HomeA la uneCOTE D’IVOIRE : La réconciliation est-elle possible avec ADO ?

COTE D’IVOIRE : La réconciliation est-elle possible avec ADO ?


 

A trois mois de l’élection présidentielle en Côte d’Ivoire, le pouvoir d’Alassane Ouattara se démène comme il peut pour relever à la fois les défis liés à la justice, à la réconciliation et à l’indemnisation des victimes ou de leurs ayants droit de la grave crise postélectorale. Ces trois défis sont à la fois liés et corsés. Par rapport au défi de la justice en rapport avec les dérapages postélectoraux, le pouvoir ivoirien semble avoir mis un point d’honneur à ce qu’après Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé   transférés   à la Haye, tous les autres mis en cause s’expliquent désormais devant les tribunaux ivoiriens. Ainsi, après le procès de l’ex-première dame, Simone Gbagbo qui  avait été condamnée à 20 ans de prison, le tribunal miliaire d’Abidjan a procédé, le mardi 4 août dernier, à la condamnation de deux officiers qui étaient au cœur de l’appareil répressif et sécuritaire du régime Gbagbo. L’un d’eux est le sulfureux Séka Yapo Anselme dit « Séka Séka ». Celui-ci a écopé de 20 ans de prison pour homicide volontaire et coups et blessures sur la personne du chauffeur de l’ex-ministre des droits de l’homme, Joël Nguessan, actuel porte-parole du RDR (Rassemblement des Républicains).

Le défi  d’une justice impartiale reste pratiquement entier pour le gouvernement ivoirien

Comme l’on pouvait s’y attendre, les avocats du sicaire de Gbagbo ont crié à un verdict arbitraire au motif, disent-ils, « qu’il n’y a pas de preuves et que les témoignages n’étaient pas convaincants ». Cette posture de défense qui avait déjà été affichée lors du procès de Simone Gbagbo, n’est pas étonnante, puisque la dénégation systématique et le mensonge semblent être l’arme de défense des avocats des pro-Gbagbo poursuivis dans le cadre de la crise postélectorale. Et pourtant, Dieu seul sait si certains de ces derniers ont posé des actes hautement répréhensibles, en termes d’atteintes gravissimes aux droits humains, quand leur mentor était aux affaires.  A ce propos, l’un des noms les plus emblématiques de cette période de terreur était précisément Séka Yapo Anselme. La seule évocation de son nom suscitait  des frissons en Côte d’Ivoire. De ce fait, l’honnêteté aurait voulu que l’ex-sicaire plaidât coupable et profitât de ce procès pour demander pardon aux victimes. Il aurait dû d’autant plus le faire que d’autres procès en rapport avec des faits plus graves, se profilent à l’horizon contre lui. En attendant cela, l’on peut déjà tirer deux leçons de la condamnation de « Séka Séka » à vingt ans de prison. La première est que tous ceux qui lient leur destin aux dictateurs sont toujours rattrapés par l’histoire. La deuxième, qui est d’ailleurs   liée à la première, est que les thuriféraires des satrapes ne s’imaginent jamais que leur mentor pourrait un jour quitter le pouvoir. Ce faisant, ils s’adonnent sans modération à tous les excès, jusqu’à ce que le ciel leur tombe sur la tête. Cela dit, si l’on peut saluer la détermination du pouvoir ivoirien à juger les pro-Gbagbo pour l’ensemble de leurs basses œuvres, l’on peut dans le même temps déplorer avec Human Rights Watch (HRW), le fait que certains membres du camp Ouattara sur qui pèsent pourtant de fortes présomptions de violences et de crimes liées à la même crise, ne soient pas pour le moment véritablement inquiétés, ni par la justice ivoirienne, ni par la Cour pénale internationale (CPI). Le défi donc d’une justice impartiale reste pratiquement entier pour le gouvernement ivoirien, peut-on dire.

La contradiction à résoudre pour parvenir à la réconciliation n’est pas politique

Le deuxième défi qu’ADO s’acharne à relever est celui de l’indemnisation des victimes ou de leurs ayants droit. A ce sujet, ADO lui même a procédé samedi dernier, à la remise à chacune des deux cents victimes triées sur le tas sur les quatre mille cas recensés, une somme allant de 150 000 à 1 million de nos francs. Là aussi, l’on peut trouver à redire. Car, en plus du fait que cette opération peut être suspectée d’avoir un relent électoraliste, l’on peut aussi se demander si cette forme de réparation par l’argent, peut suffire à soigner véritablement les cœurs meurtris. L’on peut en douter. L’idée aurait été que l’on procédât autrement. Par exemple, la prise en charge des enfants des victimes, si elles en ont, comme pupilles de l’Etat. Dans le même registre, l’on peut dire que sociologiquement, surtout en Afrique, les populations rechignent à monnayer la mort de leurs proches. Par contre, elles peuvent s’accommoder moralement de formes de réparation qui s’appuient sur la vérité et la justice. Dans le cas d’espèce, ces préalables n’ont pas été observés, comme ce fut le cas en Afrique du Sud avec Nelson Mandela. Pour toutes ces raisons, l’on peut se demander si le troisième défi qui est celui de la réconciliation nationale, a des chances réelles d’être un jour relevé en Côte d’Ivoire. Déjà, les pro-Gbagbo n’y croient pas un seul instant. Ces derniers sont dans l’attente de ce qu’ils appellent « le match retour » pour se venger. Et ils le disent haut et fort à qui veut les entendre. Et celui qui cristallise le mieux   ce sentiment malsain qui n’augure rien de bon pour la Côte d’Ivoire, n’est autre que la personne d’Alassane Ouattara à qui ils vouent une animosité féroce. C’est pourquoi l’on est en droit de se demander si la réconciliation est possible en Côte d’Ivoire sous le magistère d’Alassane Ouattara. Cette question est d’autant plus justifiée que la contradiction à résoudre pour parvenir à cette réconciliation n’est pas politique. Loin de là. Elle est plutôt sous-tendue par des considérations nauséeuses en rapport avec et toujours l’éhontée question de l’ivoirité qui, en Côte d’Ivoire, est en passe de devenir une véritable idéologie pour bien des Ivoiriens, même si certains, officiellement s’en défendent.

« Le Pays »


Comments
  • Mais vous là
    ou est ce qu’on doit condamné quelqu’un en justice parce qu’on entends son nom dans la bouche d’autres individus?

    Ou bien chez vous on parle pas de droit.

    Si c’est le cas alors annoncer la condamnation de Blaise sans un procès et in vous suivra.

    6 août 2015

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