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DISSENSIONS AU SEIN DU FNDC


A  moins de deux mois de l’élection présidentielle en Guinée et de deux semaines du dépôt des candidatures, c’est l’incertitude et l’embarras au sein de l’opposition qui ne sait plus si elle doit faire preuve de cohérence et de constance en continuant à rejeter en bloc quasiment toutes les institutions de la République y compris celles chargées de l’organisation du prochain scrutin, ou si elle doit y aller au risque de légitimer ces dernières et surtout le mandat de l’actuel président s’il venait à être réélu. C’est véritablement un choix cornélien, notamment pour les leaders politiques du Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), la plateforme qui charrie des milliers de manifestants dans les rues de Conakry et des villes de l’intérieur depuis sa création en avril 2019, pour empêcher l’organisation des législatives et la tenue du référendum constitutionnel qui permettraient, selon eux, à Alpha Condé de rouler sur du velours vers un troisième mandat. Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’en termes de bilan, c’est échec et mat pour le FNDC, d’autant qu’il n’a pas pu empêcher l’organisation de ces deux votes qui ont ouvert, pour ainsi dire, le boulevard  au président Condé pour un pouvoir à vie. Depuis, les lignes ont bougé dans ce conglomérat d’opposants qui se considèrent comme les cabots et cerbères défenseurs du peuple de Guinée, et deux d’entre eux en ont pris leurs distances pour ne pas dire le large dès le lendemain de l’adoption de la nouvelle Constitution. Aujourd’hui, c’est la suspicion et la fébrilité chez ceux qui sont toujours dans le FNDC depuis que des rumeurs annoncent la possible candidature du président de l’UFDG, Cellou Dalein Diallo qui est, du reste, le plus gros pourvoyeur de troupes au sein de la coalition. Info ou intox, on le saura avant la fin de cette semaine, puisqu’il est sommé par ses camarades de clarifier sa position au plus tard le 31 août. Cet ultimatum est, en lui-même, un mauvais signe pour le FNDC. Car, il est plus que probable que malgré les dispositions de la charte qui fonde le Front et qui interdisent à ses membres d’être candidats à ce qu’il qualifie de « mascarades électorales », Cellou Dalein Diallo briguera, pour la troisième et peut-être pour la dernière fois, la magistrature suprême. Le natif de Labé qui a traversé le temps sans perdre son talent oratoire est, en effet, convaincu que pour neutraliser un candidat aussi redoutable qu’Alpha Condé, il ne suffit pas de faire pleurer dans les chaumières, mais plutôt faire bloc autour d’un idéal commun, celui de la Guinée débarrassée de l’esbroufe et de la mal gouvernance. Tout porte à croire que les radicaux  de la plateforme ne le suivront pas dans ses « illusions » et l’excluraient purement et simplement s’il franchissait le pas, au risque de réduire cette coalition à sa plus simple expression quand on sait que le plus gros contingent de ses sympathisants,  vient de l’UFDG. Même Sidya Touré, l’autre poids lourd du FNDC, pourrait en être chassé pour trahison si les instances de son parti qu’il dit consulter, décidaient de le désigner comme leur candidat à la présidentielle du 18 octobre prochain. Alors,  que resterait-il du FNDC si après la démission de Elie Kamano et de Ali Badra Koné, en juin dernier, Cellou Dalein et Sidya Touré venaient à être excommuniés ? Une coquille vide comme qui dirait, avec des opposants sans relief et sans militants qui finiront par ranger leurs trompettes et leurs pancartes, au grand bonheur de la coalition RPG-Arc-en-ciel au pouvoir. Alpha Condé, qui n’a jamais fait mystère de son rêve de rempiler à la tête de la Guinée pour les cinq, voire les dix prochaines années, va se frotter les mains, car il aura réussi à lézarder le bloc jusqu’ici compact de l’opposition et à sauver, pour ainsi dire, sa peau, en évitant le sort, oh combien triste, de son voisin malien récemment sorti de l’histoire de son pays par la lucarne. C’est vrai que l’octogénaire président guinéen n’a pas encore dit officiellement qu’il sera candidat, mais il faut manquer de lucidité et de jugeote comme un Bwaba de Bagassi, pour croire qu’Alpha Condé acceptera, de son plein gré, de redevenir un simple citoyen, au nom de la démocratie et de l’alternance. Comme en Côte d’Ivoire,  on reverra sans doute dans l’arène, des candidats à la peau ratatinée par l’âge, et comme en Côte d’Ivoire, le risque est grand de voir des militants fanatisés sortir les machettes pour régler les contentieux électoraux, sur fond de rivalité ethnique. Heureusement pour Alpha Condé,  que l’armée guinéenne qui était l’une des plus putschistes de la sous-région, serait aujourd’hui dirigée par des officiers affairistes et fêtards davantage obnubilés par la préservation de leurs acquis que par la conquête et la gestion du pouvoir d’Etat. Pour autant, et même s’il y a peu de risque de « syndrome malien » en Guinée, la CEDEAO et l’Union africaine (UA) doivent déjà mettre leurs différents mécanismes de prévention, de gestion et de règlement des conflits en état d’alerte, car les désaccords au sein du FNDC à propos de l’élection à venir, peuvent malheureusement être un prélude aux désaccords entre les fils  du pays au lendemain de celle-ci, avec des facteurs hautement aggravants comme la banalisation de la violence et de la vie humaine et le communautarisme qui continuent de tirer inexorablement la Guinée-Conakry vers le bas.

 

« Le Pays »


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