CONTESTATION POST-ELECTORALE EN MAURITANIE
La Mauritanie est-elle en train de s’installer durablement dans une crise postélectorale ? La question mérite d’être posée tant, quelque quatre jours après la proclamation des résultats de la présidentielle du 22 juin par la Commission électorale, la tempête de la contestation n’est pas prête de retomber. En effet, réunis en conférence de presse le 26 juin dernier dans la capitale mauritanienne, les quatre candidats de l’opposition ont unanimement accusé le pouvoir d’avoir opéré un « hold-up » électoral dont les prémices, selon eux, se lisaient dans l’impressionnant dispositif sécuritaire qui a encadré le vote. Seulement, face au pouvoir qui a bandé les muscles et dont le candidat a été déclaré vainqueur, l’opposition semble hésiter à aller au charbon. En effet, après un premier rendez-vous manqué dans la rue en début de semaine, ses leaders ont encore, en fin de compte, battu en retraite en renonçant à la manifestation d’hier, 26 juin, à laquelle ils avaient pourtant appelé leurs militants.
Si le pouvoir est dans une logique de passage en force, il est à craindre qu’il multiplie les obstacles
Ce repli tactique de l’opposition trouve principalement son explication dans le fait que les autorités avaient prévenu qu’elles séviraient sans état d’âme contre toute manifestation non autorisée. Pendant ce temps, les opposants se disent fortement préoccupés par les arrestations massives opérées dans leurs rangs par le pouvoir qui ne s’était déjà fait aucune difficulté pour fermer certains de leurs QG dès les premiers jours de la contestation. Autant de faits qui voient les marges de manœuvre des contestataires se réduire comme peau de chagrin et amènent à se demander si l’opposition finira par se résigner. En tout cas, en refusant de braver l’interdiction de manifester sans autorisation, l’opposition mauritanienne se montre certes républicaine, mais ce faisant, elle se prive d’un moyen de coercition et pas des moindres, pour maintenir la pression sur les autorités de Nouakchott. Car, si le pouvoir est dans une logique de passage en force, il est à craindre qu’il ne multiplie les obstacles pour briser la lutte de l’opposition. Au bout du compte, c’est la contestation elle-même qui risque de mourir de sa belle mort ou, à tout le moins, d’être réduite à sa plus simple expression. Et l’histoire prouve suffisamment à souhait qu’il n’y a pas grand-chose à attendre des recours légaux dans les litiges électoraux, pour que les contestataires mauritaniens ne se fassent pas d’illusions sur les recours en annulation déposés devant le Conseil constitutionnel. C’est dire s’il y a des raisons de ne pas être particulièrement optimiste pour l’opposition mauritanienne. Car, si le scénario d’une dévolution amicale et arrangée du pouvoir devait se préciser, l’on ne voit pas de quel autre moyen d’action ou de pression dispose l’opposition pour se faire entendre. C’est le lieu d’interpeller le Conseil constitutionnel mauritanien à se montrer à la hauteur du défi et à prendre ses responsabilités devant l’histoire, pour dire le droit en toute impartialité et en toute équité, s’il estime que les irrégularités affectent l’intégrité du vote. Ce n’est pas impossible.
Il est temps, pour l’Afrique, de tourner la page des farces électorales
Car, on a vu des pays où la juridiction suprême qui se pose en juge du contentieux électoral, a su faire la preuve de son indépendance. C’est le cas du Kenya où la Cour suprême avait invalidé la victoire du président sortant, Uhuru Kenyatta, déclaré vainqueur avec 54,27% des voix, contre 44,73% pour son challenger Raïla Odinga, à la présidentielle d’août 2017. Dans la foulée, elle avait ordonné la reprise du scrutin ; ce qui reste encore à nos jours, un acte inédit et historique de courage unanimement salué par les démocrates du continent africain, même si on connaît la suite. Car, c’est à ce prix que se construit et pourrait se renforcer la démocratie sur le continent noir où les élections se suivent et se ressemblent, avec leur lot de contestations. Il est temps, pour l’Afrique, de tourner la page des farces électorales. Il est aussi grand temps que les dirigeants africains se ressaisissent pour travailler à arrimer véritablement leur pays à la vraie démocratie. Il y va de l’intérêt du continent africain qui souffre véritablement de l’incurie de sa classe politique et où les lendemains électoraux riment presqu’invariablement avec scènes de violences sans que cela n’apporte rien au mieux-être des populations. Au contraire, c’est tout cela qui contribue à tirer vers le bas un continent dont tout le monde s’accorde à reconnaître la richesse, mais dont les populations continuent de croupir dans la misère, comme si le développement leur avait définitivement tourné le dos. Il faut que ça change.
« Le Pays »