HomeFocusDEBACLE DE L’ARMEE MALIENNE A KIDAL L’exécutif embarrassé

DEBACLE DE L’ARMEE MALIENNE A KIDAL L’exécutif embarrassé


Y a-t-il encore un seul homme dans la cité de Bamako  ? Pourrait-on s’interroger au sujet de l’exécutif malien, après la démission de Soumeylou Boubèye Maïga. On se souvient en effet que suite à la débâcle de l’armée malienne à Kidal, consécutive à la visite du Premier ministre Moussa Mara, le ministre de la Défense, Soumeylou Boubèye Maïga, a, en toute logique, rendu le tablier. Mais aujourd’hui, le bouc émissaire se rebiffe. Il ne veut certainement pas porter seul le chapeau de ce fiasco.

 

Le peuple malien attend encore de savoir la vérité

 

Qui a donné l’ordre aux militaires maliens de déclencher l’assaut hasardeux, en vue de reprendre les positions détenues par les groupes armés à Kidal ? Serait-ce l’œuvre du ministre de la Défense ou de quelqu’un d’autre de plus haut placé dans l’appareil d’Etat ? Serait-ce plutôt l’œuvre de militaires pro-Sanogo qui voudraient mettre l’exécutif actuel en difficulté,  comme le susurrent certaines personnes ? Le peuple malien attend encore de savoir la vérité. La dernière sortie en date de l’ancien ministre de la Défense, appelant à la mise en place d’une commission d’enquête parlementaire sur l’attaque des groupes armés par les soldats maliens à Kidal, notamment sur l’identité de ceux qui ont donné l’ordre aux militaires d’agir, en dit long sur l’ampleur des non-dits et la nécessité que la lumière soit faite sur ce dossier.

La dignité et le sens de l’honneur dont a fait preuve Boubèye Maïga, sont à saluer. En effet, il ne s’est pas, faut-il le rappeler, accroché à son poste. Assumant sa part de responsabilité en tant que ministre de la Défense face à cette humiliation de l’armée nationale malienne, il a démissionné. A présent que la tempête s’est quelque peu calmée, il demande à ce que les responsabilités des uns et des autres soient situées comme il se doit. C’est un comportement respectable. Le peuple malien a droit à la vérité et à toute la vérité sur les évènements de Kidal qui sont ressentis comme une gifle, une humiliation nationale. A ce sujet, l’attitude de l’ancien ministre de la Défense est à l’opposé de celle de son Premier ministre, Moussa Mara, l’homme par qui ce malheur est arrivé. Il est notoire en effet que toute cette déroute militaire a été rendue possible par la décision du Premier ministre malien de se rendre à Kidal, dans le contexte actuel où Bamako n’en a pas le contrôle. De ce fait, il aurait été bien inspiré de présenter sa démission au chef de l’Etat, quitte à ce que ce dernier la refuse. Au lieu de cela, il a préféré une fuite en avant lors de ses sorties qui ont suivi la défaite de l’armée.

Le chef de l’Etat, Ibrahim Boubacar Kéïta (IBK), n’a pas vraiment fait mieux pour apaiser le cœur du peuple humilié. Pourtant et comme on le sait, qu’il ait été directement ou pas associé à cet ordre d’attaquer les groupes rebelles, il a une part de responsabilité sur ce qui est arrivé. Ne serait-ce que du fait de son statut de chef de l’exécutif, chef suprême des armées. Comme on le dit si bien souvent, « la défaite est orpheline ». Si l’armée malienne avait écrasé les rebelles et autres groupes armés à Kidal, bien des autorités auraient aujourd’hui réclamé la paternité de la victoire.

 

Soumeylou Boubèye Maïga aura assumé sa part de responsabilité

 

Devant l’échec, exception faite de Boubèye Maïga, ces gens réchignent à reconnaître leurs responsabilités. C’est dire combien l’ancien ministre de la Défense est quelque part un héros dans cette situation. Un exécutif qui refuse de reconnaître et d’assumer ses responsabilités n’est pas sérieux. Il faut dire que les autorités maliennes actuelles ne prennent pas la peine d’aborder et de résoudre les problèmes du pays de façon franche. Sinon, comment comprendre que dans une affaire comme celle-là, où l’armée malienne a étalé toute son incapacité, où des soldats maliens se sont fait massacrer par le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) et ses alliés, on puisse continuer à entretenir le flou sur ce qui s’est passé réellement ? Ce comportement ne ressemble pas au Mali. Bien au contraire. Il est aux antipodes des valeurs de courage, de dignité des valeureux ancêtres et conquérants comme Soundjata Kéïta, pour qui l’histoire ne tarit pas d’éloges.

C’est en raison de cette absence de valeurs que le pays patauge aujourd’hui dans l’humiliation. Après tout ce qui a été dit et fait, le président IBK et son Premier ministre Mara devraient être dans leurs petits souliers. Ils sont maintenant en position de faiblesse. Et la question cruciale qui se posent à eux est la suivante : comment faire pour ramener les groupes armés autour d’une table de négociations ? D’ailleurs, à l’issue d’une rencontre avec le représentant de Bamako à Ouagadougou, ces derniers ont exigé non seulement que les négociations se tiennent en terrain neutre mais aussi sous l’égide d’un médiateur international. C’est dire à quel point le dossier embarrasse le pouvoir IBK. Quant à la commission d’enquête parlementaire préconisée, son sérieux résidera dans la fiabilité des résultats auxquels elle pourrait aboutir. Le Général De Gaule ne disait-il pas en substance que la meilleure façon de noyer un problème consiste à créer une commission d’enquête ? Dans le cas malien, la présence de Karim Kéita, fils du président IBK, à la tête de la Commission parlementaire en charge de la Défense et celle de son beau-père à la tête de l’Assemblée nationale malienne, font qu’il y a une vraie suspicion sur la capacité réelle de la commission parlementaire, et partant de la représentation nationale à faire la lumière sur ce dossier. Surtout  si d’aventure, IBK et/ou son entourage immédiat étaient clairement impliqués dans l’ordre donné aux soldats d’attaquer. Il appartient aux acteurs de démentir ce pessimisme sur leur capacité à se transcender et à mettre l’intérêt de leur pays avant toute chose.

Soumeylou Boubèye Maïga, lui, aura donc assumé sa part de responsabilité. Il se dit en outre disposé à fournir de la matière à la commission d’enquête si elle est mise sur pied. Aux acteurs de jouer leur partition. Il faut espérer en tout cas que cette invite ne tombe pas dans l’oreille d’un sourd. Il y va de la crédibilité et de la respectabilité du Mali au plan national et international.

 

« Le Pays »


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