DIALOGUE INTER-MALIEN A ALGER :Crever tous les abcès
Alger aura donc été bien inspirée en envoyant son chef de la diplomatie échanger ces derniers jours à Ouagadougou avec le Président du Faso. En tout cas, selon Ramtane Lamamra, le Burkina Faso et l’Algérie sont « sur la même longueur d’onde en ce qui concerne les principes et les contours de la recherche d’une solution à la crise malienne ». Le ministre algérien des Affaires étrangères a même indiqué que « les deux pays vont mettre en synergie leurs efforts pour une sortie de crise à travers un dialogue inter-malien inclusif ».
La médiation avait parfois des allures de compétition
Emissaire du président Bouteflika d’Algérie, M. Lamamra a soutenu que la phase initiale du dialogue inclusif inter-malien débute le 16 juillet prochain à Alger. Seront présents à ce rendez-vous, le gouvernement malien, les mouvements politico-militaires du nord du Mali, et les ministres des pays impliqués dans le processus de paix au Mali. Autant dire que les experts qui entourent le médiateur officiel de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), leur hôte algérien et sa délégation, ont travaillé à harmoniser les points de vue à la veille de cette rencontre d’Alger qui est tant attendue.
En effet, trop de personnes ont payé de leur vie, dans ce conflit ! D’autres vivent toujours dans la tourmente. Parmi eux, des personnes vulnérables dont de nombreux enfants. Leur avenir est hypothéqué. Sur le terrain politique et militaire, des acteurs se sont substitués à d’autres. A un moment donné, la multiplication du nombre d’intervenants dans la crise au Nord Mali, avait même donné lieu à des inquiétudes. Même s’il est vrai que, comme le dit l’adage : « Trop de viande ne gâte pas la sauce » ! Sauf que la médiation avait parfois des allures de compétition entre Etats de l’Afrique blanche ou arabe (Algérie, Maroc et Mauritanie), et Etats de l’Afrique noire. On semblait persister à imposer des problématiques et un agenda qui n’avaient pas de liens directs avec le conflit fratricide du Nord-Mali. A certains moments, la compétition semblait aussi opposer des Etats de l’Afrique blanche, l’Algérie et le Maroc notamment.
Par ailleurs, l’atmosphère politique, l’indécision des autorités maliennes, n’avaient pas non plus facilité les choses. Des incompréhensions entre Bamako et Ouagadougou avaient aussi fini par gripper la machine de la médiation. Aujourd’hui, les choses ont évolué. L’Accord de Ouagadougou, conclu au prix de mille efforts, y est pour beaucoup. De même que le dépassement de soi de nombreux acteurs dont des anonymes. Mais, parmi les groupes armés du Nord-Mali, certains continuent d’avoir l’oreille du chef de l’Etat burkinabè. Celui-ci jouit d’une audience certaine auprès de groupes armés non négligeables comme le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA). De plus, officiellement désigné médiateur de la CEDEAO, Blaise Compaoré a toujours l’aval des autres chefs d’Etat-membres de l’organisation. Lors de leur récent sommet, ils l’ont tout simplement confirmé dans sa mission. Blaise Compaoré serait-il alors devenu incontournable dans la résolution de la crise malienne? Vu les chassés croisés diplomatiques, Alger ne donne pas vraiment l’air d’en douter.
Des chances existent pour qu’enfin la réconciliation entre frères maliens aboutisse
Il n’y a pas si longtemps, le Président du Faso s’était rendu à Bamako, en visite « d’amitié et de travail » auprès de son homologue malien, Ibrahim Boubacar Kéita (IBK). Cela a sans doute permis aux chefs d’Etats burkinabè et malien qu’on disait en froid, de réchauffer leurs liens, en vue de « relancer la médiation entre les autorités de Bamako et les groupes armés du Nord ». En prévision de la prochaine rencontre d’Alger, les présidents Compaoré et Kéita s’étaient penchés sur le chronogramme des pourparlers. Aux échanges de Bamako, succèdent donc ceux de Ouagadougou dont le ministre algérien des Affaires étrangères s’est dit satisfait. La partie algérienne estime que l’accord du 18 juin de Ouagadougou est déjà en application. Pour elle, le travail à mener va dans le sens d’un prolongement naturel : bâtir sur des acquis, se laisser guider par les mêmes principes. Et elle considère qu’en la matière, un consensus de toutes les parties existe sur lequel il faut capitaliser.
Ramtane Lamamra ne tarit pas d’éloges au sujet du Président Blaise Compaoré. Il l’a ainsi qualifié « d’homme d’Etat d’immense sagesse et d’une expérience inégalable ». Selon le chef de la diplomatie algérienne, les efforts du Président Compaoré ont permis d’enregistrer « de nombreux acquis importants vers une sortie de crise au Mali ». Le fait de se déplacer à Bamako, pour le Chef de l’Etat burkinabè, et d’effectuer un séjour à Ouagadougou pour le diplomate algérien, aura certainement permis de dissiper bien des inquiétudes. Les différents interlocuteurs ont pu ainsi harmoniser leurs vues. Des chances existent donc pour qu’enfin, la réconciliation entre frères maliens aboutisse. En tout cas, le couvert est mis. Reste plus qu’à passer à table. Les pourparlers d’Alger pourront commencer dans la sérénité. La rencontre de la dernière chance ? Par le passé, de nombreuses réunions ont eu lieu à Alger, et des accords signés, mais rien n’a jamais abouti. Des échecs imputables certainement au manque de volonté réelle de nombreux acteurs de s’impliquer à fond dans la résolution de cette crise qui ne date pas d’aujourd’hui. Mais aussi à la mauvaise foi. Il faut passer aux choses concrètes.
Si les groupes armés parviennent à accoucher d’une plateforme commune, la voie sera alors tracée pour un dialogue fructueux avec les autorités maliennes. C’est une question de bonne volonté, mais aussi d’engagement à servir les communautés, et donc, à les protéger. Il faut absolument œuvrer à mettre fin à ce conflit fratricide entre Maliens du Nord et d’ailleurs. Aller de l’avant, dans la cohésion, le respect mutuel et la compréhension, aidera sûrement à trouver définitivement solution à cette crise.
Il faut, pour cela, crever tous les abcès.
« Le Pays »