HomeA la uneFRERE SOULEYMANE RAPHAEL KI : « L’islam et le christianisme sont des chemins différents, mais tous conduisent à Dieu »

FRERE SOULEYMANE RAPHAEL KI : « L’islam et le christianisme sont des chemins différents, mais tous conduisent à Dieu »


Après  18 ans de vie musulmane, il s’est converti au christianisme. Mieux, depuis le 9 juillet dernier, il a été ordonné prêtre à Dédougou. Lui, c’est le frère Souleymane Raphaël Ki, de la Congrégation des Rédemptoristes. A travers l’interview qu’il a bien voulu nous accorder, ce jeune prêtre retrace le chemin parcouru, d’abord pour sa conversion au christianisme, ensuite pour devenir prêtre. Il a été ordonné prêtre le 9 juillet 2016. Il est né d’une famille musulmane.

Lisez plutôt.     

 

Durant combien de temps avez-vous été musulman?

 

J’ai été musulman durant 18 ans et au cours de ces années, j’ai essayé d’étudier le Coran. Je l’ai récité durant 4 ans.  Après cela, et comme on le dit, on tue un mouton pour signifier le sacrifice pour cette bravoure. Chose qui a été faite et je devais commencer l’interprétation du Coran. C’est à ce moment que je me suis converti au christianisme en 1986, à Biba, dans la province du Nayala.    

 

Comment s’est opérée votre mutation de l’islam à la chrétienté?

 

Ce qui m’a encouragé d’abord, c’est qu’en récitant le Coran, je ne comprenais pas grand-chose.  L’interprétation aussi était un peu compliquée. Mais ce qui a vraiment motivé ma conversion, c’est que quand les missionnaires sont arrivés à Biba (Ndlr son village natal), ils ont été accueillis par mes parents qui sont de la famille royale,  en 1913. Et  ont construit  la maison du catéchiste qui était dans la cour royale. A mon jeune âge, je fréquentais le catéchiste et en tant que musulman, je lisais facilement la Bible parce qu’elle est écrite en français courant. Je la comprenais et  voyais que c’était facile de comprendre Dieu qui se manifeste dans la langue française qui est facile. « Dieu d’amour, Dieu de lumière, Dieu qui pardonne, Dieu qui accompagne, qui accueille ». Ces paroles-là m’ont aidé facilement à pouvoir me convertir au christianisme.  

 

Sous quelle devise placez-vous votre ministère?

 

Ma devise sacerdotale  c’est : «Soyez joyeux dans l’espérance, patient dans l’épreuve, persévérant dans la prière »

 

Que retenez-vous de votre expérience de musulman?

 

Je ne peux pas rejeter mon expérience de musulman. Je crois que c’est un plus, une base parce qu’en toute religion, on trouve  Dieu car il est source de toute religion. 

 

Cette expérience musulmane m’aidera à pouvoir collaborer avec d’autres religions, en particulier la religion musulmane

 

Maintenant, ça dépend des hommes qui la pratiquent. Pour moi, cette expérience musulmane vient encore m’aider à approfondir ma vie chrétienne. Cela, parce que j’aurai à rencontrer des musulmans dans ma mission, dans ma pastorale.  Je crois que cette expérience musulmane m’aidera à pouvoir collaborer avec d’autres religions, en particulier la religion musulmane. 

 

Aujourd’hui, quelle différence faites-vous entre l’islam et le christianisme ?

 

L’islam parle de Dieu unique et le christianisme d’un Dieu unique mais trinitaire.  Parce que le Dieu des chrétiens s’est manifesté, il a pris la condition humaine en Jésus-Christ et en lui, il a été conçu par l’Esprit Saint, Dieu lui-même.  Donc, je ne peux pas parler d’une différence entre l’Islam et le christianisme. Si je tente d’en parler, la différence est nette! L’Islam parle d’un Dieu unique qui n’a pas d’intermédiaire tandis que chez nous les chrétiens, on parle d’un Dieu unique et trinitaire.  Dieu père, Dieu Fils et Dieu Esprit Saint parce que Dieu s’est fait proche de l’Homme en se faisant un d’entre les Hommes qui est Jésus-Christ.      

 

Que recherchez-vous dans la religion chrétienne que vous n’ayez pas eu dans l’islam?

