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CRISE SOCIOPOLITIQUE AU MALI


Malgré les négociations et concertations tous azimuts menées au pas de course par l’ONU, la CEDEAO, l’Union africaine et des personnalités maliennes comme l’imam Madani Haidara, le Cardinal Jean Zerbo et l’ancien président, Moussa Traoré, pour rabibocher le M5 et le président contesté Ibrahim Boubacar Keita (IBK), il faut se rendre à l’évidence qu’il y a toujours de l’eau dans le gaz et que la crise sociopolitique est loin de s’estomper au Mali. C’est vrai que IBK a pu sauver sa tête et son fauteuil grâce aux bons offices de la communauté internationale et au réalisme du leader de la contestation, l’imam Mahmoud Dicko, mais ce n’est pas encore le retour au calme sur les deux rives du Djoliba d’autant que les propositions de sortie définitive de crise divisent plus qu’elles ne rapprochent les acteurs. Le président malien, qui peut maintenant pousser un léger soupir de soulagement, a annoncé, samedi dernier, après sa rencontre avec ses amis de la majorité présidentielle et l’imam Dicko, qu’il est favorable à la mise en place d’un gouvernement d’ouverture tel que préconisé par la CEDEAO, mais n’a pipé mot sur le profil politique du futur chef de l’Exécutif. Il s’est dit également ouvert au dialogue par rapport à l’organisation rapide des législatives partielles, proposée par l’instance sous-régionale, mais tout cela risque de ne pas calmer les eaux agitées du Djoliba au regard des exigences du mouvement contestataire du 5 juin (M5). Cette alliance disparate opportunément fédérée par l’hostilité au président IBK, exige, entre autres, en effet, que le futur Premier ministre soit issu de ses rangs, que l’Assemblée nationale soit immédiatement dissoute et que les membres de la Cour constitutionnelle soient intégralement renouvelés.

On négocie, de part et d’autre, avec le couteau entre les dents

Il est évident que cette pilule, somme toute, amère, ne sera pas facilement avalée ni par le chef de l’Etat, ni par les députés actuels, ni même par les candidats dont la victoire a été, à tort ou à raison, invalidée par la Cour constitutionnelle, qui ne demandent ni plus ni moins qu’on les rétablisse dans leurs droits au lieu de perdre du temps et de l’argent en organisant de nouvelles élections. Les tensions seront d’autant moins apaisées qu’il y a dans les deux camps, des boutefeux comme c’est le cas, côté M5, de la jeunesse contestataire proche du cinéaste Cheick Omar Cissoko qui estime que la démission du président IBK est non négociable, et côté majorité présidentielle, le cas du président de l’Assemblée nationale, Moussa Timbiné, qui est vent debout contre la dissolution programmée de son institution. Face aux risques réels de scission au sein du mouvement hétéroclite du 5 juin, ses dirigeants réunis à Bamako, cette fois-ci sans Mahmoud Dicko, prévoient, pour rassurer et galvaniser leurs troupes, des manifestations d’une plus grande ampleur dans la capitale mais aussi dans les villes de l’intérieur, le 10 juillet prochain. En clair, on négocie, de part et d’autre, avec le couteau entre les dents, sur fond d’intérêts politiques et personnels qui, malheureusement, ne font qu’accentuer la lente mais constante décomposition du Mali. Espérons que la communauté internationale et la CEDEAO vont continuer à veiller au grain afin d’éviter le scénario-catastrophe du braquage des institutions de la République, par des opportunistes ; toute chose qui ajouterait un clou au cercueil de la paix et de la cohésion sociale dans ce pays. Et comme en politique aussi, pardon, en politique surtout, « rien ne se perd, rien ne se créé, tout se transforme », il est bien possible que dans la ‘’battue’’ en cours pour trouver un Premier ministre de consensus doté de pleins pouvoirs, l’oiseau rare soit un ancien proche de IBK aujourd’hui passé à l’opposition. Peu importe le nom du transfuge, l’essentiel est qu’il réponde aux attentes surtout des contestataires, en attendant l’inévitable levée de boucliers de la part des partisans du président quand ces derniers vont sortir de leur torpeur actuelle. Ainsi va le Mali, ce pays où la résolution d’une crise est presque toujours le prélude à une autre, le plus souvent bien plus grave encore.

Hamadou GADIAGA


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