CONSEIL REGIONAL DU SAHEL : Après le feuilleton judiciaire, la motion de défiance
La toute première session, une session extraordinaire d’ailleurs, du Conseil régional du Sahel avait à son ordre du jour un point de taille. Celui d’examiner une motion de défiance déposée le 14 septembre « par la majorité », selon les termes qui lui ont été consacrés. Pour mieux cerner les contours de cet énième rebondissement de ce qu’il conviendrait de qualifier d’« affaire de Conseil régional du Sahel », nous avons approché les différents protagonistes le mardi 20 septembre 2016. Récit d’un périple à la recherche d’un éclaircissement.
Il était 14h 00 lorsque nous arrivions dans l’enceinte du Conseil régional du Sahel. Présence remarquable et remarquée des éléments du Commandant Seydou Namagna Traoré, le Commandant du camp CRS de Dori. Très rapidement et très facilement aussi, nous accédons à l’intérieur. Pour leur toute première session, une session extraordinaire d’ailleurs, les élus régionaux du Sahel avaient, entre autres, à examiner une motion de défiance adressée au président entré en fonction le 8 septembre 2016. Dans cette motion que nous avons pu consulter, il est reproché à Abdoulaye Sawadogo, sa « gestion antérieure catastrophique (2012-2014) marquée par une utilisation abusive du patrimoine du conseil, notamment la mise hors usage du véhicule de fonction V8, en mettant de côté le chauffeur titulaire recruté par le Conseil régional au profit d’un chauffeur bénévole non expérimenté et une occupation illégale de la villa des hôtes du Conseil régional en guise de domicile privé tout en percevant des indemnités de logement et des frais d’eau et d’électricité ». Les signataires de cette motion de défiance reprochent également à Abdoulaye Sawadogo, son « manque d’initiatives dans l’élaboration de projets de développement structurants pour la région, ce qui s’est traduit par l’absence de contacts sérieux et promoteurs pris dans le cadre de la coopération régionale et internationale et l’absence de projets intercommunautaires à caractère transversal comme le commande une vision régionale de développement au Sahel ». Pour finir leur courrier, les élus contestataires disent au PCR Sawadogo qu’ils doutent de sa « légitimité à assurer cette noble fonction » car, selon eux, son « éligibilité fut conflictuelle » et son « installation le 8 septembre dernier n’a réuni que 14 des 52 conseillers ». Par conséquent, et au regard de tout ceci, les conseillers contestataires disent refuser d’accorder leur confiance à Abdoulaye Sawadogo.
« C’est un candidat malheureux qui continue ses manœuvres et c’est Monsieur Lompov », nous a-t-il dit, dès l’entame de nos échanges avant de nous préciser qu’ils sont en train de suivre la procédure normale en la matière après avoir scrupuleusement observé toutes les autres étapes. « Nous avons accusé réception et convoqué la session dans les délais », nous a-t-il signifié. Et pour la validité de cette motion, elle devrait être signée par le tiers et pour qu’elle puisse passer, il faut les 2/3 des conseillers. « Mais ce que je ne comprends pas, c’est que celui-là même qui a écrit la motion fuit les débats contradictoires. Quand on écrit contre quelqu’un, on doit avoir le courage de rester pour les débats contradictoires. J’aurai aimé qu’on m’attaque sur des actes que j’ai posés. On m’accuse d’une gestion de 2012 et pourtant c’est le 30 mars 2013 que j’ai été élu et c’est le 13 avril 2013 que j’ai pris fonction », nous a-t-il relaté, très serein. Pour Abdoulaye Sawadogo, ses contempteurs sont « tellement pressés de me débarquer qu’ils n’ont pas fait attention à cet aspect ». Cette motion n’impactera-t-elle pas négativement la suite de la vie et du fonctionnement du Conseil régional du Sahel ? « Pas du tout ! Le Conseil régional du Sahel c’est un tout et nous comptons travailler avec tout le monde », a conclu Abdoulaye Sawadogo. Mais qu’est-ce qui explique la présence dans la salle de Seydou du MPP, 1er vice-président du Conseil régional du Sahel du moment où, d’une part, c’est la majorité qui a déposé cette motion et, d’autre part, les signataires avaient déjà quitté la salle avant même le début des votes ? « Ecoutez ! Je vous attends pour travailler avec vous, de la presse, lorsque les vrais chantiers de développement seront enclenchés. Pour le moment, je ne suis pas intéressé par ces combats de chiffonniers. Nous voulons et nous allons révolutionner les choses », nous a-t-il déclaré d’un trait avant de prendre congés de nous.
« On ne peut pas continuer. Nous sommes dans un pays de développement et si nous avons fait l’insurrection, c’est à cause des frustrations », nous a affirmé Idrissa Diagnagou Lompo lorsque nous l’avons retrouvé chez lui à son domicile à 14h 30. Dans ses explications, M. Lompo nous a confié que lui et ses camarades signataires sont au nombre de 25 élus régionaux à avoir déposé cette motion de défiance. Malgré les contacts souterrains menés par Abdoulaye Sawadogo, la majorité est déterminée et sereine. Et de citer l’article 185 qui leur donne droit à cette motion. Mais pourquoi avoir quitté la salle avant les votes ? « Sawadogo s’est débrouillé pour que les convocations n’atteignent pas nos conseillers et l’ordre du jour a relégué au troisième point la motion qui devrait être prioritaire. En plus, les registres ne sont ni côtés ni paraphés », s’est-il justifié. «Il faut que les gens sachent réellement ce qui se passe au Conseil régional du Sahel. Nous voulons que le droit et la vérité soient respectés sinon nous ne sommes contre personne». Cette motion serait-elle le prolongement du feuilleton judiciaire ? « Non ! C’est moi Lompo qui ai déposé un recours en Justice et la motion a été déposée par la majorité ». Seul Seydou Barro peut expliquer et justifier sa propre présence dans la salle car «moi je suis la discipline et les textes du MPP, notre parti». Pour Idrissa Diagnagou Lompo, les conseillers de la majorité sont au nombre de 30 et par conséquent, aucune motion ne peut être votée car le quorum manque à ceux qui sont restés dans la salle. « En plus d’une dizaine de conseillers qui n’ont pas reçu de convocation, il y a Soampo de Boundoré, Kadré de Bagataka et notre conseiller MPP de Déou qui ont été approchés par Sawadogo pour les corrompre ». Quelle sera maintenant la suite ? « C’est à l’autorité de tutelle de s’assumer. La tutelle commence au gouvernorat. En tout cas, nous sommes pour le dialogue mais nous sommes contre le faux que et n’allons pas le cautionner », a conclu Idrissa Diagnagou Lompo.
Que dit la tutelle ? Nous sommes allé vers le gouverneur qui nous a renvoyé au Secrétaire général de la région. « Nous attendons le procès-verbal de cette session extraordinaire pour rendre compte à notre hiérarchie qui avisera », a dit Vincent Sawadogo lorsqu’il nous reçu. Mais pourquoi un tel déploiement sécuritaire ? « C’est pour parer à toute éventualité », a précisé l’administrateur civil, Vincent Sawadogo.
Décidemment le Conseil régional du Sahel n’a pas fini de s’illustrer. Election à deux tours ; plusieurs rebondissements judiciaires et une motion de défiance avant même la première session ordinaire. A quand le bout du tunnel ? C’est là toute la question.
Hama Hamidou DICKO