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COUP D’ETAT CONTRE ALPHA CONDE


Quarante-huit heures après le coup d’Etat du colonel Mamady Doumbouya qui a déposé le président Alpha Condé le 5 septembre dernier, c’est toujours l’incertitude en Guinée. En effet, entre joie explosive des adversaires du président déchu, prudence de ses partisans et condamnations de la communauté internationale, la Guinée cherche, peut-on dire, son chemin pour ne pas être mise au ban des nations. C’est dans ce contexte de confusion où les putschistes eux-mêmes, est-on tenté de le croire, en dehors du fait de tenir le président déchu, semblent chercher à bien asseoir leur coup en vue de s’assurer de la maîtrise totale de la situation à l’interne, qu’est intervenue, hier, 6 septembre, une rencontre avec les désormais anciens ministres de l’équipe Condé ainsi que les présidents d’institutions. Objectif : avoir des gages de leur fidélité dans un contexte où il leur avait été préalablement signifié, en des termes sans équivoque, que tout refus de se présenter à ladite réunion serait considéré comme une « rébellion ». Un ton martial qui sonnait comme une mise en garde. C’est donc le plus logiquement du monde que, du président de la CENI à celui de la Cour constitutionnelle en passant par le Premier ministre et le président de l’Assemblée nationale, tous étaient présents à l’heure du rendez-vous pour répondre à la convocation du nouvel homme fort de Conakry.

 

Ce coup de force vient davantage marquer le recul de la démocratie dans la sous-région ouest-africaine

 

 

Une participation à cette réunion de mise au point avec les putschistes, qui entérine du même coup la déchéance du président Condé.  Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’après-Condé semble bel et bien engagé en Guinée où le chef de l’Etat déchu n’aura pas laissé que de bons souvenirs à ses compatriotes voire au-delà. Et cela est un euphémisme car, pour ce qu’il a donné de voir de sa gestion du pouvoir d’Etat et de son comportement parfois à la limite de la condescendance vis-à-vis même de ses pairs, Alpha Condé ne risque pas d’avoir grand monde pour pleurer son sort. La question qui se pose désormais est la suivante : quels lendemains pour la Guinée ? Et cette question est d’autant plus justifiée qu’il est regrettable que  la parenthèse de la démocratie au pays de Sékou Touré, s’ouvre et se referme aussitôt avec la dizaine d’années de règne de l’opposant historique devenu président. Et  ce coup de force diversement apprécié, vient davantage marquer le recul de la démocratie dans la sous-région ouest-africaine, avec cette énième intrusion des hommes en treillis sur la scène politique. Cela s’est d’abord traduit par le coup de force d’août 2020 contre le président Ibrahim Boubacar Keita au Mali, au moment où l’on croyait que l’Afrique de l’Ouest avait définitivement tourné le dos aux coups d’Etat avec la mise en échec, en septembre 2015, du coup d’Etat du général Gilbert Diendéré contre la Transition au Burkina. Ce, dans un contexte où le débat sur la limitation des mandats avait atteint un tel niveau que seuls le Togo et la Gambie se présentaient, à une époque encore récente, comme les deux seuls moutons noirs de la démocratie dans cette partie du continent africain.

 

 

On espère que c’est un recul pour mieux sauter dans le but de remettre le pays sur les rails de la démocratie

 

 

Mais aujourd’hui, le ver est à nouveau revenu dans le fruit au point que des pays comme la Guinée et la Côte d’Ivoire, n’ont pas pu faire l’économie de la question du troisième mandat avec les conséquences que l’on sait. Faisant même aujourd’hui nourrir de sérieuses appréhensions pour le Sénégal et le Bénin qui étaient vus, de loin, comme des phares de cette démocratie tant chantée et qui peine à prendre véritablement racine en Afrique.  C’est dire si aujourd’hui, l’Afrique de l’Ouest a cessé de faire rêver les démocrates du continent ; tant elle est loin de faire encore l’exception. Et cela est en partie de la responsabilité de la CEDEAO (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest) qui n’a pas su convenablement faire la promotion de sa Charte de la démocratie et de la bonne gouvernance auprès des chefs d’Etat, dans leurs dérives autocratiques. Et la situation est d’autant plus désespérante que les institutions sous-régionales ou même continentale comme l’Union africaine (UA), censées jouer les gendarmes, semblent impuissantes à se faire respecter quand elles ne manquent pas tout simplement de fermeté. Cela a été le cas au Mali, lors du deuxième coup d’Etat du colonel Assimi Goïta en l’espace de huit mois, cette fois-ci pour déposer les dirigeants de la Transition et accaparer le pouvoir. Ceci expliquerait-il ce qui se passe en Guinée ? La question reste posée. En tout état de cause, en ne respectant pas les règles du jeu démocratique, les chefs d’Etat africains sont en train de dérouler le tapis rouge aux militaires pour un retour en force au devant de la scène politique. Dans le cas de la Guinée, l’on espère que c’est un recul pour mieux sauter dans le but de remettre le pays sur les rails de la démocratie. Le hic est que les hommes en treillis nous ont finalement habitués à balayer les palais présidentiels pour mieux s’y installer. Le colonel Doumbouya fera-t-il l’exception en Guinée ? On attend de voir. D’autant que dans son allocution d’hier, il a promis très rapidement la formation d’un gouvernement d’union nationale sans chasse aux sorcières. Il n’a toutefois pas pipé mot sur la durée de la transition.

 

« Le Pays »

 

 


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