FORUM DE BANGUI : La RCA à la croisée des chemins
Est-ce le forum de la dernière chance pour la République centrafricaine (RCA) ? La question vaut la peine d’être posée, tant les remèdes administrés jusque-là à ce grand malade n’ont pas produit les effets escomptés. Il faut, en tout cas, espérer que les quelque 600 délégués réunis à Bangui, trouvent enfin la panacée pour venir à bout de la violence chronique et de l’insécurité qui règnent dans ce pays. Les participants à ce forum ont la lourde responsabilité de tracer les sillons d’un avenir meilleur pour le pays. Et cet avenir, comme on le sait, commence par un retour définitif à la paix. Bien plus que le débat sur le nombre de représentants de chaque sensibilité à cette grand’messe, c’est la qualité de la contribution de chacun qui importe. Surtout sa volonté réelle de mener des débats constructifs. Il est déjà heureux de constater que ce forum a réussi la prouesse d’être inclusif, tous les principaux protagonistes ayant été représentés. Même les enfants terribles de la République que sont François Bozizé et son tombeur, Michel Djotodia, n’ont pas été oubliés.
Il est grand temps que les choses changent dans le bon sens
Cette inclusion est un atout non négligeable pour peu que chaque acteur joue franc jeu. Ce forum a l’avantage de réunir plus de composantes que celui qui a abouti à la conclusion de l’Accord de Brazzaville. Il évite aussi le piège de l’Accord de Nairobi où c’était seulement Bozizé et Djotodia qui étaient à la manœuvre. Avec cette grande représentativité, ce forum part avec des préjugés favorables. Les décisions qui en sortiraient, devraient avoir plus de chances d’être mises en œuvre, de produire des résultats sur le terrain dans le sens du retour à la paix. Ce forum qui devrait du reste, discuter de la mise en œuvre de l’Accord de Brazzaville, cristallise bien des espoirs. Cela est fort compréhensible parce que les Centrafricains sont visiblement fatigués de toutes ces violences. La RCA, ce pays martyrisé depuis son accession à l’indépendance, est à la croisée des chemins. Il est grand temps que les choses changent dans le bon sens. La paix doit devenir la norme dans ce pays. Et cela est de la responsabilité de tous les Centrafricains.
Les défis sont énormes. Les urgences aussi. Mais comme le dit l’adage, « qui trop embrasse mal étreint ». Il faudra éviter de vouloir régler tous les problèmes de la RCA au cours de cette semaine. Ce serait utopique de croire que cela est possible. Dans la vie d’un individu comme de celle d’une nation, il y a des choses qui ne se font pas en un jour ni en un an. Surtout pour un pays meurtri par tant de haine et de violence. Mais, ce forum devra montrer la voie, à commencer par l’arrêt définitif des violences. Le reste des problèmes du pays pourrait ensuite être abordé par les équipes qui sortiront des urnes, à commencer par celle qui s’installera à la fin de la période de transition. En d’autres termes, ce forum de Bangui doit marquer le début d’un long processus. Celui de la renaissance du pays.
C’est dire toute l’importance de ce forum. Les Centrafricains ont une occasion en or pour remettre leur pays sur de bons rails. Cela passe par des échanges francs et sincères. Ils doivent tenir entre eux, un langage de vérité. Car, faut-il le rappeler, la vérité est indispensable à la réconciliation.
Il y a lieu de prendre des dispositions pour rendre les acteurs collectivement et individuellement responsables des actions à mener
Parmi les participants à ce forum, il y en a qui ont des choses à se reprocher. Il faut espérer qu’ils fassent vraiment amende honorable. Il faudra surtout éviter de vouloir escamoter les choses. Si la vérité n’est pas dite et la justice faite dans les règles de l’art, ce sera une prime à l’impunité. Et les effets pervers d’une réconciliation de façade seront nocifs en ce sens que cela ne sera pas de nature à apaiser vraiment les cœurs, à cicatriser les blessures et à ramener une paix véritable dans le pays.
Les participants au forum de Bangui auront, en plus de plancher sur les questions de désarmement, de démobilisation et de réinsertion des combattants, à évoquer le sujet de la future armée centrafricaine. Il est notoire que la RCA n’a plus d’armée républicaine digne de ce nom, les groupuscules armés, notamment les éléments de la Séléka et les anti-balaka, faisant la pluie et le beau temps dans le pays. Il faudra donc reconstruire une armée nationale sur les cendres de ces groupes armés. En plus de l’armée, la justice est l’un des secteurs les plus touchés par la déliquescence qui gagne les institutions. Il faudra œuvrer à redresser ce pilier également. Car, aucune démocratie solide ne peut tenir la route sans une justice forte, indépendante et crédible.
Il faudra ainsi mettre un peu plus l’accent sur les urgences de premier ordre, sur les questions les plus brûlantes de l’heure. Les uns et les autres doivent, de ce fait, prendre des engagements importants lors de ce forum, dans le sens d’un retour définitif de la paix dans le pays. Et il faut que ces engagements soient assortis d’obligation d’exécution. Car, comme on le sait, une chose est de prendre un engagement, une autre est de le respecter. Il y a lieu, de ce fait, de prendre des dispositions pour rendre les acteurs collectivement, mais aussi et surtout, individuellement, responsables des actions à mener pour ce retour à la paix. La mise en œuvre de ces actions urgentes devra se faire suivant un calendrier clair, précis, réaliste et réalisable. Il serait également judicieux qu’un mécanisme indépendant de suivi-évaluation de la mise en œuvre des engagements issus de ce forum, disposant de pouvoirs de coercition au besoin, soit mis en place. Ce mécanisme, s’il venait à voir le jour, devrait avoir pour rôle d’apprécier l’état et la qualité de la mise en œuvre des recommandations et engagements pris lors de ce forum, de situer clairement les responsabilités au cas où il y aurait quelque blocage que ce soit et d’opérer les recadrages nécessaires. C’est en responsabilisant ainsi chaque protagoniste et en assortissant de sanctions la mise en œuvre des accords éventuels qui en sortiraient, que les Centrafricains travailleront à éviter que ce forum national soit une rencontre de plus, une simple foire.
« Le Pays »