CRISES ET RECHERCHE DE LA PAIX : Quel rôle pour les leaders traditionnels et religieux ?
Le 22 novembre dernier, la Direction générale des Archives nationales a organisé une conférence publique sur le thème : « Le rôle des chefs traditionnels, coutumiers et des leaders des confessions religieuses en temps de crise au Burkina Faso ». La conférence a été animée par le Directeur de recherche en anthropologie à l’Institut des sciences des sociétés (INSS), Dr Ouhonyioué Kibora. D’emblée, il faut saluer cette initiative dont la pertinence n’est plus à démontrer en raison du contexte actuel du Burkina Faso frappé par une crise sécuritaire sans précédent. Et si des mains extérieures sont évidentes dans cette crise sécuritaire doublée d’une grave crise humanitaire, elles agissent par le biais des fils et filles du pays, laissant clairement percevoir des déchirures du tissu social. Qui donc, plus que les leaders coutumiers et religieux qui, de par leur essence et par la pratique, agissent comme la navette du tisserand, sont mieux indiqués pour recoudre le tissu social qui s’est gravement détérioré ? En effet, ces leaders sont une puissante force morale et il est tout à fait légitime que dans la recherche de la paix, ils soient invités à donner de la voix pour tenter de ramener les brebis égarées sur la voie de la raison.
Mais en plus de sa force morale, la chefferie traditionnelle et religieuse est le garant des valeurs traditionnelles tout comme elle a la responsabilité de veiller sur le patrimoine commun hérité des ancêtres. Cet héritage constitué pour l’essentiel des vertus individuelles et collectives, des valeurs sociales de paix, de tolérance, de fraternité, du respect de la vie sacrée, de solidarité, d’hospitalité, toutes puisées dans l’inépuisable réservoir de la spiritualité africaine mais aussi de toutes les terres qui constituent le territoire national et les richesses qu’elles charrient, est ce qui constitue l’indissoluble lien entre les filles et fils de la nation.
Les leaders coutumiers du Sud-Ouest ont, en ce sens, montré de façon efficace, le chemin à suivre
La conférence qui n’a pas manqué de rappeler ce rôle de garant des valeurs de notre société pour la chefferie traditionnelle, coutumière et religieuse, a donc eu le mérite de la conforter dans son rôle et de l’inciter à le jouer pleinement en ce moment où plus que jamais la Nation en a besoin. Et ce ne sera d’ailleurs pas la première fois qu’elle assume sa responsabilité dans l’Histoire du pays.
En effet, l’on se souvient que lorsque la colonie de la Haute-Volta a été supprimée en 1932 et répartie entre les territoires voisins du Niger, du Soudan français et de la Côte d’Ivoire, l’étendard de la lutte pour la reconstitution du pays, a été porté par les chefs traditionnels mossi qui avaient fait de la Cour du Mogho Naba, le berceau de la Haute-Volta. Aujourd’hui encore où le pays est menacé dans son existence, il est attendu d’eux le même engagement. Et tous les moyens pour remporter ce nouveau défi doivent être utilisés, y compris les rapports avec les forces visibles et invisibles. Les leaders coutumiers du Sud-Ouest ont, en ce sens, montré de façon efficace le chemin à suivre.
Cela dit, si les leaders traditionnels, coutumiers et religieux ont un rôle indiscutable à jouer dans la recherche de la paix, il leur appartient, pour réussir cette mission, de savoir se regarder aussi dans le miroir. Car, il faut le reconnaître, bien des conflits sociaux et politiques trouvent leurs sources dans la chefferie coutumière et religieuse : querelles successorales, politisation, radicalisation dans les propos, prises de positions partisanes, abandon des pratiques coutumières et religieuses, etc. « Avant de délayer le to pour les autres, il faut, dit le proverbe, avoir les mains propres ». C’est dire si les leaders coutumiers et religieux sont donc invités à se purifier avant de tenter la catharsis sociale qui s’impose au Burkina Faso pour le retour de la paix.
Sidzabda