HomeA la uneCRISE GAMBIENNE : Jusqu’où la CEDEAO peut-elle aller ?

CRISE GAMBIENNE : Jusqu’où la CEDEAO peut-elle aller ?


 

La crise postélectorale gambienne a été le principal sujet de discussion entre les chefs d’Etat de la sous-région à l’occasion du 50è sommet de la CEDEAO, qui a clos ses travaux samedi dernier à Abuja. L’organisation ouest-africaine a réitéré son soutien au candidat élu, Adama Barrow, et a invité une nouvelle fois « his Excellency » Yahya Jammeh, à céder pacifiquement le pouvoir le 18 janvier prochain. Pour donner la preuve de sa détermination à atteindre  cet objectif à ceux qui en doutent encore, la CEDEAO a invité les chefs d’Etat de la sous-région à se rendre à Banjul à l’occasion de l’investiture du nouveau président. Des mesures de sécurité sont également envisagées, afin de protéger Adama Barrow contre d’éventuelles menaces venant du camp du président sortant. Ces mesures sont d’autant plus nécessaires que les sbires du loufoque Yahya Jammeh pourraient, en désespoir de cause, créer les conditions d’un chaos dans la capitale et à travers tout le pays, avec le nouvel élu et son entourage comme principales cibles. En clair, la CEDEAO a annoncé des mesures préventives contre les velléités de l’actuel homme fort de la Gambie de s’agripper pour l’éternité à son fauteuil dans le Palais de la « State house », qu’il occupe contre vents et marrées depuis quasiment un quart de siècle. Mais cela suffit-il pour faire entendre raison à l’ubuesque Jammeh et aux apparatchiks de son système, dont la fin du pouvoir et des honneurs rime avec la fin des haricots et de l’impunité ? Rien n’est moins sûr, et les inconditionnels du président le plus fantasque du continent, mettront sans doute à profit les quelques semaines qui nous séparent de la date fatidique du 18 janvier 2017, pour préparer les conditions du chaos et mener la politique de la terre brûlée, au cas où la CEDEAO et la communauté internationale n’auraient d’autre choix que d’utiliser la manière forte pour faire plier l’échine au président guérisseur et prophète à la fois pendant ses périodes de délire. Car, il faudrait bien y penser, et la CEDEAO l’a déjà dit en n’écartant aucune option, même militaire, malgré les risques particulièrement élevés de cette dernière. Car, dans une sous-région où la moitié des pays luttent désespérément contre le terrorisme et où les armées sont réquisitionnées sur différents théâtres d’opération, il ne sera pas aisé de trouver les hommes et les moyens nécessaires pour aller à l’assaut de Banjul.

L’option du renoncement de Jammeh contre l’impunité pourrait arranger tout le monde

La situation gambienne n’a rien à voir en effet avec celles du Libéria et de la Sierra Leone des années 90, où l’ECOMOG avec les soldats et les Alpha jets nigérians en première ligne, paradaient dans les rues de Monrovia, Buchanan ou Freetown, en sauveurs des populations civiles martyrisées. Aujourd’hui, même le Sénégal dans la gueule duquel se trouve la banane qu’est la Gambie, pour reprendre les termes de Joseph Ki-Zerbo, hésiterait à envahir son minuscule et encombrant voisin, car cela attiserait à coup sûr le feu qui couve sous la cendre en Casamance, et entraînerait l’exode de milliers de Gambiens vers le Sénégal. Avec la triste expérience du cas libyen, où en chassant le dictateur on a aussi chassé la paix et désarticulé le pays, on pourrait se demander s’il est opportun d’envoyer des troupes pour déloger le président psychopathe, car il en profiterait pour raviver la fibre patriotique ou dresser les Gambiens les uns contre les autres. Alors, que faire ? Jusqu’où pourrait aller la CEDEAO pour faire respecter les résultats sortis des urnes et reconnus par tous, y compris le très versatile Yahya Jammeh, avant son spectaculaire rétropédalage moins d’une semaine plus tard. Il pourrait s’agir probablement de sanctions économiques qui asphyxieraient le minuscule pays et créeraient les conditions d’une révolte populaire, qui pourrait être suivie d’une révolte de Palais, comme on en a connu ailleurs en Afrique. Malheureusement, cela pourrait ne pas émouvoir ou désarçonner le président Jammeh, et ce sont les innocentes populations qui risqueraient d’en pâtir. La meilleure façon d’écourter les souffrances des Gambiens serait de brandir concomitamment le bâton des sanctions économiques et la carotte de l’exil doré du dictateur, très loin du continent, quelque part dans le golfe persique, où le satrape pourrait être accueilli  comme un frère en islam, comme l’ont été d’autres dictateurs comme Idi Amin Dada ou plus récemment, Ben Ali. Cette option du renoncement de Jammeh contre l’impunité et la reddition des comptes pourrait arranger tout le monde : la CEDEAO en sortirait grandie pour sa fermeté et son forcing, et Jammeh s’en tirerait à bon compte, car il ne serait ni jugé, ni condamné, ni humilié, encore moins décapité sur une place publique à Banjul. Si ce scénario venait à se réaliser, il ne resterait plus qu’à mettre sous surveillance les officiers et autres hommes du rangs « engraissés » par Jammeh pour les besoins de sa cause pendant ses années de dictature, et Adama Barrow pourrait diriger véritablement la Gambie, jusqu’à son départ volontaire  ou par les urnes.

Hamadou GADIAGA


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