DEPART DE LA FORCE SABRE DU BURKINA : Le Burkina aura l’occasion de s’assumer pleinement
La vague anticolonialiste qui a commencé au Mali et qui a emporté l’ambassadeur de France accrédité dans ce pays ainsi que les forces françaises en opération sur le sol malien depuis 2013, semble avoir fait des émules au Burkina Faso voisin, puisque ce dernier a demandé et obtenu le départ de la force Sabre installée depuis 2018 à Kamboinsin, dans la zone périurbaine de Ouagadougou. Ce retrait intervenu le week-end écoulé a suscité le soulagement de ceux qui soutiennent mordicus que les troupes françaises n’ont rien à faire ici, et la relative indifférence de la majorité des Burkinabè qui sont plutôt préoccupés par la situation sécuritaire figée, et l’avenir du pays qui reste quotidiennement en proie aux atrocités commises par des hordes terroristes. Une chose est sûre, c’est que c’est un camouflet de plus pour la France, dont la politique paternaliste, hégémonique et ambivalente ont fini par ancrer dans l’opinion publique burkinabè que les objectifs de sa présence militaire au pays des Hommes intègres ont toujours été flous et n’ont jamais été conformes aux intérêts du pays. L’expulsion des forces spéciales intervient plus de deux mois, jour pour jour, après le renvoi du territoire burkinabè de deux citoyens français, interpellés en mi-décembre pour activités d’espionnage, alors que quelques jours plus tôt, le 3 décembre courant, exactement, c’est la diffusion des programmes de Radio France Internationale qui avait connu une suspension immédiate. Mais malgré ce contexte de tension croissante entre les deux pays, on n’en est pas encore arrivé à la rupture des relations diplomatiques, et Paris n’a pas jusqu’ici décidé de prendre des mesures de rétorsion contre Ouagadougou, bien que les autorités de la Transition aient prié l’ambassadeur français Luc Hallade de faire son balluchon pour avoir tenu des propos alarmistes sur la situation sécuritaire du pays. En toile de fond, il y a ce fort ressentiment des Burkinabè contre la France officielle qui, de par sa présence quasiment inutile pour le Burkina, confirme plus que jamais la célèbre formule du Général De Gaulle, selon laquelle la France n’a pas d’amis, elle n’a que des intérêts. Comment peut-on, en effet, expliquer le fait que des forces spéciales françaises aient pu libérer, en 2019 à l’extrême nord du Burkina, trois otages dont deux Français, alors que leurs ravisseurs faisaient du rodéo avec eux en direction du Mali, après les avoir enlevés dans l’un des derniers sanctuaires de la vie sauvage en Afrique de l’Ouest, le très touristique parc du Pendjari, au Nord-Ouest du Bénin. Pourtant, l’on a assisté, en début janvier 2023, à un rapt spectaculaire à la Boko Haram d’une soixante de femmes et enfants qui ont bravé l’insécurité dans une zone quadrillée par les katibas du GNIM pour aller à la recherche de la pitance sans que la France ne daigne faire décoller ses hélicoptères pour sauver les victimes. La zone d’Arbinda où le kidnapping a eu lieu n’est ni la province du Cabo Delgado au Nord du Mozambique, ni l’Etat du Borno au Nord-ouest du Nigéria tous d’accès difficile, mais bien un endroit désertique où les terroristes peuvent être facilement repérés par les drones dont dispose la France. Les forces spéciales françaises n’ont pas décollé pour une quelconque opération dans ce sens, jusqu’à ce que les victimes soient libérées. Combien de fois avons-nous vu des terroristes parader dans des villages en colonnes couvrées sur des motos et en binômes, facilement localisables et traçables par les moyens technologiques dont dispose la France, et en repartir le plus tranquillement du monde dans leurs bases ? Tout cela est critiquable, mais il ne faut pas oublier qu’aux termes des accords qui lient la France au Burkina, le dispositif militaire basé à Kamboinsin n’intervient qu’à la demande des autorités locales, et que dans le cas des otages d’Arbinda, la demande d’intervention n’avait peut-être pas été faite. On a vu pourtant ces mêmes Français débarquer à Djibo en 2020 pour sauver la ville de la menace terroriste, tout comme on les a vu intervenir lors de la première attaque terroriste à Ouagadougou en 2016. Ces opérations menées sur notre sol à la demande ou avec le consentement de nos autorités ont été saluées en son temps, et c’est ce qui fait dire aujourd’hui à certains Burkinabè qu’il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain. C’est vrai qu’avec l’expérience acquise par nos forces armées après huit ans de guerre asymétrique et le recrutement récent de dizaines de milliers de supplétifs, on peut dire que le moment est venu pour le Burkina de s’assumer et de compter sur ses propres forces dans cette guerre contre le terrorisme. Mais le soutien de nos partenaires d’où qu’il vienne ne serait pas de trop pour rétablir au plus vite l’ordre et la sécurité, condition sine qua non pour la relance de l’économie et le développement du pays.
« Le Pays »