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CRISE POLITIQUE AU TCHAD  


Plus rien ne semble venir à bout de la détermination du mouvement de l’opposition tchadienne qui conteste la dévolution dynastique du pouvoir dans le pays et appelait, pour la journée d’hier, ses militants à descendre encore dans la rue. Ni l’interdiction de manifester décidée par le Conseil militaire de la transition (CMT) ni même les cadavres que l’on a ramassés à la fin de la première journée de manifestation, ne semblent émousser les ardeurs des leaders de l’opposition qui continuent d’exiger le départ des militaires du pouvoir. Et ce n’est certainement pas le changement de ton de la France avec la sortie du président Emmanuel Macron qui apporte de l’eau au moulin des contestataires ou encore la prise de position de l’Union africaine, qui fera  baisser le mercure du thermomètre politique au Tchad. Face à cette opposition qui s’est juré d’avoir tout, tout de suite,  l’on imagine aisément que l’adresse à la nation du président du CMT après la journée sanglante du 27 avril 2021, a pris toutes les allures d’un prêche dans le désert.  C’est donc dire que face à une armée effarouchée par les attaques terroristes et qui est sur le pied de guerre depuis plus d’une décennie, le sang risque encore de couler si la défiance des opposants doit se poursuivre avec les appels à manifester.

 

 

 

La communauté internationale peut et doit jouer un rôle de premier plan

 

L’urgence aujourd’hui est d’éviter à tout prix que la situation n’aille de Charybde en Scylla.  Cela dit, la question que l’on peut cependant se poser, est la suivante : qu’est-ce qui rend impossible  le fait que les protagonistes de la crise ne puissent s’asseoir autour d’une même table pour désamorcer la bombe de ce chaos qui menace le Tchad ? La question n’est pas saugrenue parce qu’à écouter les discours, toutes les parties prenantes à la crise semblent vouloir la même chose. En effet, alors que les opposants et la communauté internationale réclament tous une transition ouverte aux civils, la junte, si l’on se réfère au discours à la nation  de son président, Mahamat Idriss Déby, abonde dans le même sens, tout en se disant ouverte au dialogue.  « Je serai le garant de ce dialogue qui n’éludera aucun sujet d’intérêt national selon un calendrier précis que le gouvernement sera appelé à dévoiler. Dans les prochains jours et après les consultations en cours, un Conseil national de Transition, représentatif de toutes les provinces et de toutes les forces vives de la Nation, sera également mis en place, de façon consensuelle et concertée, pour permettre l’accompagnement législatif de l’action gouvernementale et de donner au pays les bases d’une nouvelle Constitution ». Il y a donc une crise de confiance qu’il faut visiblement dénouer. Et c’est là que la communauté internationale peut et doit jouer un rôle de premier plan en proposant non seulement un mécanisme pour mettre en confiance les militaires et la classe politique mais aussi pour élaborer une feuille de route consensuelle avec des procédures claires d’évaluation. La Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale (CEEAC) qui, jusque-là, s’est emmurée dans un mutisme, à la limite incompréhensible, se doit de prendre les devants.

 

L’effondrement de N’Djamena ouvrirait davantage les portes de l’Afrique subsaharienne aux groupes armés de tout acabit

 

Car, l’habitude est que l’organisation sous-régionale concernée, donne la cadence à suivre à l’UA et au-delà, à la communauté internationale tout entière. Le cas malien, avec le rôle prépondérant de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), est là pour nous rappeler l’efficacité que les institutions sous-régionales peuvent jouer en pareilles circonstances. C’est en cela que l’on peut demander au président en exercice de l’UA d’aller au-delà des déclarations de principe faites sur le perron de l’Elysée et qui peuvent ressembler à des leçons prises auprès du grand chef blanc, de demander à la CEEAC de proposer des mesures concrètes pour sortir le Tchad de la crise.  En tout cas, il est de l’intérêt de tous que cette crise politique ne s’enlise pas. Et pour cause. La chienlit ferait l’affaire des terroristes qui se sont d’ailleurs signalés, le 27 avril, par une orgie sanglante où l’on déplore de nombreux morts dans les rangs des militaires et parmi les civils. Si cette crise militaire devrait se doubler d’une crise économique et sociale en raison des manifs qui peuvent s’installer dans la durée, l’apocalypse tant redoutée serait véritablement aux portes du Tchad. Or, l’on sait que ce pays constitue un verrou sécuritaire important non seulement pour l’Afrique centrale mais pour tous les pays de la bande sahélo-saharienne en raison de sa puissance militaire. Il faut donc tout faire pour que le Tchad ne soit pas comme la Libye, car l’effondrement de N’Djamena ouvrirait davantage les portes de l’Afrique subsaharienne aux groupes armés de tout acabit. C’est en raison de tout cela que chacun des protagonistes de la crise doit mettre de l’eau dans son vin. A commencer par la junte qui doit absolument arrêter les massacres des civils. Mais les manifestants doivent aussi civiliser leur mouvement car, au nombre des morts de la première journée de manifs, l’on compte aussi des victimes liées à la colère des insurgés. L’on dénombre aussi de nombreuses casses et cela est contraire à l’Etat de droit qu’ils appellent de tous leurs vœux.

 

« Le Pays »

 


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