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ELARGISSEMENT DE PRISONNIERS POLITIQUES EN GUINEE EQUATORIALE


 « Le blaguer-tuer » de Obiang Nguema

C’est une décision pour le moins spectaculaire, tant elle a pris tout le monde de court. Le président équato-guinéen, Teodoro Obiang Nguema, a décidé d’élargir tous les prisonniers politiques, ou du moins, si vous voulez, de libérer tous ceux qu’il avait décidé, pour une raison ou une autre, d’envoyer derrière les barreaux. « J’accorde l’amnistie totale à tous les citoyens condamnés par les  tribunaux (…) pour des délits politiques dans l’exercice de leur activité », a-t-il déclaré dans un communiqué lu sur les antennes de la télévision équato-guinéenne, le 4 juillet dernier. Au départ, certains ont vite cru à un canular avant de se raviser plus tard,  tant la mesure a surpris plus d’un. Surtout quand on sait qu’elle émane d’un dictateur féroce qui gouverne son pays d’une main de fer depuis 38 ans. Certes, pourra-t-on dire, en annonçant la libération de tous les prisonniers politiques dans son pays, Obiang Nguema ne s’est pas, en réalité, vraiment  montré bon prince, puisque l’opposition politique en avait fait un préalable avant sa participation au dialogue national que le chef de l’Etat appelle de tous ses vœux. Mais tout de même, on peut lui rendre hommage,  étant entendu que d’autres dictateurs, à sa place, auraient pu faire autrement. C’est le cas, par exemple, de Joseph Kabila de la République démocratique du Congo (RDC) et de Faure Gnassingbé du Togo, qui choisissent de faire dans la sélection, quand on leur demande de libérer tous les

détenus politiques et d’opinions dans leurs pays respectifs. C’est dire que tout satrape qu’il est, Obiang Nguema mérite d’être félicité même si, pour l’instant, il faudra se garder de tout angélisme. Car, les dictateurs sont ainsi faits qu’ils ne font rien gratuitement. Tous leurs faits et gestes sont calculés si fait qu’une décision que tout le monde applaudit, peut cacher une entourloupe.

Il ne faut jamais donner le bon Dieu sans confession à un dictateur

Cela est d’autant plus vraisemblable que ces mesures d’apaisement prises par le maître de Malabo, interviennent à quelques jours seulement de l’ouverture du dialogue politique national convoqué par le chef de l’Etat himself aux fins, dit-il, de « préserver la paix et le développement que connaît actuellement la Guinée équatoriale ». Mieux, il appelle, à cette occasion, tous ses compatriotes qui ont fui le pays, à « rentrer en Guinée équatoriale (…) pour trouver les stratégies globales et inclusives ». Espérons qu’il ne s’agit pas là d’une stratégie du « blaguer tuer »(1) pour emprunter l’expression à l’artiste-musicien ivoirien, Tiken Jah Fakoly. Car, on l’a déjà vu au Congo Brazzaville où, par un vibrant appel radiotélévisé, le président Sassou Nguesso avait demandé à tous les Congolais qui avaient fui le pays suite aux violences meurtrières de décembre 1998, de rentrer au bercail, pour finalement les massacrer au débarcadère du Port ATC de Brazzaville, le 10 avril 1999. C’est ce que l’on a appelé l’affaire des « disparus du Beach ». C’est la preuve, s’il en est, qu’il ne faut jamais donner le bon Dieu sans confession à un dictateur, fût-il éclairé. Il avance toujours masqué, avec toujours une longueur d’avance sur ses détracteurs. Certes, comparaison n’est pas raison. Mais on se rappelle aussi que le président tchadien, Idriss Déby Itno, appelait naguère ses compatriotes à un Forum national qui, au final, n’aura débouché que sur une réforme constitutionnelle avec des pouvoirs renforcés pour le chef de l’Etat. Qui dit que Teodoro Obiang Nguema à qui on prête l’intention de se faire succéder par son fils, n’est pas sur la même voie ? On attend de voir.

Boundi OUOBA

Blaguer-tuer : expression empruntée à l’artiste ivoirien Tiken Jah Fakoly, utilisée pour désigner une entourloupe ou un piège.


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