HomeA la uneFLUX FINANCIERS ILLICITES : Le mal… difficile à cerner

FLUX FINANCIERS ILLICITES : Le mal… difficile à cerner


Transferts transfrontaliers de fonds dont la source est illicite (corruption, fraude, trafic…), les Flux financiers illicites (FFI), puisque c’est de ce mal financier qu’il s’agit, est devenu, au fil des années, un fléau presque invisible et dévastateur. Au Burkina, les acteurs et l’Etat ont pris la mesure de la situation. Des actions sont menées, des mécanismes sont déjà mis en œuvre et un projet d’évaluation de ces flux au Pays des Hommes intègres, est en cours d’exécution. Tout ceci, pour contrer un mal difficile à cerner.

 

L’Afrique perd annuellement environ 88,6 milliards de dollars (plus de 49 000 milliards de F CFA) à cause des FFI, un montant qui représente 3,7% de son PIB, selon des données de la CNUCED. 65% des pertes financières africaines liées au commerce, sont dues à des Flux financiers illicites (FFI). C’est ce qu’avancent des organismes, notamment la CNUCED et des institutions comme l’ISS (African Futures). Au Burkina, l’impact des FFI sur les recettes du pays n’est pas encore connu, mais serait en cours d’évaluation selon nos informations.

Ces flux, dont l’une des composantes les plus importantes est le blanchiment des capitaux, sont traqués au Burkina. La législation depuis 2016, a été blindée avec la loi relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement de terrorisme. Des procès ont été récemment tenus et ont jugé des infractions de blanchiment de capitaux (Le cas Tiegnan). La question des bénéficiaires effectifs des entreprises est prise en compte et les actions du CENTIF (Cellule nationale de traitement des informations financières) ont atteint un niveau que des experts trouvent satisfaisant.    Des efforts qui ont valu au Burkina de sortir de la liste grise du GAFI (Groupe d’action financière). « La plénière a retiré le Burkina Faso, le Mozambique, le Nigéria et l’Afrique du Sud, de la liste des juridictions faisant l’objet d’une surveillance accrue, à la suite de l’achèvement de leurs plans d’actions », peut-on lire dans la note sanctionnant la plénière d’octobre 2025 de l’institution. Une victoire pour ce pays qui lutte depuis 2021, avec l’engagement des régimes successifs de quitter rapidement cette liste « grise » sur laquelle se trouvent encore d’autres juridictions.

 

Le Burkina annonce l’élaboration de la Stratégie nationale de lutte contre le BC/FT

 

Une victoire que le ministre chargé de l’économie a commenté à l’occasion du second CASEM (Conseil d’administration du secteur ministériel) de l’année 2025 de son département. « Notre pays a enregistré des progrès déterminants dans la mise en œuvre du plan d’actions de l’ICRG, avec la disponibilité du rapport d’évaluation finale consacrant la sortie du Burkina Faso de la liste grise du GAFI », s’était-il réjoui. Il a profité de cette tribune pour donner quelques avantages de cette sortie. « C’est une avancée majeure qui renforce la crédibilité financière de notre Etat, améliore l’attractivité de notre économie, et consacre la qualité du travail accompli par l’ensemble des structures concernées », avait-il énuméré.  Ce n’était pas tout. Devant les administrateurs de cette rencontre statutaire, l’argentier du Burkina a annoncé la couleur de l’année 2026 en informant de l’élaboration du document de la Stratégie nationale de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.   

Même si le mal est difficile à cerner eu égard aux subtilités utilisées par les auteurs de ces crimes économiques, le Burkina semble être sur la bonne voie avec cette collaboration avec le GAFI et son nouveau statut de membre non-CEDEAO du GIABA (Groupe intergouvernemental d’action contre le blanchiment d’argent en Afrique de l’Ouest) au même titre que le Mali et le Niger. Le pays doit maintenir la dynamique et faire face aux défis qui existent. Face à cette menace des FFI, se retrouve en première ligne la première régie de recettes au Burkina, les Impôts. La DGI a certes des défis à relever, mais elle a aussi des armes pour le faire. C’est notamment sa participation à l’ATAF (Forum sur l’administration fiscale africaine) qui est une organisation pour aider dans la lutte contre la fraude et l’évasion fiscale qui alimentent les FFI.

