ENGRENAGE DE LA VIOLENCE SUR FOND DE RIVALITES MULTIPLES EN RDC : Vers un enlisement total ?
Si l’envie irrésistible de séjourner dans une partie calme et sécurisée du globe vous prend en ce début d’année 2025, il ne faudrait surtout pas aller dans l’Est de la République démocratique du Congo (RDC) où règne actuellement une anarchie hobbesienne créée par des combats brutaux entre armées et factions rivales qui utilisent des armes de tous calibres pour s’anéantir mutuellement et perpétrer des meurtres de masse. Cette foire d’empoigne est d’autant plus grave et inquiétante qu’elle ne suscite plus de capharnaüm d’émotions de la part de la communauté internationale, bien qu’elle se déroule dans le mépris flagrant des combattants pour les droits fondamentaux de l’Homme. Le 24 janvier dernier, c’est le gouverneur militaire de la province du Nord-Kivu lui-même qui en a fait les frais en se rendant sur la ligne de front pour galvaniser ses troupes, alors qu’un nombre incalculable de civils apeurés affluaient à Goma, la capitale provinciale assiégée par les rebelles du M23 soutenus par le Rwanda qui aurait déployé sur le terrain, des milliers de soldats équipés de missiles sol-air, de lance-roquettes multiples et d’armes individuelles et collectives de dernière génération.
L’option militaire n’est certainement pas la meilleure pour trouver une solution durable aux profondes lignes de fracture historiques et ethniques
En face, il y a évidemment les forces armées de la RDC, les casques bleus, les contingents des pays de l’Afrique australe et toute une myriade de milices qui se battent contre le redoutable duo Rwanda-M23 qui tente de faire main basse sur tout le Kivu, et notamment sur la ville-symbole de Goma. Cet engrenage de la violence fait redouter un enlisement total, surtout quand on sait que tous les pays de la région ou presque, sont engagés dans une lutte géopolitique pour l’influence et la survie, si ce n’est pas accaparer les immenses richesses naturelles dont regorge la province-martyr. Le moins qu’on puisse dire, c’est que l’option militaire visiblement choisie par les groupes antagonistes, n’est pas la meilleure pour trouver une solution durable aux profondes lignes de fracture historiques et ethniques qui sont aujourd’hui à l’origine de l’instabilité et de l’urgence humanitaire dont sont victimes les populations de cette partie de la RDC qui équivaut à la moitié du Burkina Faso en terme de superficie. Alors, que faut-il faire pour éteindre cet incendie, pour le moment, circonscrit à l’Est de la RDC et éviter qu’il ne se transforme en un immense brasier qui va enflammer toute la région des Grands Lacs ? Pouvoir apporter une réponse allant dans le sens d’une solution négociée à cette crise est aussi improbable que de trouver un seul Gourmantché dans le monde entier qui ne croit pas au mysticisme, tant les positions des principaux protagonistes dans cette ‘’guerre mondiale’’ à l’africaine que sont le Congolais Félix Tshisekedi et le Rwandais Paul Kagamé, sont manifestement inconciliables. Ce serait, en effet, perdre la face pour l’un que d’accepter les conditions de l’autre, au regard de plusieurs éléments factuels qui compliquent le dossier.
Avec l’épuisement inéluctable des combattants, les populations meurtries du Nord-Kivu respireront à pleins poumons, l’air de la sécurité et de la liberté
Face à l’urgence humanitaire actuelle, on devrait donc raisonnablement chercher à conclure un cessez-le-feu qui limiterait les dégâts humains, plutôt que de laisser les deux têtes de gondole se ruiner dans des conclaves qui auraient pour objectif forcément utopique de régler définitivement ce conflit dont les origines remontent à plusieurs décennies. Malheureusement, la perspective de ce cessez-le-feu s’éloigne de jour en jour, avec le rappel, samedi dernier, de l’Ambassadeur de la RDC en poste à Kigali, suivi dans la foulée, de l’invite faite par Félix Tshisekedi à son homologue rwandais, de fermer illico presto sa représentation diplomatique à Kinshasa. Si on ajoute à cette rupture diplomatique qui ne dit pas son nom, le rejet, par les autorités congolaises, de l’offre de dialogue soumise par la Turquie, on ne peut qu’être pessimiste par rapport à un éventuel arrêt des hostilités, malgré le désastre humain dénoncé et condamné par le Conseil de sécurité des Nations unies réuni hier, 26 janvier 2025, en urgence sur la question. Pour autant, il ne faudrait pas totalement désespérer de voir un jour la situation se stabiliser dans l’Est de la RDC, que ce soit par négociation entre toutes les parties prenantes au conflit ou par capitulation de certaines d’entre elles, simplement parce qu’il y a dans l’histoire, des exemples de guerres civiles comme celles qui ont déchiré le Guatemala ou le Libéria, mais qui ont pris fin autour d’une table de négociations, après plusieurs années de dévastations et de carnages. Certes, comparaison n’est pas raison, mais avec l’épuisement inéluctable des combattants, et surtout avec le temps qui, selon Antonine Maillet, « vient à bout de tout, à la fin », les populations aujourd’hui meurtries de cette province éruptive au propre comme au figuré, respireront à pleins poumons, l’air de la sécurité et de la liberté que des nécrologues de la paix et de la démocratie ont pollué des décennies durant.
« Le Pays »