 

Chercher ce que je n’ai pas eu dans l’Islam, c’est trop dire parce que la foi est un don de Dieu.  C’est Dieu qui appelle, c’est Dieu qui oriente et c’est  Dieu qui donne ses grâces. Comme je l’ai dit au départ, ma motivation est que la religion chrétienne ou la vie chrétienne est une vie qui s’est manifestée en Jésus-Christ.  Pour moi, il y a une sensibilité de compréhension de la parole écrite en français et dans les différentes langues tandis que l’islam, pour le moment, ne permet pas que le Coran soit traduit dans les autres langues.  La Bible a été traduite dans les autres langues et cela  facilite sa compréhension. C’est cette facilité de compréhension de la parole de Dieu qui  me motive aujourd’hui et qui m’a motivé dès le départ jusqu’à nos jours.

 

Comment s’est déroulée votre formation de prêtre ?

 

D’abord, notre congrégation a deux poumons. Il y en a qui sont religieux-Frère et religieux-Prêtre, mais ils ont la même mission dans la congrégation.  Moi j’avais opté d’être frère parce que j’aime être auprès des gens, j’aime la formation, l’éducation. Durant dix ans, j’étais frère et après, j’ai décidé de continuer la formation de théologie pour devenir prêtre. J’en ai fait la demande en 2011 et  j’ai commencé la formation en théologie.  J’ai été au grand séminaire Saint Jean-Baptiste de Wayalgin à Ouagadougou.   La première année en 2011-2012 et la deuxième année, en 2012-2013, puis 2013-2014 d’où j’ai  effectué mon stage pastoral à Bouaké (République de Côte d’Ivoire) pour la 3e année de théologie en 2014-2015, la quatrième année de théologie en 2015-2016 avant d’être ordonné prêtre.           

 

Etiez-vous marié quand vous étiez musulman ?

 

Non ! Si j’étais marié, je ne serais pas aujourd’hui religieux !  Parce que l’église romaine n’a pas encore permis le mariage à ceux qui veulent devenir prêtres.  Mais il y a d’autres églises qui dépendent de l’église catholique romaine, qui l’autorisent. Mais dans ce cas, on le demande au début, avant d’être diacre.  Si on se marie, on devient prêtre mais on ne peut pas être évêque parce que les évêques sont choisis toujours parmi les non mariés. D’ailleurs, même si l’église catholique permettait le mariage des prêtres,  les religieux que nous sommes, nous avons fait les trois vœux à savoir, les vœux de pauvreté, de chasteté et d’obéissance.  Nous avons choisi d’être célibataires.   

 

Quel peut être l’apport des religions dans la lutte contre le terrorisme?

 

Concernant le terrorisme, je pense qu’il faut d’abord arriver à semer  autour de nous, que nous soyons à Ouagadougou, à Bobo-Dioulasso ou en France, l’amour du prochain.

 

« S’il y a le terrorisme aujourd’hui dans le monde,  c’est parce qu’il y a des injustices »

 

Il faut qu’il y ait l’égalité, la justice, l’amour du prochain, mais aussi l’écoute. S’il y a le terrorisme aujourd’hui dans le monde,  c’est parce qu’il y a des injustices et tant qu’il en aura, les gens prendront les armes pour se défendre.  Si les grands veulent utiliser les petits ou s’ils veulent manger seuls,  les petits ne pourront que se révolter.  Je crois qu’en prônant la justice et l’amour du prochain, nous parviendrons à nous entendre. On devrait aussi se poser les questions suivantes : pourquoi le terrorisme ? Comment est-il né ? Si on se pose ces questions, on pourra combattre le terrorisme.  

 

Quelle a été la réaction de vos parents?

 

La réaction des parents s’est située à deux niveaux.  Sur le plan spirituel, ils n’étaient pas d’accord car, pour eux, c’était une honte.  Ils l’ont manifesté en 1986, quand j’ai demandé à devenir chrétien. Ma famille nucléaire (le papa) était d’accord. Ce sont plutôt les oncles paternels qui n’y étaient pas favorables parce qu’ils sont au cœur même de l’islam dans mon village. Ils ont estimé que je leur faisais honte. Par contre, sur le plan honneur, ils étaient fiers de voir leur fils ordonné prêtre. Les gens sont contents qu’on leur dise: « félicitation, votre fils est devenu ceci… » Donc, sur ce plan, il n’y a pas eu de difficulté, parce que c’était un honneur pour eux, de voir leur fils devenir prêtre. C’est une gloire pour eux vu le monde qui était à Dédougou lors de  mon ordination et à Biba. Il y avait à manger et à boire et tout le monde était content. Les gens disent que les prêtres d’aujourd’hui ont de l’argent, des biens, or ils se font des illusions.  Donc, pour eux, leur fils étant devenu prêtre, il va leur apporter du matériel, d’où leur joie. (Pour eux, le prêtre est un fonctionnaire). Mais sur le plan spirituel, ils ne sont pas d’accord.

