DJIBRILLA HIMA HAMIDOU DIT PELE, PRESIDENT DE LA FEDERATION NIGERIENNE DE FOOTBALL : « L’histoire nous donne raison lorsque nous disions qu’il fallait changer de cap à la CAF »
A la CAN des cadets qui vient de s’achever au Gabon avec le sacre du Mali le 28 mai 2017, le Niger a occupé le 4e rang, derrière la Guinée qui l’a battu en match de classement pour la 3e place. C’est l’un des meilleurs résultats du Niger en football, lors des compétitions continentales. Nous avons saisi cette opportunité pour échanger avec le président de la Fédération nigérienne de football (FENIFOOT), le colonel-major Djibrilla Hima Hamidou. Avec lui, nous avons abordé ce tournoi, la politique mise en place par sa fédération pour les petites catégories et bien d’autres sujets dont les dernières élections à la Confédération africaine de football (CAF).
Le Pays : Vous devez être un président comblé après que le Niger a atteint pour la toute première fois de son histoire, le carré d’as d’une compétition continentale des nations, à travers le Mena cadets.
Cl-major Djibrilla Hima Hamidou : Tout à fait, et Dieu merci. Nous avons mis en place cette équipe nationale des cadets en tenant compte de nos erreurs passées. C’est ainsi que nous avions établi un programme sur deux ans, par rapport à cette CAN des U17 qui vient de s’achever au Gabon, avec en ligne de mire la CAN des U20 (juniors) que le Niger va abriter en 2019. Et ce sont ces gamins qui viennent de prendre part à cette CAN des cadets. Ils auront moins de 20 ans en 2019. C’est donc ce programme que nous sommes en train de poursuivre. La participation à cette CAN et la place de quatrième viennent à point nommé, parce qu’au sortir du Gabon, nous mettrons les moyens et les conditions nécessaires au profit de cette équipe, dans la perspective de la CAN des juniors en 2019. Si nous n’étions pas à cette compétition et si nous n’avions pas pu passer le premier tour, il y aurait eu trop de bruit comme cela se passe dans les milieux sportifs, particulièrement celui du football et certainement, une dynamique pour casser cet élan que nous avons enclenché. Dieu merci, le résultat est positif et le programme établi va se poursuivre.
En plus du carré d’as et de la 4e place, vous obtenez une participation pour la prochaine coupe du monde des cadets en octobre prochain
Une fois de plus, je remercie le bon Dieu parce que sous mes deux mandats, nous avons enregistré deux participations à la CAN et une participation au CHAN. Aujourd’hui, nous avons une qualification pour la Coupe du monde et c’est une première pour notre pays d’être à ce niveau. Ce n’est pas du tout à négliger, puisque cela est positif pour notre football.
Quelle est la politique menée par votre fédération pour le football à la base ?
Nous avons un championnat national des moins de 17 ans qui se déroule depuis quatre ans maintenant. Dans un premier temps, il y a un tournoi dans chacune des huit régions dont les champions se retrouvent pour une phase finale. On se rappelle qu’il y a quelques mois, le président de la FIFA, Gianni Infantino, était à Niamey pour inaugurer le centre technique national qui possède en son sein, un centre de perfectionnement des jeunes. C’est dans celui-ci que les cadets que vous avez suivis lors de cette CAN sont et où ils vont passer deux années supplémentaires puisque ce sont eux qui devront défendre les couleurs du Niger lors de la CAN des juniors 2019 que le Niger doit abriter. Sur cette base, nous avons établi un programme sur le programme FOARD qui est en cours d’exécution, pour la construction des sièges des huit ligues régionales. Avec ces sièges, chaque ligue aura comme un embryon de centre de formation et d’hébergement. Ainsi, chaque ligue a l’obligation de nous produire des équipes régionales des différentes catégories sur la base desquelles nous organisons un championnat où les meilleurs joueurs sont sélectionnés et envoyés en perfectionnement au centre technique national qui est le centre mère.
Comment expliquez-vous cette cassure après que le Niger ait été au rendez-vous de deux CAN successives (2012 et 2013) et deux CHAN et plus rien depuis lors ?
Je dirai que cela est lié à un problème de moyens financiers. Dans notre pays, c’est le ministère de tutelle qui nous permet d’organiser les regroupements, de participer aux compétitions, aux journées FIFA. Depuis notre dernière qualification à une CAN, nous n’avons plus participé à une journée FIFA pour faute de financement, parce que le ministère ne trouve pas de financement ou ne pense pas que cela soit utile. Cela explique un peu notre absence au niveau continental.
La FENIFOOT a-t-elle autant de difficultés à trouver des sponsors ?
