de la paix. Et en la matière, nos croyances traditionnelles qui ont fait de l’hospitalité et du dialogue entre cultures, le socle du Burkina Faso, ont aussi des trésors d’énergie à libérer.
« Le Pays »