HomeA la uneFIN DU MANDAT CONSTITUTIONNEL DE KABILA : Kinshasa retient son souffle

FIN DU MANDAT CONSTITUTIONNEL DE KABILA : Kinshasa retient son souffle


 

La conférence épiscopale nationale congolaise a mis le turbo pour trouver une sortie de crise politique en RDC avant la date cruciale d’aujourd’hui 19 décembre. Sans forcément jouer les Cassandre, l’on peut simplement constater que le bout du tunnel n’est pas pour demain. En effet, les deux camps à savoir la majorité présidentielle et l’opposition, ont une vision diamétralement opposée sur le dialogue. Pendant que les amis de Kabila affirmaient que « les participants s’étaient mis d’accord sur les choses essentielles pour sauvegarder le pays », l’opposition, par la voix de Félix Tshisékédi, soutenait le contraire. Mieux, ce dernier « demande au peuple congolais, face à la crise de légalité et de légitimité qui sera ouverte à partir de ce lundi 19 décembre 2016 à 23h59, de demeurer vigilant et mobilisé pour la défense de la Constitution de la République ». C’est dans ce contexte où chaque partie voit midi à sa porte que les évêques ont suspendu les travaux jusqu’à mercredi, jour de leur retour d’une visite à Rome prévue de longue date. Pendant cet intermède de trois jours, la grande question est de savoir ce qui va se passer en RDC.

La journée du 19 décembre  est grosse de tous les dangers

Cette interrogation est d’autant plus pertinente que personne ne peut prédire la réaction du peuple congolais en général et celle de tous ceux qui entendent brandir l’ultime carton rouge à Kabila fils, ce lundi 19 décembre 2016 à 23h 59, pour lui signifier la fin de son contrat à la tête de l’Etat congolais. Le moins que l’on puisse dire, est que la journée d’aujourd’hui est grosse de tous les dangers. Et de ce fait, Kinshasa retient son souffle. Et en pareilles circonstances, l’on peut être sûr que bien des Kinois et les populations de l’intérieur du pays, conformément à la tradition, ne vont pas manquer de prendre d’assaut les églises et les temples, pour en appeler à l’intervention du Très-Haut, afin qu’il évite à leur pays de sombrer dans le chaos. Il est vrai, l’Eglise catholique a déjà préparé les esprits pour éloigner le scénario catastrophe, mais cela pourrait ne pas suffire pour dissiper la peur et l’incertitude qui ont pris possession de l’ensemble du pays suite à l’enlisement du dialogue politique. Les plus pessimistes sont allés jusqu’à parler d’échec. Sont de ceux-là les opposants battant pavillon Etienne Tshisékédi. Et son fils Félix s’en remet à l’arbitrage du peuple, pour ne pas dire de la rue, pour débloquer la situation. En effet, sur son compte Twitter, le fils du leader de l’opposition a martelé ceci : « Les discussions ont échoué. A présent, peuple congolais, la balle est dans ton camp. Nous sommes arrivés au bout de nos efforts ». Pour un appel à l’insurrection pour chasser Kabila, c’en est véritablement un. Et l’on peut difficilement jeter la pierre à Félix Tshisékédi. En effet, l’opposition aura tout fait pour modérer les ambitions pouvoiristes de Joseph Kabila. Mais, tout indique que ce dernier n’est pas prêt de permettre à un autre Congolais d’accéder à son trône. Et il a comme alliés, en plus de la kyrielle de griots et autres Raspoutine qui peuplent son palais, le temps et la diversion. Et l’opposition, la vraie, qui connaît l’homme, n’est pas disposée à se laisser rouler dans la farine. De ce point de vue, la personne qui peut rassurer les Congolais quant à une sortie heureuse de la grave crise que traverse leur pays et à propos de laquelle ils ne dorment plus que d’un œil, est sans conteste Joseph Kabila. Il lui suffit pour cela de faire une sortie dans laquelle il prendrait deux engagements en des termes qui ne laissent pas de place à l’équivoque.

Kabila n’aura aucun scrupule à dresser un bûcher ardent pour brûler la RDC

 

Le premier est de dire urbi et orbi qu’il n’est pas partant pour un troisième mandat. Le deuxième est de donner un délai raisonnablement court pour organiser la présidentielle. Une telle sortie, pour sûr, pourrait avoir l’avantage de mettre l’opposition dans un état d’esprit susceptible de renouer le fil du dialogue à l’effet de sauver la maison commune qu’est le Congo. Mais Joseph Kabila peut-il avoir cette hauteur de vue ? A cette question, l’on peut malheureusement répondre par la négative. Car, propulsé à la tête du Congo à la faveur d’une dévolution monarchique du pouvoir, Joseph Kabila n’a d’autres mérites que celui de son affiliation au précédent régime. En tout cas, la preuve est faite depuis qu’il est aux affaires, qu’il n’a aucun égard, ni pour son peuple ni pour son pays. De ce point de vue, il n’aura aucun scrupule à dresser un bûcher ardent pour brûler la RDC, s’il le faut, pour s’accrocher à son trône. Dans ces conditions, l’on peut se demander par quel miracle, les hommes de Dieu vont passer, à leur retour de Rome, pour sortir la RDC de l’impasse dans laquelle Joseph Kabila et sa clique ont choisi en toute conscience de la plonger. Et le signe que le président congolais est dans cette posture, est que face à la clameur grandissante de son peuple à quelques encablures de la fin officielle de son mandat,  il a mis un point d’honneur à intimider les Congolais, en déployant de façon démesurée et sans précédent un dispositif militaire sur toute l’étendue du territoire, mettant de fait le pays sur le pied de guerre. Toute cette débauche d’énergie et de logistique a pour vocation d’imposer un homme à tout un peuple, qui depuis l’indépendance du pays en 1960, n’a pas connu le moindre répit pour jouir légitimement des immenses richesses du Congo. Mais Joseph Kabila gagnerait à méditer ce riche enseignement de Modibo Keïta : « On peut tromper une partie du peuple une partie du temps. Mais on ne peut pas tromper tout le peuple tout le temps ». Aujourd’hui, certaines indiscrétions font état de la mise en place d’un Conseil national de transition, organe que pourrait diriger le leader de l’opposition, Etienne Tshisékédi. En contrepartie, le président Joseph Kabila resterait à son poste le temps de la transition, sans possibilité de solliciter un troisième mandat. Si par extraordinaire, le dialogue politique venait à accoucher d’un tel attelage, l’on pourrait parier qu’il fera long feu, puisque cela s’apparenterait à faire cohabiter sous le même toit le chat et la souris.

« Le Pays »


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