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DECES DE FRANCIS DUCREUX 


Francis Ducreux, l’homme à la fine moustache, qui a largement contribué à l’essor du cyclisme sur le continent africain, est mort dans son sommeil le 1er mai dernier, probablement des suites d’un arrêt cardiaque. Ce natif de Normandie quitte définitivement la piste à 76 ans, dont il a consacré près de la moitié à populariser la « petite reine » en Afrique à travers les différents Tours cyclistes qu’il a organisés au Burkina Faso, au Togo, au Bénin, en Guinée, au Niger, en RDC, au Gabon, ou encore à Madagascar. L’histoire retiendra que c’est lui qui a fait gagner en expérience et en notoriété, le plus grand Tour cycliste africain, du moins pour sa régularité et sa longévité, celui du Burkina Faso indépendant dont la première édition a eu lieu en 1987 sous le régime révolutionnaire de Thomas Sankara, quelques mois seulement avant l’assassinat de ce dernier. A vrai dire, le fait que le « pays des Hommes intègres » ait organisé cette compétition cycliste majeure, n’avait pas surpris grand monde. D’autant que le capitaine-président était connu pour être un mordu du vélo, et que le Burkina Faso avait une petite expérience en la matière pour avoir organisé la première course- cycliste sur le continent dès 1955. Une édition qui avait connu soit dit en passant, un extraordinaire engouement, au point de susciter l’installation, en 1964, d’une usine de fabrication de vélos à Bobo-Dioulasso par le groupe français Peugeot. L’enjeu, ou plutôt le challenge était de pérenniser et de faire rayonner  l’événement, et c’est le rôle que s’était assigné Francis Ducreux en trouvant lui-même des sponsors pour accompagner l’Etat dans l’organisation des Tours, de la première édition en 1987 jusqu’à la dernière en 2019.  Lui-même ancien coureur cycliste professionnel devenu, après sa courte carrière dans l’équipe de France organisateur de Tour, notamment celui de Corse dans les années 70, n’a pas eu de la peine à monter sur le trône de la « petite reine », au Burkina Faso comme dans les autres pays où il a énormément contribué à donner à ce sport, ses lettres de noblesse. Et à faire éclore des talents locaux qui non seulement tirent professionnellement leur épingle du jeu, mais aussi augmentent sa cote de popularité auprès du public sportif africain.

 

Les Burkinabè espèrent que ce vide sera rapidement comblé

 

Seule fausse note : malgré la multiplication des Tours et des décennies de compétition, celui que certains Burkinabè appelaient affectueusement Francis Ouédraogo, n’a pas étonnamment réussi à assouvir son rêve, celui de voir un coureur originaire des pays où il a laissé sa marque, tutoyer les grands cyclistes du monde, dans des compétitions de très haut niveau comme le mythique Tour de France.  Seule une poignée d’Africains, en effet, des Erythréens et des Sud-Africains notamment, ont jusqu’ici porté les couleurs du continent sur les routes de l’Hexagone, à l’occasion de l’emblématique événement sportif organisé annuellement en France et regroupant toute la crème du cyclisme mondial. Ce manque de compétitivité des coureurs d’Afrique centrale et de l’Ouest, n’est évidemment pas imputable à Ducreux, mais certainement à l’insuffisance de moyens alloués à ce sport devenu élitiste, nécessitant du matériel et des accessoires de plus en plus sophistiqués et forcément coûteux. C’est ce qui explique  le zéro pointé dans les compétitions internationales comme les Tours de France, d’Italie ou d’Espagne, de nos pays où il faut le reconnaitre, la lutte pour la survie prime sur le sport en général. Qu’à cela ne tienne, Francis …Ouédraogo a fait œuvre utile, malgré ses faiblesses et toutes les critiques qu’on formulait à son encontre, notamment son affairisme et son paternalisme de mauvais aloi. Sa disparition, dramatique hasard de calendrier, à la veille du démarrage du Tour du Rwanda, laissera à coup sûr les fans de la « petite reine » orphelins, et beaucoup se demandent si ce sport pourra se remettre à court terme de ce coup …de pédale en moins. Les Burkinabè qui préparent activement la prochaine édition du Tour du Faso, du 29 octobre au 7 novembre prochains, espèrent que ce vide, pour incommensurable qu’il puisse être, sera rapidement comblé pour éviter que la fête du vélo ne soit gâchée comme en 2013, quand elle a été simplement annulée pour cause d’Ebola.

 

Hamadou GADIAGA

 


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