CRISE POST-ELECTORALE EN GUINEE-BISSAU
Deux mois après le deuxième tour de la présidentielle du 29 décembre dernier, la Guinée-Bissau est toujours dans l’impasse et est loin d’être sortie de l’auberge. En effet, Domingos Simoes Perreira, le candidat du parti au pouvoir, est toujours dans la contestation de la victoire de son rival, Umaro Sissoco Embalo, le candidat de l’opposition donné vainqueur par la Commission électorale avec 53,55% des suffrages. Une situation qui a plongé le pays dans une crise post-électorale qui a atteint son paroxysme le week-end dernier où le pays s’est retrouvé avec deux présidents, Umaro Sissoco Embalo ayant entre-temps prêté serment, au moment où le PAIGC déclarait la « vacance du pouvoir » et investissait un des siens, en l’occurrence le président de l’Assemblée nationale, Cipriano Cassama, président par intérim. Mais au surlendemain de sa désignation, ce dernier, craignant pour sa vie et celle de ses proches, larguera les amarres au grand dam de son parti qui n’est toujours pas prêt à faire place au nouveau président élu.
On croyait le pays parti pour tourner définitivement la page des soubresauts politiques
Pour autant, ce n’est toujours pas la fin de l’imbroglio politique puisque le processus électoral n’est pas allé à son terme et la Cour suprême continue de traîner les pas dans la validation de la victoire de Umaro Sissoco Embalo qui a déjà pris ses quartiers au palais présidentiel. Avec ce qui a toutes les allures d’un soutien de l’armée. C’est dire si cette ancienne colonie portugaise qui est plongée dans une instabilité chronique au sommet de l’Etat depuis son indépendance en 1974, est bien partie pour une nouvelle crise qui risque de conduire à un nouveau blocage politique et institutionnel. Comment vaincre le signe indien ? Telle est aujourd’hui la véritable question. Car, après la défaite du président sortant, José Mario Vaz, au premier tour de la présidentielle, on croyait le pays parti pour tourner définitivement la page des soubresauts politiques qui ont émaillé le règne de l’ancien président, dans un pays qui traîne la sulfureuse réputation d’être abonné aux coups d’Etat. Mais tout porte à croire que cette présidentielle censée être celle du renouveau, a créé plus de problèmes qu’elle n’en aura résolu, avec cette énième crise au sommet de l’Etat. Obligeant la CEDEAO à jouer les prolongations dans son rôle de veille et de médiatrice dans ce pays, face à la montée des tensions. C’est dans ce contexte que, dénonçant ces investitures en dehors des cadres légaux et institutionnels au moment où le contentieux électoral est pendant devant la Cour suprême, l’institution sous-régionale a appelé les protagonistes à s’en tenir au processus électoral qui doit aller jusqu’à son terme, tout en appelant l’armée à garder une posture de neutralité. Sera-t-elle entendue ? On attend de voir. Car, à voir l’évolution de la situation sur le terrain, l’on est porté à se demander ce que peut encore la CEDEAO et si elle a encore voix au chapitre, dans une crise qui est en train de dessiner ses contours.
Il est impératif pour les acteurs politiques bissau-guinéens, de travailler à accorder leurs violons
Déjà, la Grande muette semble avoir pris le parti de Emballo qui a investi l’institution présidentielle sans même attendre que le contentieux électoral soit complètement vidé, encore moins l’onction de l’instance judiciaire suprême. Pendant ce temps, malgré la volte-face du président de l’Assemblée nationale qui a finalement renoncé à assurer l’intérim de chef de l’Etat, le parti au pouvoir ne semble pas désarmer. Ce qui n’augure rien de bon pour la cohabitation, si la victoire de Emballo venait à être confirmée, sachant que le PAIGC a déjà raflé la mise des législatives. C’est dire si le plus dur reste encore à venir en Guinée-Bissau. C’est pourquoi il est impératif pour les acteurs politiques bissau-guinéens, de travailler à accorder leurs violons s’ils veulent véritablement sortir leur pays de l’ornière et vaincre le signe indien des crises à répétition au sommet de l’Etat. Car, avec toute la bonne volonté du monde, la CEDEAO, à elle seule, ne peut pas tout faire. Et elle aura autant de chances de se prendre les pieds dans le tapis, si les principaux acteurs que sont les Bissau-guinéens eux-mêmes, ne retroussent pas les manches. La balle est donc dans leur camp. A eux de s’assumer en toute responsabilité.
« Le Pays »