DISCOURS DE ZEPHIRIN DIABRE AU 7E CONGRES DU CDP : « Le MPP et ses affidés ont-ils déjà peur des élections de 2020 ?»
Le discours du chef de file de l’opposition, Zéphirin Diabré, au 7e congrès du CDP continue de faire polémique. Si cette sortie a valu à Zéphirin Diabré d’être qualifié de caméléon par l’APMP, l’auteur de cette tribune pense plutôt que cela suscite la peur au sein de la majorité présidentielle de voir une opposition unie dans la perspective des élections de 2020. Lisez !
Il a suffi seulement que Zéphirin Diabré, chef de file de l’opposition politique burkinabè, proclame, lors du dernier Congrès du CDP le 5 mai 2018, ce qui est une évidence aujourd’hui « le CDP is back et l’opposition est en marche » ou encore qu’il souhaite que « le CDP se redresse vite et bien » que le MPP et ses affidés et autres OSC acquises à sa cause lui tombent à bras raccourcis. Mais ces reproches ne cachent-ils pas une peur pour les élections de 2020 ?En effet, pendant qu’une de ses OSC acquises s’offusque de ce que Zeph commence à parler avec le CDP (alors qu’il parle avec le CDP depuis que celui-ci est devenu membre du CFOP en 2016), le MPP lui reproche d’être devenu « caméléon » parce qu’il veut rassembler l’opposition politique y compris le CDP en vue des élections de 2020 !
De quoi s’agit-il ?
En tant que chef de file de l’opposition politique, Zeph a fait un discours de rassemblement de l’opposition burkinabè au cours du dernier Congrès du CDP dans la perspective de l’élection présidentielle de 2020 : c’est ce discours qui passe mal au sein de la majorité présidentielle. Elle a raison car tous les observateurs politiques avertis de notre pays s’accordent à dire que si l’opposition se présente unie en 2020, elle a toutes les chances de sortir victorieuse. Car en plus de son unité qui en fera une force sérieuse, le bilan actuel du régime jugé non satisfaisant et n’ayant pas répondu aux immenses attentes des populations (du reste le sondage réalisé la semaine dernière sur le site en ligne lefaso.net a relevé que 51% des personnes interrogées ne sont pas favorables à une nouvelle candidature du Président Kaboré corrobore cette insatisfaction) constitueront des atouts précieux pour l’opposition.Aussi, la majorité reproche à Zeph de faire «l’apologie du CDP » en ayant tenu un discours flatteur à son endroit. Voici des gens, Vincent Dabilgou, Lassané Sawadogo notamment (pour ne citer que ces deux-là) qui ont été des membres du CDP et qui, plus est, ont été ministres sous le régime du CDP qui s’offusquent aujourd’hui de ce que Zeph fasse l’apologie du CDP ! Pendant ce temps, ce sont ces mêmes personnes qui, dans la nuit noire, s’emploient à débaucher les cadres et militants du CDP.Sur ces reproches, tout observateur politique burkinabè est fondé à se demander entre Zeph et le MPP, qui a réellement trahi l’insurrection et ses victimes ? On n’a pas besoin d’être un spécialiste en analyse des politiques publiques pour remarquer que le MPP, jusqu’à présent, n’a rien fait qui change fondamentalement de ce que le CDP a proposé. Nous avions tous espéré que l’avènement du pouvoir MPP aurait apporté des changements qualitatifs notamment en matière de gouvernance. Que nenni ! La justice juge toujours à deux vitesses, les marchés publics continuent d’être attribués à des copains dans le cadre de la procédure de gré à gré, les rapports des corps de contrôle de l’Etat sont toujours restés dans les tiroirs, les scandales continuent d’éclabousser la gestion de certains ministères et institutions (cas des infrastructures et de la Présidence), etc. Pire, en plus de ces maux que nous connaissions déjà, sont venus s’ajouter le manque de vision et de stratégie dans la conduite des affaires publiques, le laxisme et l’attentisme dans la prise de décision, le manque de volonté politique pour affronter certains défis comme l’incivisme qui a atteint son point culminant sous ce pouvoir, l’insécurité alimentaire qui a atteint des proportions inquiétantes, etc.Or, c’est aussi et surtout en raison de tous ces maux que le peuple burkinabè est sorti les 30 et 31 octobre 2014 pour dire non au pouvoir de Blaise Compaoré. Ces mauvais ont-ils connu l’ombre d’un début de réponse sous le pouvoir de Roch Kaboré ? L’honnêteté commande d’y répondre par la négative. On a parfois le sentiment qu’on a même reculé dans certains domaines comme celui de l’affirmation de l’autorité de l’Etat.
