FORMATION D’UN GOUVERNEMENT INCLUSIF A BANGUI :L’alchimie compliquée de Mahamat Kamoun
Après la nomination du musulman Mahamat Kamoun au poste de Premier ministre, qui a suscité une controverse qui est loin d’être retombée en RCA, un autre défi pourrait se présenter à Catherine Samba-Panza : celui de la formation du gouvernement. A ce sujet, le parti de l’ancien président François Bozizé, la Convergence nationale Kwa na Kwa, a fait une sortie dans laquelle il a exprimé une crainte et un souhait.
Le parti de Bozizé cache mal son intention d’être associé à la conduite des affaires de l’Etat
Par rapport à la crainte, le Kwa na Kwa a regretté que le nouveau Premier ministre ne soit pas un homme politique suffisamment averti pour apporter les réponses appropriées à la problématique centrafricaine qui, à ses yeux, a avant tout un caractère politique. Cet argumentaire pourrait ne pas résister à l’analyse pour les raisons suivantes : d’abord, l’on peut estimer que Mahamat Kamoun n’est pas politiquement vierge puisqu’il a exercé, de par le passé, des fonctions politiques au sein du cabinet de Michel Djotodia dont il était d’ailleurs le premier responsable. Avant même d’être nommé Premier ministre, il était conseiller spécial de Catherine Samba-Panza. Il est donc censé connaître la faune politique centrafricaine. Ensuite, même dans l’hypothèse où Mahamat Kamoun ne répondrait pas au profil d’homme politique tel que l’entend le parti de François Bozizé, l’on peut dire que ce handicap, si l’on peut l’appeler ainsi, pourrait être perçu comme un atout puisqu’il ne serait pas tenté de prêcher pour une chapelle politique en particulier.
A propos de l’appel à la formation d’un gouvernement inclusif par le parti de Bozizé, qui cache mal son intention d’être associé à la conduite des affaires de l’Etat, l’on peut comprendre la pertinence d’une telle formule dans le contexte de la RCA, marquée, on le sait, par une désunion prononcée de ses fils et filles. Même si la formation d’une telle mouture gouvernementale pourrait ne pas représenter d’emblée la panacée, la situation du pays commande de n’écarter aucune piste de sortie de crise. C’est l’éventualité d’un gouvernement d’exclusion qu’il faut plutôt redouter en RCA. C’est pourquoi le refus de la Séléka de prendre part au gouvernement en gestation peut être perçu comme une menace grave pour la cohésion nationale au pays de Barthélémy Boganda.
On a l’impression que les intérêts de la nation passent après les intérêts des individus
Dans l’intérêt supérieur du pays, ce parti doit, dans l’urgence, revoir sa copie pour donner une ultime chance à la paix. En tous les cas, les différents protagonistes de la crise centrafricaine ne doivent pas perdre de vue l’esprit de la feuille de route élaborée par les accords de Brazaville dont le maître-mot est la paix dans le cadre d’un Etat unitaire. De ce point de vue, l’on peut déjà se féliciter des négociations actuelles entre la Séléka et les anti-balaka, si tant est leur souci de fumer le calumet de la paix. Vivement alors que cette initiative permette aux Centrafricains de transcender les clivages communautaires et leurs ego pour se rassembler autour de l’essentiel, c’est-à-dire l’intérêt supérieur du pays. Cela dit, même dans l’hypothèse où tous les acteurs politiques seraient partants pour un gouvernement inclusif, l’on peut craindre que la répartition des portefeuilles ministériels ne constitue pour le nouveau Premier ministre, une véritable alchimie dont la mauvaise gestion pourrait donner le coup de grâce à un pays qui est déjà grabataire. Il va donc falloir dans la formation d’un éventuel gouvernement inclusif, que les Centrafricains privilégient le fond à la forme. Cela passe par un dépassement de soi et un patriotisme sans faille pour éviter de jeter le bébé avec l’eau du bain. Mais, il faut avouer que cela ne sera pas chose aisée en RCA, puisque dans ce pays, l’on a l’impression que les intérêts supérieurs de la nation passent très loin après les intérêts des individus et que la chose la plus partagée est la mauvaise foi des acteurs politiques. C’est pourquoi l’on a envie de dire à Catherine Samba-Panza de nouer davantage le pagne, puisque ses compatriotes dorment sur le même lit mais sont loin d’avoir le même rêve : la Centrafrique d’abord.
Pousdem PICKOU