EXPERIMENTATION DES OGM AU BURKINA : La COPAGEN dit niet à toute transformation du pays en laboratoire
La Coalition pour la protection du patrimoine génétique africain (COPAGEN) du Burkina était face à la presse le 5 avril 2018, à Ouagadougou, pour marquer son refus face à l’évolution de l’actualité relative aux Organismes génétiquement modifiés (OGM) dans la production du coton et sur la question des moustiques OGM au Burkina. En clair, la coalition s’oppose à toute transformation du Burkina Faso en un laboratoire d’expérimentation des OGM.
Sur la question des Organismes génétiquement modifiés (OGM), la position de la COPAGEN est claire et sans appel : elle dit non au brevetage du vivant et aux OGM dans l’agriculture, l’alimentation et la santé humaine et animale. Cela, au regard de tous les risques avérés et potentiels actuels qui y sont rattachés. Le 5 avril encore, elle a réaffirmé sa position sur la question face aux Hommes de médias. Selon la directrice du bureau national de l’Institut africain pour le développement économique et social (INADES), Aline Zongo/Kadiogo, point focal de la COPAGEN, après le retrait de Monsanto de la filière cotonnière au Burkina, le choix est désormais porté sur les cultures de base telles que le sorgho, le niébé, le maïs. A cela est venue s’ajouter la question des œufs de moustiques génétiquement modifiés qui ont été importés d’Italie depuis le 2 novembre 2016, avec la « bénédiction » de l’Agence nationale de biosécurité (ANB). Pire, le Burkina, à en croire Ibrahim Ouédraogo, membre du conseil d’administration de la COPAGEN régionale, est le seul pays en Afrique à l’expérimenter. « A notre connaissance et suite aux discussions avec le projet Target Malaria, il est ressorti qu’en Afrique, trois pays dont le Burkina, l’Ouganda et le Mali se sont proposés. Mais à l’heure actuelle, le Burkina est le plus avancé dans l’expérimentation. Nous sommes le seul pays à avoir importé les œufs de moustiques, les autres pays n’ayant pas bénéficié d’autorisation », a-t-il confié. Confinés depuis le 3 novembre 2016 dans un laboratoire de l’Institut de recherche en sciences de la santé (IRSS) à Bobo-Dioulasso, ces œufs sont élevés en vue d’atteindre le nombre de 10 000 moustiques mâles stériles génétiquement modifiés.
Une nouvelle technologie de lutte anti-vectorielle contre l’anophèle
L’objectif du projet Target Malaria, à en croire les conférenciers, est de travailler « à la mise au point d’une nouvelle technologie de lutte anti-vectorielle contre l’anophèle afin de contribuer à réduire la population de moustiques et du même coup le fardeau du paludisme en Afrique ». Et le lâcher de ces moustiques, selon le chronogramme du projet livré par la COPAGEN, est prévu entre juillet et novembre 2018, pour une expérience d’observation par les scientifiques travaillant sur le projet, dans l’un des trois villages, à savoir Bana, Pala ou Sourkoudiguin dans la commune de Bobo-Dioulasso. Une expérimentation qui passe amèrement au sein de la COPAGEN qui estime que des Burkinabè « sont en passe d’être utilisés comme des cobayes », cela parce qu’à l’issue de ses échanges avec le projet Target Malaria, plusieurs interrogations demeurent sans réponses. « Quelles seraient les conséquences si une femelle génétiquement modifiée, malgré toutes les précautions, piquait un malade atteint de paludisme et le transmettait à d’autres sujets au sein de la population ? Quelle serait la nature de la descendance des femelles génétiquement modifiées qui s’accoupleraient avec des mâles non stériles… », s’est interrogé, entre autres, le point focal de la COPAGEN qui a abouti à la conclusion selon laquelle toutes les conditions de sécurité au plan sanitaire, pour les hommes, les animaux et leur environnement ne sont pas réunies. De ce fait, Mme Zongo a exhorté l’ANB à « surseoir à l’examen de la demande d’autorisation du lâcher des moustiques mâles stériles, en attendant que des réponses définitives et rassurantes soient apportées à toutes les interrogations ». Tout en invitant l’Etat à s’inscrire dans l’approche précaution telle que préconisée par le protocole de Cartagena sur la prévention des risques biotechnologiques, la COPAGEN encourage la société civile à redoubler d’ardeur et à faire preuve d’ingéniosité dans la lutte pour la défense des droits des communautés sur leurs ressources et à apporter des réponses appropriées à la mesure des différentes menaces dont ces communautés peuvent faire l’objet. Quant au coton OGM dont le retour est sollicité par certains paysans, la COPAGEN estime que l’argument avancé par ces derniers « n’est pas fondé » en ce sens que le Mali, premier producteur ouest-africain de coton pour cette campagne 2017-2018, ne produit que du coton conventionnel.
Colette DRABO