EQUILIBRE PRECAIRE DES FORCES A L’ASSEMBLEE NATIONALE : Il y aura de l’effervescence à l’hémicycle
Après le triomphe au premier tour du candidat Roch Marc Christian Kaboré du Mouvement du peuple pour le progrès (MPP) à l’élection présidentielle du 29 novembre dernier, les Burkinabè attendaient, non sans intérêt, les résultats des législatives qui se sont déroulées le même jour pour être fixés sur la configuration de l’Assemblée nationale, et connaître la marge de manœuvre du nouveau président dans l’exécution de son programme. Depuis hier, 2 décembre 2015, La Commission électorale nationale indépendante (CENI) s’est acquittée de cette autre tâche en proclamant les résultats de ce scrutin. La première observation que l’on peut faire, c’est qu’on assiste non seulement à une redistribution des cartes sur l’échiquier politique burkinabè, mais surtout qu’il se dégage un certain équilibre des forces au sein du Parlement. Ce qui préfigure une effervescence certaine au sein de l’hémicycle où l’on va sans doute assister à des jeux d’alliances de diverses natures dans un sens comme dans l’autre. Si le MPP apparaît comme la première force politique du moment avec ses 55 députés, l’on notera qu’il n’a pas obtenu la majorité absolue des sièges qui lui auraient permis de s’adjuger confortablement le contrôle du Parlement. Toutefois, il ne devrait pas avoir trop de difficultés à se trouver des alliés pour combler les quelques sièges qui lui manquent pour conquérir la présidence de l’institution. Malgré tout, le MPP peut se réjouir de cette moisson qui lui confère le statut de parti majoritaire à l’Assemblée nationale ; toute chose qui confirme la légitimité du président Kaboré. La deuxième observation que l’on peut faire, c’est que l’Union pour le progrès et le changement (UPC) renforce sa position de deuxième force politique du pays, avec 33 sièges obtenus, qui confirment la seconde place de son candidat à la présidentielle.
Le Burkina Faso est pleinement entré dans l’ère de la démocratie
Zéph devrait donc retrouver son fauteuil de Chef de file de l’opposition, avec comme collaborateurs certains de ses anciens camarades de lutte, mais aussi de nouveaux venus comme le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) désormais relégué à la troisième place avec 18 élus et qui fait son baptême de feu dans l’opposition. Quant à l’ADF/RDA, elle aura subi une drastique cure d’amaigrissement avec seulement 3 sièges contre 18 à la précédente législature. En tout cas, après 27 ans de règne sans partage, le CDP va apprendre à s’opposer. Ce sont les vicissitudes de l’histoire qui l’exigent. Et cela est bon pour la démocratie. Car, seul l’intérêt du peuple souverain doit prévaloir. Et les tenants actuels du pouvoir gagneraient à se le tenir aussi pour dit. Sinon, l’histoire risque de se répéter. Toutefois, si la moisson de ces partis de l’ex-majorité ne leur permet pas de peser véritablement, à eux seuls, sur les décisions de l’Assemblée nationale, l’on notera cependant qu’ils sont certes affaiblis, voire très affaiblis, mais ne sont pas morts et enterrés comme certains le prédisaient. La troisième observation que l’on peut faire, c’est la quasi stagnation des partis sankaristes de l’UNIR/PS avec leurs 5 députés ; eux qui auraient pu légitimement s’attendre à mieux au sortir de ces élections post-insurrection. Une introspection s’impose peut-être à leur niveau pour se donner de meilleures chances de rebondir. En tout état de cause, au sortir de ces élections, l’on peut tirer le chapeau aux autorités de la Transition, pour avoir osé l’innovation politique de coupler les législatives à la présidentielle. Cela a, quelque part, permis cette recomposition équilibrée, sur une base d’égalité de chances, du paysage politique du pays. En effet, dans bien des cas où la présidentielle a précédé les législatives, cela a eu un effet d’entraînement car la tentation de rejoindre les rangs du chef pour ne pas être en porte-à-faux avec le prince, prend le pas sur toutes les autres considérations. Et cela, pour des raisons culturelles, politiques, mais aussi alimentaires et opportunistes. A présent que la décantation s’est faite sur des bases globalement saines, l’on peut dire que le Burkina Faso est pleinement entré dans l’ère de la démocratie. Et si les dieux de la politique se sont montrés favorables à Roch Marc Christian Kaboré et à son équipe, à eux de travailler à ce que ces dieux ne les lâchent pas. En cela, la pleine conscience qu’ils ont de la tâche ardue qui les attend face aux aspirations du peuple insurgé, devrait être un atout pour prendre les bonnes décisions, et traduire dans les actes leur mue sincère face à un peuple averti. Autrement, ils n’auront que leurs yeux pour pleurer car ce même peuple ne leur fera pas de cadeau. Ils ont aussi la responsabilité historique de faire en sorte que cette innovation politique, qui vaut à notre démocratie d’être labellisée, porte ses fruits. La balle est à présent dans leur camp.
Outélé KEITA
Francis
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L’homme politique à plaindre est Zéphyr. Entrer dans une coalition gouvernementale avec le MPP ou être chef de file de l’opposition et composer avec le CDP?
2 décembre 2015