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DEMOCRATIE EN TROMPE-L’ŒIL AU CONGO BRAZZAVILLE


Sans surprise, Denis Sassou Nguesso, candidat à sa propre succession, a été réélu avec le score stalinien de 88, 57%, au terme d’une campagne électorale menée en roue libre. Il ne laisse  ainsi que la portion congrue à ses malheureux challengers, feu Guy-Brice Parfait Kolelas et  Mathias Dzon qui obtiennent respectivement 7,84% et 1,30 % des suffrages exprimés. Cet état des faits n’est, en rien, étonnant quand on sait que les Congolais prennent le pouvoir de Denis Sassou Nguesso comme une fatalité qui leur a été imposée. En effet, chassé par les urnes, l’homme est revenu aux commandes de l’Etat par la force des armes pour installer une parodie de démocratie à la faveur du discours de La Baule. Résignés,   de nombreux Congolais se sont résolus à accompagner le dictateur dans ses dérives autoritaires en attendant que Dame nature en décide autrement. Quand on ajoute à cette malédiction du sort que semblent avoir lancé les djinns de la forêt équatoriale contre les descendants du roi Makoko, les effets conjugués du vote ethnique, de l’achat des consciences, de  l’utilisation des moyens de l’Etat par le parti-Etat, de l’intimidation des opposants et de leurs sympathisants et du zèle de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), l’on tient là toute l’alchimie des causes de la réélection de Denis Sassou Nguesso.

 

 

 

Il ne s’en trouvera pas un seul membre de la communauté internationale qui lèvera le petit doigt

 

 

Le sacrifice suprême de Guy-Brice Parfait Kolelas, mort   quelques heures après la fermeture des bureaux de vote, n’aura donc pas réussi à inverser le cours de l’histoire, pas plus qu’il n’a pu émouvoir la structure chargée de l’organisation du scrutin qui n’a pas daigné arrêter le processus électoral, ne serait-ce que pour un seul jour, afin de saluer la mémoire de cet opposant qui a accepté de jouer le jeu pour sauver les apparences démocratiques au Congo. Bien au contraire, elle s’est précipitée de proclamer les résultats pour mettre sous l’éteignoir les quelques voix qui appelaient à l’annulation et à la reprise du scrutin du fait de la disparition de l’opposant.  Malgré les vilénies de cette démocratie congolaise, il ne s’en trouvera pas un seul membre de la communauté internationale qui lèvera le petit doigt pour condamner cette forfaiture. Tous attendent la sortie de la France pour se ranger derrière elle. Et comme il faut s’y attendre, l’Hexagone, au nom de ses intérêts bien évidents, se contentera, aux termes d’un communiqué laconique, de « prendre acte »  du résultat de l’élection,  selon l’expression diplomatique consacrée. Et ce n’est surtout pas du  syndicat des Chefs d’Etat africains, qu’est l’Union africaine (UA), qu’il faut attendre la  moindre condamnation malgré le fait qu’elle dispose d’une charte de la transparence des élections et de la bonne gouvernance qui, en réalité, ne lui sert que d’accessoire cosmétique.  Il ne reste donc plus aux Congolais, que leurs yeux pour pleurer.

 

 

L’ère des dictatures n’est pas révolue sur le continent

 

 

Ils peuvent d’ailleurs s’estimer encore heureux que les candidats de l’opposition ne soient pas réprimés, comme lors de la dernière élection, par des chars d’assaut et des hélicoptères de combat.  En plus de devoir donc supporter les conditions de vie extrêmes que leur impose la gouvernance Sassou, ils devront vivre avec l’insulte à leur intelligence, que seuls moins de 12 % des populations ont des récriminations contre un régime qui leur a fait voir l’enfer de la guerre civile dans un décor de film chinois où les Ninjas et les Cobras se livraient un combat à mort ou qui s’est illustré par la prédation des richesses nationales dont le pic reste le scandale des « biens mal acquis » des fils à papa. Mais faut-il véritablement plaindre les Congolais ? Si l’on ne peut manquer de compatir à la douleur des populations qui souffrent le martyre du fait de cette démocratie bantoue imposée par Denis Sassou Nguesso, l’on ne peut manquer de pointer du doigt leur responsabilité. « Les peuples, dit-on, méritent leurs dirigeants ».   Cela dit, tant que les Congolais se comporteront comme des agneaux, Denis Sassou Nguesso sera un loup pour eux. L’on sait, par exemple, que beaucoup d’entre eux ne sont même pas donné la peine de se rendre aux urnes, espérant que le changement leur tombera du ciel. C’est dire si les Congolais veulent aller au paradis sans mourir.  Cela dit, Denis Sassou NGuesso se doit d’avoir le triomphe modeste. Car « à vaincre sans péril, on triomphe sans gloire », dit le dicton. Pire, lui, est bien conscient qu’avec son score soviétique de 88,57 %, il se chatouille pour rire. Il devrait donc savoir quitter le pouvoir avant que le pouvoir ne le quitte. Autrement, il condamne, à terme, comme le montrent les exemples de Mobutu Sessé Seko, Ben Ali, Blaise Compaoré et autres, ses proches et sa descendance aux indicibles souffrances de l’exil et de l’errance. Ce serait une terrible erreur de croire que cela n’arrive qu’aux autres. En attendant, cette dernière élection vient confirmer l’hideuse image que donne à voir le continent africain en matière de démocratie. Contrairement à ce que l’on avait espéré après la bourrasque du printemps arabe et ses contrecoups au Sud du Sahara, l’ère des dictatures n’est pas révolue sur le continent. Avec cette nouvelle saison au Congo, il faudra désormais craindre le piège sans fin des dictatures en Afrique.

 

« Le Pays »


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