CONTESTATION POST-ELECTORALE AU NIGER
Alors que l’investiture du nouveau président, Mohamed Bazoum, est prévue pour le 2 avril prochain, son challenger, Mahamane Ousmane, ne s’avoue toujours pas vaincu. En effet, le leader du RDR-Tchanji a, de nouveau, invité ses partisans à descendre dans la rue, estimant que la Cour constitutionnelle chargée de vider le contentieux électoral, n’a pas pris en compte tous les éléments de preuve qu’il a mis sur la table pour contester la régularité du scrutin du 21 février 2021. Selon l’agenda de ces manifs qui ont débuté le 30 mars et qui, aux dires de l’opposition, ont touché les principales régions du pays, Niamey devrait entrer dans la danse le 31 mars 2021. C’est peu de dire que cette ville retient son souffle quand on sait que les dernières manifs de l’opposition se sont soldées par des morts et d’importants dégâts matériels si l’on en croit le bilan dressé par le ministère de l’Intérieur. La question que l’on peut se poser face à cette atmosphère fétide qu’entretiennent Mahamane et ses compagnons de lutte, est la suivante : existe-t-il la moindre chance pour eux d’inverser les résultats de l’élection ?
Le leader de l’opposition cherche à cracher dans la soupe après avoir été écarté de la table par le verdict populaire
L’on peut, sans parti pris, se permettre de répondre par la négative, pour au moins deux raisons. D’abord, les délais légaux pour les recours dans le contentieux électoral, sont forclos. Ensuite, les « Sages » de la Cour constitutionnelle nigérienne se sont taillé une solide réputation d’indépendance et d’impartialité et il est à peu près certain qu’ils ne sont pas prêts à la vendanger au détour d’un seul scrutin contesté par un opposant qui, manifestement, joue les mauvais perdants. Si donc l’éventualité de voir la juridiction suprême nigérienne revenir sur ses pas n’existe quasiment pas, l’on peut se demander ce que poursuivent Mahamane Ousmane et son état-major en entretenant la flamme de la contestation post-électorale. Faute d’être dans le secret des dieux, l’on ne peut qu’émettre des hypothèses pour répondre à cette interrogation. La première hypothèse est que le leader de l’opposition nigérienne cherche à cracher dans la soupe après avoir été écarté de la table par le verdict populaire. Mahamane Ousmane veut pourrir donc le mandat de Mohamed Bazoum en espérant sans doute en tirer des dividendes pour 2025. En surfant sur la fibre ethnique pour contester la légitimité du nouveau président, l’ambition, à terme, est de détourner le président Bazoum de ses priorités pour qu’il gère le conjoncturel avec in fine, une maigre moisson à présenter en fin de mandat. Toute chose qui l’exposerait à la sanction de la population. La deuxième hypothèse est que l’opposant malheureux fixe haut la barre de la contestation pour espérer quelques strapontins en cas de négociations pour désamorcer la bombe socio-politique. Car, on le sait, les crises électorales, sous l’instigation de la communauté internationale, ont souvent débouché sur des pourparlers qui ont abouti à la mise en place de gouvernements d’union nationale. Il n’est donc pas exclu que Mahamane Ousmane et la coalition qui le soutient, cherchent à se vendre cher à travers ces manifs à répétition qu’ils organisent.
La préoccupation première des Nigériens est plus le retour de la sécurité dans le pays
Enfin, la dernière hypothèse est que l’opposition nigérienne fait monter le thermomètre politique dans l’objectif d’obtenir la libération des détenus politiques arrêtés lors des précédentes manifestations. Quels que soient cependant les desseins de l’opposant, il est indéniable qu’il file du mauvais coton. Et pour cause. D’abord, le contexte national ne se prête pas à ce genre de calculs politiciens. Le Niger est installé dans l’œil du cyclone terroriste dont les vents meurtriers sont les massacres à répétition de populations civiles dans le fameux « triangle de la mort ». La préoccupation première des Nigériens est donc plus le retour de la sécurité dans le pays que de servir de chair à canon dans des querelles politiques successorales. A trop tirer d’ailleurs sur la corde dans ce contexte, Mahamane Ousmane court le risque de faire douter de son sens de responsabilité ; ce qui peut le disqualifier à terme, de la course au pouvoir. Ensuite, Mahamane Ousmane se trompe lourdement s’il croit pouvoir maintenir durablement les manifestants debout dans la rue. Car, l’expérience montre, comme on a pu le voir dans des pays comme le Togo, la Côte d’Ivoire et le Mali, que les tenants du pouvoir finissent toujours par avoir raison des manifestants, avec le temps. Sans nul doute que cette règle ne fera pas exception au Niger. Il est donc temps que cesse ce combat d’arrière-garde que mène l’opposition nigérienne et que ses militants rentrent dans la République pour mener la seule guerre qui vaille aujourd’hui au Niger : la lutte contre les marchands de la mort qui écument le pays. A défaut d’entendre cette voix de la sagesse, Mahamane Ousmane finira par rejoindre le banc des « présidents en salle d’attente » comme Jean Ping au Gabon, Martin Yayulu en RDC ou encore Moïse Kamto au Cameroun. Au pire des cas, il réussira à effaroucher le nouveau président qui, dans le contexte sécuritaire actuel du pays, n’hésitera pas à recourir à la répression pour dissuader les pêcheurs en eaux troubles. Mais on n’en est pas encore là. Mahamane Ousmane peut toujours se mettre du bon côté de l’histoire et attendre patiemment son heure.
« Le Pays »