ELECTION DE TOUADERA : Quel gouvernement pour la RCA ?
Elu la semaine dernière au second tour de la présidentielle centrafricaine avec un peu plus de 62% des suffrages, Faustin Archange Touadéra s’apprête à prendre les rênes du pays pour un bail de tous les défis au nombre desquels figurent en bonne place, la sécurité, la réconciliation nationale et la relance économique. Pour y parvenir, le nouveau maître de Bangui aura besoin d’une équipe de combat qui devra se mettre immédiatement au travail. En attendant son investiture prévue pour fin mars, le nouveau président s’est lancé dans des consultations. Alors, quel gouvernement pour la RCA ? De prime abord, sa casquette de candidat indépendant devrait être un atout pour celui qui a réussi à fédérer autour de sa candidature une trentaine de soutiens et pas des moindres parmi les recalés du premier tour. En s’affranchissant des traditionnelles chapelles politiques de son pays et en se présentant en candidat indépendant, l’ex-Premier ministre de François Bozizé s’est placé dans une posture de neutralité qui devrait lui donner les coudées franches pour ratisser large. D’autant plus que l’on peut voir derrière son choix en tant que candidat indépendant, la traduction de la désaffection du peuple centrafricain qui a envie de tourner la page de toutes ces rivalités politiques nauséeuses qui ont contribué à accentuer la fracture sociale, ethnique et religieuse entre les populations. De ce point de vue, l’on peut dire que l’ex-Oubangui Chari a connu tellement de morsures du destin que la première solution qui semble s’offrir le mieux au président nouvellement élu, est celle d’un gouvernement d’union ou de large ouverture, qui irait dans le sens d’un rassemblement de tous les fils et filles de la Centrafrique. Et il est heureux de constater que le président Touadéra songe à aller dans ce sens en prônant le consensus. En tout cas, il a toutes les cartes en main pour réussir une telle opération de rassemblement, au sortir de cette parenthèse douloureuse de l’histoire de son pays, et marquer une césure nette entre le passé et le présent politique de la RCA. Mais au fait, a-t-il vraiment le choix ? Rien n’est moins sûr. Car une opposition trop forte pourrait l’empêcher de gouverner.
Sans faire dans l’unanimisme, la RCA a besoin d’une parenthèse d’union pour sortir de l’ornière
D’où la nécessité d’attendre le verdict des législatives pour connaître la configuration du parlement avant d’opérer ses choix. L’un des impératifs premiers étant la réconciliation nationale, celle-ci devrait être perceptible à travers la formation du nouveau gouvernement. En tout cas, sans faire dans l’unanimisme qui a aussi montré ses limites sous d’autres cieux, la RCA a besoin d’une parenthèse d’union pour sortir de l’ornière. Tout le mal qu’on lui souhaite, c’est que le Ciel lui exprime un sourire radieux et l’aide à se relever. Car, la Centrafrique revient de loin ; elle qui a failli toucher le fond. Aussi la meilleure récompense qu’elle puisse offrir à la communauté internationale qui l’a soutenue à bout de bras durant cette traversée du désert, c’est de parler le même langage de sorte à ce que cette dernière sente que son implication a porté fruit dans le sens du retour à la paix. Touadéra doit donc savoir manœuvrer tout en sachant que l’un des dangers qui pourrait le guetter serait de vouloir éviter de faire des frustrés parmi ses soutiens. En intellectuel bon teint, doté d’une bonne expérience politique, il devrait avoir la force morale et intellectuelle de s’affranchir de telles obligations, en se mettant au- dessus de tout pour ne voir que l’intérêt supérieur de la Centrafrique. En cela, il ne devrait pas avoir peur de faire des mécontents parmi ceux qui l’ont soutenu. En tout état de cause, son passage à la tête de l’Exécutif où il avait déjà positivement marqué les esprits de ses compatriotes devrait être un autre atout et non des moindres. A lui de savoir maintenant transformer l’essai en se ménageant une marge de manœuvre pour avoir les coudées franches dans son action.
Outélé KEITA