HomeA la uneCONTESTATION ELECTORALE AU KENYA : De grâce, ne brûlez plus le pays !

CONTESTATION ELECTORALE AU KENYA : De grâce, ne brûlez plus le pays !


Au Kenya, les élections se suivent et se ressemblent sur le fait que les résultats font toujours l’objet de contestation. En effet, en 2007, les protestations, on se rappelle, après les résultats, avaient plongé le pays dans une terrible crise postélectorale dont le souvenir hante encore les esprits, tant les dégâts étaient énormes en termes de morts et de déplacés. En 2013, la contestation était encore au rendez-vous. Le candidat malheureux, Raïla Odinga, estimant avoir été grugé, avait porté l’affaire devant la Cour suprême, mais sans succès. En 2017, pendant que tout le monde s’accorde à saluer le calme qui a caractérisé l’élection présidentielle et pendant que la Commission électorale s’emploie à publier des chiffres provisoires portant sur les résultats de 90% des bureaux de vote qui placent Uhuru Kenyatta en tête, l’on assiste déjà à une sortie de Raïla Odinga qui qualifie les résultats de « fictifs ». A l’appui de son appréciation, il pointe du doigt la Commission électorale indépendante (IERC) qu’il accuse de ne pas être assez transparente et de ne pas communiquer ses procès-verbaux qui seraient susceptibles de confirmer les chiffres transmis électroniquement et diffusés en temps réel sur le site internet de la Commission.

Le Kenya est un véritable volcan ethnique

La raison de la colère de l’opposant historique est donc connue. Et si ce qu’il dénonce aujourd’hui est avéré, l’on peut suggérer à la Commission électorale indépendante d’accéder à sa requête si tant est qu’elle n’a rien à se reprocher. Elle doit d’autant plus le faire que l’on sait que c’est la contestation des résultats qui a toujours été l’élément déclencheur des violences électorales dans le pays, avec les conséquences dramatiques que l’on sait. Rien que la seule évocation du cas de 2007 suffit pour inviter les uns et les autres à s’investir sincèrement pour que l’histoire ne se répète pas au Kenya. De ce fait, l’on est en droit déjà de lancer l’appel pathétique suivant : de grâce, ne brûlez plus le Kenya, surtout que l’on a déjà enregistré deux morts. Cet appel est d’autant plus pressant que l’on sait que le Kenya est un véritable volcan ethnique. En effet, le clivage entre l’ethnie du président sortant, les Kikuyu, et celle de son rival, les Luo, est, peut-on dire, historique et prononcé. Et à chaque élection, l’on peut avoir l’impression que le levier ethnique est activé par des politiques, visiblement machiavéliques et en panne d’idées, pour inscrire le Kenya à l’article de la mort. Il s’agit dès lors, de tout faire pour que cette présidentielle soit à l’abri de tout soupçon ; toute chose qui peut apporter de l’eau au moulin des ennemis de la démocratie et de la paix. A cet effet, l’on peut se mettre à genoux pour supplier tous les candidats qui contestent les résultats des élections, comme c’est le cas pour le moment de Raïla Odinga, de recourir aux voies légales pour le faire, même si l’on sait, par ailleurs, que de manière générale sous nos tropiques, les institutions qui en ont la charge, ont tendance à arbitrer les choses selon le bon vouloir des princes régnants. Pour le moment, l’on ne peut pas faire ce procès d’intention à la Cour suprême du Kenya, puisque le dépouillement n’est pas encore terminé. De ce point de vue, l’on peut inviter Raïla Odinga alias Tinga, c’est-à-dire le tracteur, à la patience et surtout à la sagesse. Peu avant les élections, on se souvient, son rival Uhuru Kenyatta avait eu l’élégance d’annoncer qu’il accepterait les résultats.

Les consultations électorales dans bien des pays du continent noir riment avec conflits communautaires

L’on peut prendre le risque de saluer cette posture, même si l’on ne peut s’empêcher de se poser la question de savoir s’il était sincère ou si le président sortant voulait déjà préparer les esprits à accepter sa victoire à lui. Raïla Odinga a peut-être des raisons qui lui dictent qu’il tente d’arrêter le train avant que celui-ci n’atteigne la gare. Mais si, de son fait, la maison Kenya venait à brûler, il n’aurait aucune excuse. Il est vrai qu’en raison de son âge, cette présidentielle représente pour lui probablement sa dernière chance d’accéder au sommet du Mont kenyan, mais de là à se rendre coupable d’un éventuel retour des vieux démons, il y a un pas qu’il doit se garder de franchir. Mais, la contestation récurrente des résultats des élections n’est pas le fait exclusif du Kenya. Bien d’autres pays africains sont logés à la même enseigne. A l’origine de ces contestations, se situe très souvent le jeu trouble des structures impliquées dans l’organisation des élections et la validation de leurs résultats. C’est pourquoi les Africains doivent mettre un point d’honneur à relever ce défi. Car, la démocratie sera toujours un vain mot, tant que ce défi restera entier. Et au rythme où vont les choses, le risque est grand que le continent noir ne cesse d’être la risée du monde. En effet, les moments les plus redoutés en Afrique, sont ceux consacrés aux élections, si fait que certaines populations, excédées, en viennent à se demander si les élections valent encore la peine d’être organisées. Et elles n’ont pas totalement tort. Car, les consultations électorales dans bien des pays du continent noir, au lieu de préparer la voie à la démocratie et au bien-être des populations, riment avec conflits communautaires, déplacements forcés de populations, fraudes et hold up et l’on en oublie. En tout état de cause, si l’on revient au cas spécifique du Kenya, et sans forcément appeler à une tropicalisation de la démocratie, l’on peut suggérer la mise en place d’un système qui garantirait l’alternance des principales ethnies au pouvoir. Le Nigeria, sans l’avoir formellement inscrit dans la Constitution, est en train d’expérimenter la formule. Si c’est le prix à payer pour éviter la violence en politique et le déchirement du tissu social, l’on peut dire que ce n’est pas cher payé.

« Le Pays »


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