HomeA la uneDEMISSIONS AU SEIN DU CNT MALIEN

DEMISSIONS AU SEIN DU CNT MALIEN


A peine mis en place, le Conseil national de la Transition (CNT) qui devait clore la mise en place des organes de la Transition au Mali pour lui permettre de prendre son envol, a du plomb dans l’aile. Et pour cause. Trois jours après l’installation de ses membres,  l’organe législatif connaît déjà ses premières défections. En effet, le 8 décembre dernier, l’imam Oumarou Diarra, grande figure religieuse et par ailleurs membre du M5 qui a porté la contestation anti-IBK jusqu’à la chute de ce dernier, a rendu sa démission par lettre adressée au président Malick Diaw. De quoi mettre du sable dans le djabadji* du numéro deux de la junte pour qui d’aucuns disaient que le poste a été taillé sur mesure en guise de récompense pour son engagement dans le coup d’Etat qui a renversé le président Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) le 18 août dernier. D’ailleurs, parlant de l’intéressé, nous ne croyions pas si bien titrer en lui souhaitant « Bon appétit », lorsqu’il a été porté sans grande surprise à la tête de cette institution.  Le moins que l’on puisse dire, c’est que la situation est mal engagée avec le démarrage poussif de cet organe central censé donner le ton de la transition malienne, mais qui connaît déjà des retards à l’allumage.

 

On continue de s’interroger sur les motivations réelles des militaires à installer cette structure au forceps

 

 

Comment peut-il en être autrement quand tout semble indiquer que dans la forme et dans le fond, la désignation des membres de cette auguste Assemblée, ne s’est pas faite dans les règles de l’art ? En effet, tout porte à croire que cela s’est plus fait par cooptation que dans une réelle volonté de responsabilisation des acteurs à travers un processus de désignation transparent. Autrement, comment comprendre que des personnes qui n’ont ni envoyé de dossier de candidature ni été consultées comme l’imam Diarra dit que c’est le cas pour lui, aient été désignées pour siéger à la Représentation nationale ? Et pourquoi porter le choix sur des individus au risque de créer la zizanie au sein de leurs instances d’appartenance ?  Si ce n’est pas une  façon de sacrifier les intérêts du pays sur l’autel d’intérêts individuels, cela y ressemble fort.  Et le cas de l’imam Diarra semble loin d’être un cas isolé ; tant les récriminations contre le tableau final et la configuration de l’instance parlementaire, fusent de partout. Au sein du M5-RFP qui a toujours crié à l’accaparement du pouvoir par les militaires, on ne cache pas sa frustration. De même, certains groupes armés comme la CMA (Coordination des mouvements de l’Azawad) qui avaient semblé vouloir jouer le jeu,  se sont finalement ravisés en suspendant leur participation. Autant de faits qui sont révélateurs du climat malsain et des tensions qui entourent la mise en place de cette instance législative qui suscitait pourtant beaucoup d’espoirs, au regard du rôle de régulateur qu’elle était censée jouer. C’est pourquoi l’on continue de s’interroger sur les motivations réelles des militaires à installer cette structure au forceps sur des fondements biaisés, là où un minimum de consensus s’imposait entre les acteurs politiques pour sortir le pays de la mauvaise passe de cette période d’exception.

 

 

Le scénario du colmatage pourrait être lourd de conséquences pour le Mali

 

 

En tout cas, il y a comme une forme d’infantilisation par la junte, de la classe politique en opérant à sa place des choix dont on a des raisons de penser qu’ils lui revenaient de droit, et qui ne servent pas la cause de la paix ni de la démocratie au Mali.  A moins que cela relève d’une autre logique qui pourrait laisser penser que la désignation des membres du CNT est juste une formalité pour donner le change, dans le cadre de l’exécution d’un agenda caché. C’est dire si cette première défection au sein du CNT, est loin d’être un épiphénomène. Elle n’honore ni le Mali, ni les militaires qui devront encore faire la preuve de la sincérité de leur engagement pour le Mali et prouver qu’ils ne sont pas venus balayer la maison pour s’y installer. Au-delà, si la démission de l’imam Diarra devait en appeler d’autres, la crainte est grande que le CNT ne vole en éclats. A ce rythme, c’est la Transition malienne elle-même qui s’en trouverait fragilisée; elle qui, entre un président de la Transition qui a du mal à exister et un Premier ministre qui manque tout autant de visibilité, a déjà du mal à prouver qu’elle n’est pas l’affaire des hommes de Kati. C’est dire si la Transition malienne est bien partie pour échouer. C’est pourquoi l’on peut se demander si ces ratés à l’allumage lors de l’installation des membres du CNT, seront l’occasion, pour la junte, de rectifier le tir avant de continuer ou si elle se contentera de colmater les brèches pour avancer. On attend de voir. Mais d’ores et déjà, ce serait peu de dire que le scénario du colmatage pourrait être lourd de conséquences pour un pays comme le Mali, qui aspire à renouer avec l’ordre constitutionnel normal au sortir de cette transition. Car, les impairs et autres frustrations d’aujourd’hui, pourraient faire le lit des vagues de demain.  En attendant, il faut craindre que ces bagarres autour du partage du gâteau, ne prennent le pas sur la lutte contre l’insécurité ; l’ennemi tapi dans l’ombre étant toujours à l’affût. Il y va de l’intérêt du pays.

 

« Le Pays »

 

*Djabadji : sauce claire à base d’oignons, très prisée dans certains pays du Sahel

 


No Comments

Leave A Comment