HomeA la uneDEBAT AUTOUR DU MODE OPERATOIRE DE LA REFORME CONSTITUTIONNELLE : La démocratie a un prix

DEBAT AUTOUR DU MODE OPERATOIRE DE LA REFORME CONSTITUTIONNELLE : La démocratie a un prix


Au Burkina Faso, la quasi-unanimité, peut-on dire, est faite sur la nécessité de mettre en place une nouvelle Constitution. Les raisons de cette quasi-unanimité sont certainement liées aux multiples soubresauts politiques consécutifs à l’interprétation controversée de certaines dispositions contenues dans la loi fondamentale adoptée par référendum en 1991. Il faut dire que cette Constitution, de manière congénitale, portait les germes des conflits politiques dont notre pays a été le théâtre pendant un quart de siècle. Et le prince régnant de l’époque a largement profité du caractère flou et ambigu de certains de ses articles pour gérer pendant près de 25 ans le pays, à coups de tripatouillages répétés de la Constitution. Le résultat est que le Burkina en était arrivé à une situation où la loi fondamentale avait perdu son caractère sacré pour devenir quelque chose qui s’apparentait à un torchon. La suite, on la connaît.  Blaise Compaoré n’a pas survécu à son désir de faire modifier l’article 37 pour s’accrocher au pouvoir. Ce passé donc impose aux Burkinabè de mettre en place un nouveau contrat politique et social susceptible de faire grandir la démocratie. L’unanimité faite autour de cette question n’est donc pas une surprise. A contrario, l’on peut relever qu’autour du mode opératoire de la réforme constitutionnelle, les avis divergent. Pour les uns, le chemin qui sied est la voie parlementaire. A l’appui de cette option, ils invoquent le coût onéreux de l’autre voie, c’est-à-dire la voie référendaire et ce, au regard du fait que notre pays traverse des moments difficiles au plan économique. Cet argumentaire, d’emblée, ne peut pas être balayé du revers de la main. Le Burkina, en effet, par ces temps qui courent, est pratiquement sous perfusion économique. Pendant ce temps, les attentes des populations sont nombreuses. Sur le plan social par exemple, les travailleurs trépignent d’impatience et de colère face à ce qu’ils appellent la lenteur du gouvernement à traduire en espèces sonnantes et trébuchantes, les effets induits par la loi 081, votée, on se rappelle, par le régime de la Transition. Dans ces conditions, certains Burkinabè pourraient être piqués au vif de voir le gouvernement débloquer la bagatelle de 6 milliards de nos francs pour organiser un référendum. L’addition pose donc problème et le moment ne s’y prête pas.

 

L’argument économique ne peut pas prospérer

 

Face aux tenants de l’approche parlementaire, il y a ceux qui ne jurent que par la voie référendaire pour mettre en place la nouvelle Constitution. Pour ces derniers, cette voie est la meilleure en ce sens qu’elle permet au peuple, dans toutes ses composantes, de se prononcer sur un sujet qui engage la vie de la Nation. Pour Etienne Traoré de Burkina Yirwa, par exemple, c’est « la meilleure formule pour crédibiliser la nouvelle Constitution ». Dans les pays à démocratie avancée, l’on peut faire le constat que toutes les grandes questions d’ordre politique sont tranchées de manière systématique en recourant au peuple de façon directe. L’illustration vient de nous être donnée par le Royaume-Uni au sujet de son maintien ou non au sein de l’Union européenne (UE). Autre argument brandi par les défenseurs de la voie référendaire, est que l’autre approche est certes moins coûteuse, mais elle offre le risque de lier la vie de la nation au bon vouloir de la majorité. Ce risque est réel, surtout quand on sait que les parlements sous nos tropiques, sont le plus souvent de véritables chambres d’enregistrement de toutes les initiatives en provenance de l’Exécutif. De ce point de vue, la probabilité est très forte que la nouvelle Constitution, parvenue au niveau des honorables députés, passe comme une lettre à la poste. Le Burkina Faso post-insurrection ne peut pas s’offrir le luxe d’enfanter une Constitution de cette manière.

Après tout, l’on peut dire que la démocratie a un prix. Et tous les pays qui ont fait ce choix doivent mettre un point d’honneur à le payer. L’argument économique ne peut donc pas prospérer. Car, cela reviendrait à soutenir l’idée selon laquelle les pays pauvres n’ont pas le droit de s’inscrire dans le paradigme de la démocratie. En tout état de cause, il revient à tous les acteurs de mener un travail pédagogique à l’effet de permettre à nos populations dont la majorité, on le sait, est analphabète, de comprendre les enjeux liés à la mise en place d’une nouvelle Constitution dans notre pays. Dans cette perspective, l’on pourrait mener à leur endroit des campagnes de sensibilisation et d’information dans toutes les langues nationales sur la question. C’est à ce prix que l’on peut contribuer à faire d’elles des citoyens au sens noble du terme et non du bétail électoral, qui, pour un bol de riz, est disposé à accompagner les dictateurs sans prendre la pleine mesure des actes politiques qu’ils posent.

 

Sidzabda


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