Il faut reconnaître que cela est difficile. Nous avions un sponsor au départ, qui était une société de téléphonie mobile qui nous a, par la suite, lâchés et fort heureusement, nous avons pu nous trouver un autre aujourd’hui. Mais, c’est juste de quoi survivre. Au Niger, nous avons une particularité contrairement au Burkina Faso et à bien d’autres pays. C’est que la Fédération, les clubs et les ligues n’ont aucune subvention de la part de l’Etat. Le championnat national que nous organisons est financé à 100% par la Fédération qui subventionne les clubs à hauteur de 5 millions de F CFA et des équipements par an. En plus, la fédération paie toute la production du championnat national en payant les transports de tous les clubs lors des championnats de première et deuxième divisions, y compris la Coupe nationale. Ce sont des charges lourdes qui pèsent sur la Fédération, sans aucun appui extérieur.
Quelles sont les relations que votre fédération entretient avec celles de la sous-région et particulièrement celle du Burkina Faso ?
Elles sont excellentes tout comme avec le président de la Fédération burkinabè de football, le colonel Sita Sangaré qui, en dehors du football qui nous réunit, est un frère d’armes. Nous avons fait la même école des enfants de troupe à Bingerville en Côte d’Ivoire et nous partageons énormément de valeurs et de fraternité. Tout est au beau fixe et dès que j’ai besoin de quelque chose au Burkina Faso, c’est au quart de tour que cela est réglé et vice-versa.
Comment avez-vous vécu les dernières élections qui ont porté le Malgache Ahmad à la présidence de la CAF à Addis-Abeba ?
C’est une page de l’histoire du football africain qui se ferme et une nouvelle qui s’ouvre pour la Confédération africaine de football. Il était temps. Nous nous sommes plaint de beaucoup de choses, de nombreuses pratiques que nous ne trouvions pas correctes. Fort heureusement aujourd’hui, les choses vont changer.
Le président de la FENIFOOT que vous êtes, était dans le viseur du président sortant Issa Hayatou, parce que vous faisiez partie des dirigeants qui s’opposaient ouvertement à ses pratiques. Qu’en dites-vous ?
Si c’est lui qui le pensait, personnellement, je n’en sais rien. J’avais mes opinions et je ne les cachais pas, puisque je les disais à qui voulait les entendre. Et si cela dérangeait et ne plaisait pas à certaines personnes, c’est dommage. Je ne faisais pas comme ces présidents de fédération qui se cachent pour dire ce qu’ils pensent et lorsqu’on est en face des dirigeants ou responsables, ne disent pas réellement ce qu’ils pensent. La preuve est là aujourd’hui et l’histoire nous donne raison, lorsque nous disions qu’il fallait changer de cap. Mais, nous n’avons pas été compris trop tôt.
Que dites-vous de ceux qui déclarent que le président de la CAF, Ahmad, est sous l’emprise des Anglophones qui veulent une grosse part du gâteau pour avoir réellement porté sa candidature ?
On dira ce qu’on pense. Le président Ahmad vient d’être élu. Donc, donnons-lui un an voire deux ans pour apprécier comment il se comporte. Déjà en un mois, des gens veulent juger un mandat de quatre ans. Ahmad est une personne très pondérée, qui sait ce qu’elle fait. Je lui fais confiance parce que nous avons assez combattu ensemble et il sait à quoi aspirent les présidents de fédération. D’aucuns pensent que des gens font du lobbying ou qu’il est sous l’emprise de certaines personnes mais, je pense que Ahmad ne peut pas être sous l’emprise de qui que ce soit. Des gens essayeront, mais ce sera à leurs dépens.
Il semble que vous faites partie du cercle des grandes amitiés du président de la FIFA, Gianni Infantino, et que son passage au Niger a laissé des traces puisque cela a aussi contribué à l’élection de Ahmad
Ahmad et moi avons partagé beaucoup de choses ensemble avec Gianni Infantino, dès l’annonce de sa candidature à la présidence de la FIFA. Et nous saluons son arrivée parce qu’il amène un nouvel élan, une nouvelle dynamique, une meilleure gestion dans la gouvernance. Et tout cela permet aux gens de pouvoir s’exprimer et se sentir concernés par la gouvernance de la FIFA aujourd’hui, et il en sera de même au niveau de la CAF.
Etes-vous de ces dirigeants qui estiment qu’il faut changer la période du déroulement de la CAN des seniors ?
Je ne sais pas pourquoi les gens sont toujours réfractaires aux changements mais, il faut qu’on essaie afin d’évoluer. S’il y a des modifications à apporter qui peuvent être positives, nous allons y aller et pourquoi ne pas essayer. Ce fut la même chose au sujet de la Coupe du monde qui était à seize pays avant de passer à trente-deux, puisqu’à l’époque, des gens s’inquiétaient en se demandant si cela allait marcher. Je suis optimiste et je pense que ça va bien se passer. Attendons de voir les réformes qui vont être proposées, mais il faut avant tout être positif.
Propos recueillis à Libreville par Antoine BATTIONO