HomeFocusDossier Karim Wade : la justice sénégalaise joue sa crédibilité

Dossier Karim Wade : la justice sénégalaise joue sa crédibilité


La controverse autour de l’arrestation de Karim Wade revient au devant de la scène au Sénégal. Arrêté et placé en garde à vue depuis bientôt un an, l’ancien ministre du Ciel et de la Terre, qui est aussi le fils de l’ancien président Abdoulaye Wade, est accusé par l’Etat sénégalais d’enrichissement illicite. Ce dernier qui ne cesse depuis lors de clamer son innocence, s’est toutefois attaché les services de prestigieux avocats, notamment canadiens, qui travaillent à établir son innocence. Le moins que l’on puisse dire de cette affaire, c’est qu’au-delà du fait qu’elle divise la population sénégalaise, elle est en passe de devenir une véritable patate chaude entre les mains du président Macky Sall.

La Justice sénégalaise n’a pu fournir jusque-là, la preuve de la culpabilité du fils de l’ancien président

L’affaire Karim Wade, comme on le dit à Dakar, est devenue d’autant plus embarrassante que la Rencontre africaine de défense des droits de l’Homme (Raddho) s’est invitée au débat, et réclame avec insistance que le célèbre prisonnier de Dakar soit jugé ou alors qu’il soit mis en liberté provisoire. Cette sortie de la Raddho, même si elle déplaît au président et à son entourage, reste néanmoins tout à fait fondée, car elle ne fait qu’obéir à un principe élémentaire du droit, à savoir qu’on ne peut pas mettre une personne en prison sans raison. Or, justement, dans le cas de Karim Wade, la Justice sénégalaise n’a pu fournir jusque-là, la preuve de la culpabilité du fils de l’ancien président. Mais il ne faut pas se leurrer ; l’absence de preuve n’est pas synonyme d’innocence. Et cela, les deux partis (accusation comme défense) le savent bien. En attendant, la Raddho est bien dans son rôle et, bien que sa position apporte de l’eau au moulin du camp de la défense, Macky Sall gagnerait à manœuvrer avec dextérité pour ne pas mettre cette organisation sur son chemin.
Reste alors pour lui, la question essentielle: comment maintenir son image d’homme intègre, faisant de la lutte contre l’enrichissement illicite son cheval de bataille et son image de démocrate convaincu, respectueux des droits humains et des libertés fondamentales, tout en cherchant à faire rendre gorge, un présumé délinquant à col blanc?

Macky Sall a-t-il vraiment analysé tous les contours de la situation avant d’ouvrir le dossier Karim Wade

Et c’est bien là le dilemme déchirant auquel fait fasse aujourd’hui le président sénégalais. S’il garde Karim Wade en prison sans jugement, il devra accepter de porter la casquette de despote et de tyran déguisé en démocrate. Mais s’il libère Karim Wade, il court le risque de lui permettre de brouiller davantage les pistes. Il lui faut cependant agir, et vite, car de toute évidence, le temps est loin de jouer en sa faveur. En effet, quand un homme politique de l’envergure de Karim Wade se trouve dans le collimateur de la Justice, il y a 99% de chance que la politique s’empare du dossier. Macky Sall a-t-il vraiment analysé tous les contours de la situation avant d’ouvrir le dossier Karim Wade ? Rien n’est moins sûr. En attendant, forts de ce soutien bien à propos de la Raddho, les avocats de Karim Wade assimilent l’arrestation de leur client à un kidnapping politique. Sall pourrait, s’il n’y prend garde, en faire un martyr. Et pour les partisans du parti de l’ancien président, « l’emprisonnement de Karim Wade ne fait aucun doute que le pouvoir veut tordre l’avenir politique de ce jeune. »

On est bien tenté de dire que s’il y a quelqu’un donc à plaindre dans ce dossier, ce ne peut être que le président Macky Sall. Convaincu qu’il tient entre les mains un grand délinquant, il ne sait malheureusement pas comment le maintenir au cachot. Un casse-tête qui risque fort d’ébranler le système Sall, qui, pourtant, connaît en ce moment, une aura médiatique visiblement fructueuse auprès de l’ensemble de la jeunesse africaine et même des institutions financières occidentales, qui viennent de lui accorder plus de six milliards d’euros pour la mise en œuvre de son Programme Sénégal émergent (PSE).

Dieudonné MAKIENI


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