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CRISES EN AFRIQUE :Quand des pyromanes s’érigent en pompiers


L’Afrique s’est réunie les 26 et 27 juin 2014 à Malabo en Guinée équatoriale, pour réfléchir sur les maux qui l’accablent afin d’y trouver des solutions. Ainsi, pour faire face désormais aux nombreuses crises qui traversent le continent, elle compte mettre en œuvre un dispositif à deux temps. Dans l’immédiat, la CARIC (Capacités africaines de réponses immédiates aux crises) sera mise en place dans un premier temps, puis des brigades de gestion des crises seront installées dans cinq régions du continent.

 

L’Afrique veut s’assumer en tant que continent

 

Enfin, peut-on s’exclamer ! L’Afrique a pris conscience qu’elle doit grandir et qu’elle ne peut pas exclusivement compter sur les autres pour gérer les crises qui se déroulent sur son sol. Cette vision mérite donc d’être saluée à sa juste valeur car l’on peut avoir l’impression que l’Afrique veut s’assumer en tant que continent soucieux de préserver la paix sur son espace et jaloux de sa souveraineté. Mais l’on peut dans le même temps se poser des questions à propos de l’opérationnalisation et des missions de ces structures. La première question est de savoir qui en assurera l’intendance et la logistique. Certes, 12 pays dont le Burkina se sont fermement engagés à fournir à la CARIC des contingents mais il se pourrait que cela ne suffise pas pour rendre opérationnel cet instrument dont l’Afrique a pourtant besoin pour prendre en charge ses crises. Le nerf de la guerre pourrait faire défaut. Déjà peu de pays africains peuvent se targuer d’être en règle vis-à-vis de leurs contributions financières pour le fonctionnement de l’Union africaine (UA). De ce point de vue, personne ne doit donc être étonné de voir dans les jours à venir, des délégations de l’UA faire le tour des capitales occidentales et y tendre la sébile pour collecter des fonds à l’effet de pouvoir mettre en mouvement cette fameuse CARIC. Et si c’est le cas, où es-tu « souveraineté »  ?

L’autre question que l’on pourrait se poser relativement aux crises en Afrique est de savoir qui les provoque. L’on n’a pas besoin de plus d’une seconde de cogitation pour y apporter une réponse. Ce sont les dirigeants africains eux-mêmes qui transforment leurs pays en bouillons de culture des crises. En effet, rares sont les pays africains dont les gouvernants n’ont pas travaillé à réunir les ingrédients des crises qui secouent aujourd’hui le continent. Les cas du Mali, de la Centrafrique et du Congo Kinshasa et la liste est loin d’être exhaustive, illustrent parfaitement ce point de vue. François Bozizé et Joseph Kabila et autres Salva Kiir, par leur conception patrimonialiste du pouvoir, leur refus de la démocratie, ont semé dans leurs pays les germes de la violence. Certains chefs d’Etat qui ont pris part au sommet de Malabo ont laissé chez eux des cocottes minutes pour courir, toutes affaires cessantes, en Guinée équatoriale afin de proposer leurs services à la mise en place de la CARIC. Leur empressement à aider l’Afrique à prendre en charge ses crises est cynique et suspect.

 

Les démocrates africains doivent être vigilants

 

Comment en effet, peuvent-ils se comporter en prédateurs de la paix dans leur propre pays tout en étant soucieux de la paix en Afrique ? C’est véritablement une incohérence qui malheureusement n’est pas gênante sous nos tropiques. Lorsque l’on observe l’état de la gouvernance politique des 12 pays qui se sont portés volontaires pour constituer la CARIC, l’on peut affirmer que dans leur écrasante majorité, ils ont plus le profil de pyromanes que celui de pompiers.

Les Africains qui sont épris de paix, d’alternance et de démocratie peuvent, de ce fait, écraser une larme et être intrigués de voir les mêmes pyromanes revêtir en même temps des tenues de pompiers pour éteindre les nombreux incendies qui sont en train d’embraser aujourd’hui l’Afrique. Il y a là visiblement un authentique jeu d’hypocrisie dont seuls certains dirigeants africains ont le secret. Quand ils sont hors de leurs pays, ils présentent un visage d’ange et s’illustrent par des tirades dans lesquelles le mot paix revient au bout de chaque phrase. Dès qu’ils retrouvent leurs palais, ils affichent un visage de démon, multipliant et peaufinant les intrigues pour s’accrocher au pouvoir, quitte à mettre leurs pays à feu et à sang. C’est pourquoi tous les démocrates africains doivent être vigilants pour que la CARIC, qui est a priori un instrument noble, ne soit pas utilisée un jour contre les peuples qui se mettent debout pour réclamer plus de paix, d’alternance et de démocratie. Une clarification conceptuelle mérite donc d’être faite à propos de la CARIC pour empêcher qu’elle soit un outil à la disposition des princes qui nous gouvernent pour protéger leurs trônes. Cette crainte se justifie d’autant plus que l’UA dont elle émane, a beaucoup plus les attributs d’une corporation de chefs d’Etat que ceux d’une organisation qui travaille véritablement à l’unité et au développement du continent.

 

Pousdem PICKOU


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