Qu’a fait Zéphirin Diabré depuis l’avènement du pouvoir MPP ? Il est resté égal à lui-même :
– opposant républicain qui n’a pas cherché à mettre les bâtons dans les roues du pouvoir au point que certains acteurs politiques ont vu en cela une faiblesse de sa part ;
– il a toujours prôné l’unité du pays face aux attaques terroristes. Il l’a encore réaffirmé récemment : « contre le terrorisme, le gouvernement peut compter sur l’opposition », alors que l’on sait que sous d’autres cieux les opposants auraient profité de ces attaques pour mettre en difficulté le régime ;
– son parti, l’UPC, s’est toujours prononcé sur les sujets d’intérêt national en faisant des propositions au pouvoir actuel notamment s’agissant de la fronde sociale que vit notre pays : il a par exemple suggéré de négocier sérieusement sans aucune gêne une trêve sociale avec les syndicats et de prendre des engagements fermes pour l’avenir ; de mener une politique volontariste en matière de création d’emplois, etc. Bref, les propositions n’ont pas manqué ; mais comme dans ce pays, tout ce qui est proposé par l’opposition n’est jamais bon, personne ne s’y intéresse.Bref, au regard de cette analyse, qui a trahi l’esprit de l’insurrection ? Qui a trahi les aspirations de l’insurrection ? La réponse ne souffre d’aucune hésitation qui ne vaut même pas la peine d’être écrite.Par ailleurs, Zeph n’a pas inventé les alliances en politique. Comme il le dit lui-même, « en politique, il n’y a ni ami éternel ni ennemi éternel ». Qui a pensé que Me Benewendé Sankara se retrouverait un jour dans une alliance politique avec Roch Kaboré, Simon Compaoré et feu Salifou Diallo ? Qui a pensé un jour que Alassane Ouattara et Henri Konan Bédié seraient alliés aujourd’hui au sein du RHDP en Côte d’Ivoire ? Qui a pensé que Alassane Ouattara et Laurent Gbagbo se seraient retrouvés « ennemi » tant ils ont combattu ensemble, au sein du Front républicain, au début des années 90, le PDCI de Henri Konan Bédié ? Un politicien ouest africain n’a-t-il pas dit que « la politique est la saine appréciation des réalités du moment » ?La réalité aujourd’hui est que le MPP a peur d’un regroupement de toute l’opposition politique autour de Zephirin Diabré en vue des élections de 2020. Les Burkinabè ont pensé que les RSS, au regard de leur « expérience politique », pouvaient redresser le bateau Burkina. Erreur ! Il ne reste plus que le Lion Zeph pour venir à la rescousse d’un bateau Burkina qui malheureusement continue de chavirer.Mais le pire c’est quand la majorité affirme sans aucune pudeur que « le Sahel est sous contrôle ». C’est vrai qu’il ne faut pas apeurer nos populations (d’ailleurs la peur ne semble-t-elle pas avoir fait place à la résignation ?) mais de là à dire que le Sahel est sous contrôle il faut être de mauvaise foi. C’est même manquer de respect à nos compatriotes assassinés dans la partie septentrionale du pays que de faire une telle affirmation. Comment le Sahel peut-il être sous contrôle pendant que les nôtres sont tués quasiment chaque semaine dans cette partie de notre pays ? Comment le Sahel peut-il être sous contrôle et qu’on assassine ainsi un représentant de l’autorité alors que ce dernier avait déjà été l’objet de menaces sans que le gouvernement ait pris des mesures pour assurer sa sécurité ?C’est vrai que nous sommes en politique et le langage doit être contrôlé s’agissant des questions de sécurité, mais il ne faut pas se moquer du peuple ! D’ailleurs, au regard de cette affirmation à la limite de l’injure, nous invitons les familles des victimes tombées sous les balles assassines de ces terroristes à saisir qui de droit pour que le ministre Dabilgou, auteur de cette affirmation, s’explique.
Michaelo B. ZONGO