CRISE SECURITAIRE EN RDC : Le soldat Tshisékédi à la peine
Main droite sur la bouche, main gauche en guise de pistolet pointé sur la tempe. Tel est le geste symbolique des joueurs de l’équipe nationale de la République démocratique du Congo (RDC) à la dernière Coupe d’Afrique des nations de football (CAN) Côte d’Ivoire 2023, qui se voulait un message fort de soutien aux victimes du conflit armé qui sévit dans l’Est du pays. Mais aussi une interpellation de la communauté internationale sur les atrocités commises sur les populations par les groupes rebelles ainsi que la nécessité de trouver une solution à cette grave crise sécuritaire qui n’est pas loin d’avoir raison de la résilience des populations. Trois mois après ce geste des Léopards de la RDC, qui a marqué les esprits en terre ivoirienne lors de la demi-finale contre le pays hôte, la situation sécuritaire dans leur pays reste fortement préoccupante. Surtout au Nord-Kivu et en Ituri où les attaques des groupes armés contre les populations civiles se multiplient. En effet, pas plus tard que le week-end écoulé, dix-sept personnes ont été tuées dans le territoire de Djugu en Ituri, lors d’une double attaque des miliciens de la Codeco, l’un des nombreux groupes armés qui écument le pays. Au même moment, une incursion meurtrière attribuée au groupe ADF-Nalu laissait une dizaine de morts sur le carreau, dans le territoire voisin d’Irumu.
En se séparant des forces étrangères, le président Tshisékédi se complique davantage la tâche
Une situation qui a amené la société civile à donner de la voix pour interpeller les autorités de Kinshasa sur la précarité de la situation des populations qui souffrent aussi bien le martyre de ces attaques lâches et barbares, qu’elles vivent mal l’absence de l’armée congolaise censée porter l’estocade à ces bandits armés, malgré la proclamation de l’état de siège. Pendant ce temps, les rebelles du M23 continuent leur progression dans le Nord-Kivu où on les signale aux portes de Goma, la capitale de cette province située dans la partie orientale du pays. Une percée de ces rebelles sur fond de vives tensions avec le voisin rwandais accusé par Kinshasa, de leur porter son soutien. Des soupçons ravivés par la sortie des Etats-Unis et de la France qui sont allés de leurs vives préoccupations. Et ce, dans un contexte où la MONUSCO, la Mission de paix de l’ONU, a amorcé son retrait du pays sur demande des autorités de Kinshasa qui la trouvent inefficace. Un retrait des forces onusiennes qui intervient quelques mois après celui de la force régionale de la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC-RF), poussée à la sortie par Kinshasa en décembre dernier, pour les mêmes griefs. C’est dire combien la situation sécuritaire est à la fois difficile et complexe en République démocratique du Congo. Et le soldat Tshisékédi est d’autant plus à la peine qu’avec le départ acté des forces internationales, le pays est appelé à s’assumer pleinement pour assurer sa propre sécurité. Ce qui n’était déjà pas une sinécure et qui s’annonce encore plus difficile au regard de la multiplicité des groupes armés qui dépassent largement les deux cents, et de la multiplication des attaques et autres exactions qui ont poussé le pays au bord de la catastrophe humanitaire, avec quelque sept millions de déplacés fuyant les combats, principalement dans l’Est du pays, selon l’ONU.
L’avancée des groupes rebelles reste aujourd’hui encore une grosse préoccupation pour les autorités de Kinshasa
Mais en faisant le vide autour de lui et en se séparant des forces étrangères, le président Tshisékédi se complique davantage la tâche. D’autant que les contingents de la Communauté d’Afrique australe (SADC) à laquelle appartient aussi la RDC et sur lesquels il comptait pour remplacer les forces de l’EAC-RF, sont encore loin d’être opérationnels. En tout cas, au regard des difficultés qu’elle éprouve devant les groupes armés, tout porte à croire que ce n’est pas demain la veille que l’armée congolaise sera en mesure de renverser le rapport de forces en sa faveur sur le terrain. Et c’est peu dire que l’avancée des groupes rebelles qui continuent de grignoter des pans entiers du territoire, reste aujourd’hui encore une grosse préoccupation pour les autorités de Kinshasa. En particulier le président Félix Tshisékédi qui a été réélu en décembre dernier, sur sa promesse de ramener la paix dans le pays. Il lui appartient donc de travailler à se donner les moyens de sa politique en œuvrant d’abord à rassembler ses compatriotes à l’intérieur et à ouvrir ensuite un dialogue franc avec ses voisins, principalement le Rwanda et l’Ouganda, qui passent pour les bases-arrières du M23 et des ADF. C’est à ce prix qu’il pourra espérer apporter une embellie dans la crise sécuritaire de son pays qui n’en finit pas de se prolonger au grand dam des populations qui ne savent plus à quel groupe armé se vouer.
« Le Pays »