HomeA la uneFORMATION DU NOUVEAU GOUVERNEMENT GABONAIS : Du menu fretin a mordu à l’hameçon de Bongo

FORMATION DU NOUVEAU GOUVERNEMENT GABONAIS : Du menu fretin a mordu à l’hameçon de Bongo


 

La composition du gouvernement gabonais a été rendue publique dans la nuit du dimanche 02 au lundi 03 octobre 2016, comme l’avait prévu le Premier ministre Emmanuel Issoze Ngondet. Fort de quarante membres, ce gouvernement compte en son sein, douze femmes. Le moins qu’on puisse dire, c’est que les opposants les plus en vue ont manqué à l’appel du chef du gouvernement, ce qui n’est d’ailleurs pas une surprise au regard des positions tranchées des uns et des autres. Ali Bongo et les siens peuvent certes se satisfaire du menu fretin qui a mordu à leur hameçon, mais ils ne devraient pas pavoiser outre mesure si tant est que leur objectif fût de rassembler toutes les sensibilités politiques que compte l’échiquier politique gabonais. On se doutait bien que des prétendus opposants comme Bruno Ben Moubamba, Estelle Ondo, allaient « se faire ânes pour avoir du foin », en ralliant le camp du vainqueur ou plutôt du plus fort, mais le challenge pour « Ali Baba et ses 40 voleurs » était de ratisser encore plus large, notamment dans les rangs des irréductibles comme Jean Ping et ses fidèles lieutenants.

Il en faudrait plus pour réconcilier les Gabonais après la déchirure post-électorale

Au regard de la liste des membres de l’Exécutif, publiée tard dans la nuit de dimanche à lundi, l’on ne peut pas dire  que l’ouverture tant prônée par le pouvoir, a été à la hauteur des promesses faites, car ceux qui refusent toujours de se laisser chiper leur victoire, n’entendent, pour rien au monde, pas franchir la porte de la compromission en allant à la table de la mangeoire dressée dans le somptueux palais du bord de mer. Les quelques technocrates et membres de la société civile ainsi que les opposants de moindre envergure comme Biendi Maganga Moussavou, fils de Pierre Claver du parti social-démocrate qui ont été pour ainsi dire appelés à la rescousse pour former ce premier gouvernement du deuxième septennat de Bongo fils, sont loin d’être représentatifs des nombreux électeurs qui ont voté pour Jean Ping, et il en faudrait plus pour réconcilier les Gabonais après la déchirure post-électorale. Le hold-up dans le Haut-Ogooué, perpétré par le parti au pouvoir et les morts enregistrés suite aux manifestations qui s’en sont suivi, sont encore si présents dans les mémoires qu’il faut une véritable introspection pour exorciser le mal qui guette le Gabon, notamment celui du régionalisme et de la haine ethnique. La sortie de la procureure de la Cour pénale internationale, Fatou Bensouda, relative à la création d’une commission d’enquête suite aux tueries qui ont été commises récemment à Libreville et à Port-gentil, pourrait aider à limiter la casse, chaque acteur étant conscient qu’il pourrait se retrouver dans les geôles de La Haye pour les crimes dont il se sera rendu coupable. Le camp du président Ali Bongo et celui de Jean Ping ont tous souhaité la mise en place de cette commission, ce qui suppose que chacun veut faire preuve  de retenue dans la gestion de la crise. C’est tant mieux pour le Gabon, même si la démocratie, dans ce pays, reste une chimère, comme l’ont démontré non seulement les résultats fabriqués pour les besoins de la cause dans la province d’origine du président, mais aussi les nombreuses écoutes téléphoniques et les menaces à l’endroit des observateurs de l’Union européenne  qui ont été révélées par un journal français et qui font des gorges chaudes aussi bien à Libreville qu’à Bruxelles.

Le retard accusé dans la publication de la liste des membres du gouvernement, est un signe que sa formation a été laborieuse

Mais puisque le vin de la tricherie électorale est tiré, il ne reste plus qu’à le boire afin de préserver la vie de nombreux Gabonais et l’unité du pays, comme semblent le dire ceux qui se réclament de l’opposition ou de la société civile et qui sont allés à la queue-leu leu dans le gouvernement. Espérons que le président Ali Bongo a, comme il l’a du reste dit dans son discours d’investiture, pris toute la mesure de l’immense défi qui est celui de réconcilier les Gabonais. Le moins qu’on puisse dire, c’est que ce n’est pas gagné d’avance, et il suffit pour se convaincre de l’ampleur de la crise de confiance entre le président et une bonne partie de son peuple, de se rappeler les réactions désabusées des milliers de ses compatriotes avant, pendant et après le déroulement du scrutin présidentiel. Le retard accusé dans la publication de la liste des membres du gouvernement, est un signe que sa formation a été laborieuse et surtout, que le plus dur reste à venir. Du reste, on pourrait, au sujet de ce gouvernement, dire que l’éléphant annoncé est arrivé avec un pied cassé, étant donné que le pouvoir lui –même a reconnu  la nécessité de poursuivre les concertations afin d’aboutir à une plus large ouverture de l’Exécutif. Le président usurpateur compte sur le temps, l’autre nom de Dieu, pour panser les plaies et pour réfléchir aux nouvelles stratégies à mettre en place pour rempiler au terme du mandat actuel. Pendant ce temps, ceux qui refuseront de rentrer dans les rangs seront contraints au silence ou à l’exil, pour ne pas gêner la bonne marche de la forfaiture. Heureusement qu’il n’y a pas que le cas gabonais en Afrique et que le continent noir peut se consoler avec le Cap vert, ce « malembé-malembé » de la démocratie qui a organisé dans le calme et dans le respect des règles, sa présidentielle le dimanche 02 octobre dernier. Il n’y aura ici ni trucage à ciel ouvert de résultats, ni contestation violente, encore moins de crise postélectorale, et c’est tout à l’honneur de la classe politique cap-verdienne qui a bien assimilé la notion de démocratie, en théorie comme en pratique.

« Le pays »


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