HomeA la uneCRISE POLITICO-MILITAIRE AU BURKINA : Seul le Faso doit triompher

CRISE POLITICO-MILITAIRE AU BURKINA : Seul le Faso doit triompher


Il fallait avoir des nerfs d’acier pour pouvoir faire face à la dangerosité et à la volatilité de la situation politico-militaire au Burkina Faso et surtout à Ouagadougou, provoquées par l’interférence de l’armée pour la deuxième fois en moins d’une année, dans la gestion politique du pays. Dès le vendredi à l’aube, en effet, des vidéos tournées à la dérobée et dans lesquelles les rues ouagalaises résonnaient de tirs intenses de soldats déchaînés, ont circulé abondamment sur les réseaux sociaux, avant qu’on ne réalise dès le milieu de matinée, qu’il s’agissait d’une tentative de coup d’Etat contre le régime de la Transition. Un régime qui  n’a pas été, il faut le dire, un exemple de réussite en matière de gouvernance et surtout de lutte contre le terrorisme. Ce coup d’Etat, qui est donc le résultat d’une confluence de facteurs, a été perpétré par un jeune officier à la tête, depuis mars dernier, du régiment d’artillerie de la première région militaire basée à Kaya, qui avait déjà joué un rôle précurseur dans le putsch qui fut fatal au régime de Roch Marc Christian Kaboré, en janvier dernier. Le capitaine Ibrahim Traoré, puisque c’est de lui qu’il s’agit, et ses éléments, ont décidé d’agir pour mettre fin aux réponses médiocres que celui qu’ils ont aidé à accéder au pouvoir, le lieutenant-colonel Paul Henri Sandaogo Damiba, apportait aux défis colossaux auxquels fait toujours face le Burkina Faso, notamment sur les plans humanitaire et sécuritaire.

 

La situation était explosive et potentiellement meurtrière

 

Si dès le vendredi matin, on avait pensé à une révolution de velours, les choses vont dangereusement s’accélérer le lendemain avec des mouvements de troupes constatés au cœur de la capitale et à Kamboinsin dans la zone périurbaine de Ouagadougou, qui abrite le siège des forces spéciales restées fidèles au lieutenant-colonel Damiba. Ce dernier, qui avait sombré dans le silence dès le début des évènements, est sorti du bois, via une publication sur le site de la présidence dans laquelle il appelait le capitaine Traoré et ses partisans à ‘’revenir à la raison’’ afin d’éviter des affrontements fratricides entre des factions de l’armée fidèles à l’un et à l’autre. Il n’en fallait pas davantage pour que les Ouagalais soient convaincus que le ciel allait entrer en collision avec la terre, au grand dam des civils qui risquaient lourdement de pâtir de cet éventuel  combat de gladiateurs dans les rues de la capitale. La situation était d’autant plus explosive et potentiellement meurtrière qu’il y avait entre les protagonistes, plusieurs centaines de manifestants sortis spontanément dans plusieurs villes du pays pour apporter leur soutien aux putschistes, et laisser éclater leur colère contre la France en vandalisant les locaux de son enclave diplomatique à Ouagadougou, et ceux de l’Institut français à Bobo-Dioulasso. Ils ont par ailleurs demandé à la nouvelle junte de mettre plusieurs fers au feu dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, en privilégiant la coopération avec la Russie et en donnant notamment un pied-à-terre militaire à Moscou, sur le sol burkinabè. Seront-ils entendus ? Rien n’est moins sûr, d’autant que le capitaine Traoré a recadré ses propres éléments qui avaient repris le verbatim des manifestants sur la rupture des relations franco-burkinabè et l’impérieuse nécessité de conclure des accords de défense avec la Russie de Vladimir Poutine.

 

Le plus dur ne sera pas de trouver l’oiseau rare, mais de panser les plaies de cette armée en marmelade

 

Plus qu’un rétropédalage, cette mise au point du désormais président du MPSR est un virage à 180 degrés. Car, quelques heures plus tôt, son mouvement avait justifié en partie l’action du vendredi dernier par le refus du lieutenant-colonel Damiba de lancer un appel au secours à des partenaires susceptibles de sortir le Burkina Faso des tréfonds de l’abîme, en faisant évidemment allusion à la fédération de Russie. C’est vrai que le nouvel homme fort du Burkina doit savoir que tout bon dirigeant doit aller dans le sens voulu par son peuple. Il sait certainement que celui qui se noie peut s’accrocher désespérément même à la queue d’un requin blanc, mais il n’ignore pas non plus et malgré son inexpérience politique, que « le règne des populistes est éphémère, mais les ruines de leurs actions sont éternelles », comme l’avait écrit le poète, essayiste et officier de réserve français, Charles Pierre Péguy. Il pourrait donc jouer la carte de la prudence sur cette question ultrasensible du choix de la Russie comme partenaire stratégique au détriment de la France, et refilera probablement cette patate chaude à celui qui sera désigné à l’issue des  consultations annoncées, comme président du Faso. Cela dit, on voit mal ce jeune capitaine à la popularité déjà florissante, accepter d’assumer ces fonctions à haut risque, dans ce contexte où il est autant difficile de trouver un Bwaba lucide à Bondokuy le jour du marché du village, que de ramener la paix et la sécurité dans un temps record dans ce pays. Et comme les mêmes causes produisent des effets encore plus dévastateurs que les précédents dans ce Burkina déglingué, le fringant trentenaire serait bien inspiré de demeurer cet officier d’active dont on dit qu’il est admiré de la troupe, au lieu de se fourvoyer comme son prédécesseur dans la gestion politique de ce pays qui a, fort heureusement, encore des hommes valeureux et patriotes qui ont le profil de cet emploi. Le plus dur ne sera d’ailleurs pas de trouver l’oiseau rare, mais de panser les plaies de cette armée en marmelade, dont la cohésion a été encore davantage mise à mal par les derniers événements. C’est vrai que le pire a été évité in extremis avec la démission obtenue au forceps, du lieutenant-colonel Paul Henri Sandaogo Damiba dans la matinée d’hier dimanche, mais les déchirures que ce dernier putsch a occasionnées au sein de la grande muette, ont besoin d’être rafistolées au plus vite, si on veut véritablement faire échec aux groupes armés qui sont en train de mettre le grappin sur des pans entiers de notre territoire. Car, après tout, c’est le Burkina éternel qui doit triompher et sortir de ces terribles épreuves par le haut, tous les acteurs actuels n’étant que poussière, qui retourneront un jour ou l’autre à la poussière, pour paraphraser la citation apocryphe attribuée au prophète Moïse. 

 

« Le Pays »


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