 

L’IA est une technique numérique qui pourrait faciliter la gestion fiscale…

 

L’utilisation de nouveaux outils pourraient être aussi efficace contre les FFI dans le domaine fiscale et domaniale, nous dit un expert du domaine. L’IA est une technique numérique qui pourrait faciliter la gestion fiscale et la transparence. Déjà, certaines plateformes comme Sylvie V2 permettent de lutter contre certaines pratiques illicites en douane (importation ou exportation de produits dangereux et prohibés, fausses déclarations…) qui peuvent nourrir les FFI (dans le cadre des opérations d’import/export). Cependant, sur ce point, le GAFI met en garde les Etats contre « les risques d’exploitation de l’Intelligence artificielle générative, des agents IA et d’autres technologies émergentes par les criminels, tels que la fraude cybernétique facilitée par les hypertrucages ou encore le développement de chaînes de blanchiment automatisées à grande échelle ». Le boom immobilier dans les capitales africaines ces dernières années, peut signifier l’évolution d’une classe moyenne et l’expression de l’accroissement des richesses. Mais attention ! Car, pour les experts sur les FFI, les voitures et l’immobilier de luxe sont les secteurs qui engloutissent une bonne partie du blanchiment de capitaux. La traçabilité des investissements relève d’un défi, mais qui pourrait trouver des pistes de solutionnements avec l’IA.

 

Les FFI dans le secteur extractif, ont causé la perte de plus de 2 700 milliards de F CFA

 

L’or est le premier produit d’exportation du Burkina en 2024 (80%), selon le rapport BCEAO. C’est l’une des principales sources d’impôts (20% du PIB) et de taxes pour le budget de l’Etat. Le secteur est aussi traversé par les FFI. A ce niveau, le mal a des chiffres issus du rapport d’étude sur les FFI dans le secteur attractif. Le rapport de l’ITIE sur l’étude sur les Flux Financiers Illicites (FFI) dans le secteur extractif au Burkina Faso, rendu public en août 2024, met à nu les flux financiers illicites fiscaux et commerciaux liés à l’exportation de l’or, du manganèse, de l’argent, du zinc et de la dolomite. Sur la période 2012-2021, ces Flux financiers illicites selon ce rapport, ont causé la perte de plus de 2 700 milliards de F CFA à l’Etat burkinabè. Le rapport précise également que les Flux financiers illicites ont représenté 118,28% des recettes minières sur la période 2015-2021 (avec plus de 3 686,75 millions de dollars US). En outre, l’étude a révélé qu’il existe un lien entre le terrorisme et le trafic de l’or. Il faut vulgariser le rapport pour une meilleure appropriation des enjeux et des défis dans la lutte contre les FFI.

 

Boureima KINDO

 

Eco-brèves

 

*Le Fonds africain de développement de la BAD : une levée de fonds « historique » de plus de 6 136 milliards de F CFA

 

La BAD a franchi un cap « historique » en matière de levée de fonds concessionnels à travers son Fonds africain de développement.  En effet, ce sont 11 milliards de dollars, soit environ 6 136 milliards de F CFA, qui ont été mobilisés. Soit une augmentation de 23% par rapport à la reconstitution précédente. Cette levée de fonds contribuera à accorder des prêts à faible coût. Cet instrument de financement concessionnel du Groupe de la Banque africaine de développement (BAD), a obtenu ce résultat auprès de 43 partenaires lors de sa 17e reconstitution des ressources (FAD-17), le 16 décembre 2025.  

 

*BIDC-GIABA : le Burkina Faso désormais membre non-CEDEAO

 

Les chefs d’Etat de la CEDEAO se sont retrouvés pour le 68e sommet de l’organisation, le 14 décembre 2025. A l’occasion, ils ont accordé aux pays de l’AES (Alliance des Etats du Sahel), notamment au Burkina, le statut de membre non-CEDEAO du GIABA (Groupe d’action intergouvernemental contre le blanchiment d’argent en Afrique de l’Ouest) et de la BIDC (Banque d’Investissement et de développement). Sur la première organisation, l’organisme ouest-africain estime que : « sur la base de leur fort engagement politique, de mettre pleinement en œuvre l’ensemble des obligations requises des membres du GIAB ».        

 

BK


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