 

Quelles sont, selon vous, les menaces qui pèsent sur le dialogue inter-religieux?

 

De mon point de vue, il n’y a pas de menaces. Je pense que chacun est convaincu de sa foi.  C’est lorsqu’on touche à la foi de l’autre qu’il y a une menace et c’est normal. Quand on prend les chrétiens catholiques, nous disons que Jésus est né de la Vierge Marie et conçu de l’Esprit-Saint et nous parlons de la Trinité, c’est-à-dire, trois personnes en un seul Dieu. Si aujourd’hui, des gens disent : « nous ne sommes pas d’accord avec cette prophétie », alors les chrétiens ne seront pas d’accord. Et c’est pareil pour les musulmans. S’ils disent: «  Mohamed est notre prophète, c’est le Dieu unique », nous n’oserons pas dire que Mohamed n’est pas leur prophète. Donc, je crois que les menaces, c’est lorsqu’on touche au nœud même, aux  différents niveaux de la foi, que les gens se révoltent. Le nœud de la foi chez nous, c’est le « Credo », les dogmes…  Si vous touchez à cela, les gens ne seront pas d’accord.  Chez les musulmans, c’est le seul Dieu à ne pas toucher ! Il n’y a pas d’intermédiaire.   

 

Est-ce que votre nouvelle religion correspond à l’idée que vous vous en faisiez?

 

Nouvelle religion c’est trop dire, on peut le dire autrement. Ma foi actuelle est dans la vie chrétienne.  Effectivement, je suis à l’aise et c’est ce qui fait que j’en suis là aujourd’hui. 

 

Encourager les musulmans, les chrétiens, et les religions traditionnelles à la collaboration

 

Si vous avez vu comment j’ai évolué, la manière dont je vous ai expliqué ma motivation, je crois que je suis à l’aise pour répondre à mes attentes, pour  répondre à ma foi et je suis à l’aise avec ce choix.

 

Qu’avez-vous d’autre à ajouter?

 

D’abord, je m’adresse à tout le monde en disant que chacun doit prendre conscience. Les musulmans doivent prendre conscience dans la religion musulmane. Ceux qui sont de la religion traditionnelle, doivent prendre conscience de leur état de tradition, les chrétiens doivent aussi prendre conscience de leur foi chrétienne et la vivre à fond dans l’amour.  Si chacun vit sa foi dans l’amour en se disant qu’il y a un Maître Suprême qui le Guide et que cet Etre Suprême doit l’amener à vivre dans la charité, dans la fraternité, dans l’amour et pour la cohésion sociale et la cohésion des religions, la paix reviendra au Burkina et dans le monde entier. La deuxième chose, c’est d’encourager les musulmans, les chrétiens, et les religions traditionnelles à la collaboration.  Si je suis devenu aujourd’hui religieux prêtre, cela ne veut pas dire que je déteste les musulmans. Non ! Par conséquent, ils devaient être fiers en disant : « Le frère Souleymane Raphaël qui était musulman, est devenu chrétien.  Nous allons nous aider les uns les autres pour grandir dans la foi en Dieu unique comme chez les musulmans, Dieu père Trine chez les chrétiens. Ensemble, construisons la cohésion sociale pour que demain, nous gagnions tous le salut ». La troisième chose, c’est de dire aux chrétiens que quand un musulman devient chrétien, cela devrait être pour eux une joie.  Et pour cela, ils devraient vivre à fond leur vie chrétienne parce que je ne suis pas le seul musulman à devenir chrétien.  Les chrétiens devaient être fiers et dire qu’il y a quelque chose de profond dans cette religion. Ils ne doivent pas banaliser ou prendre à la légère cette foi chrétienne.  Je les encourage à la vivre à fond, à se donner totalement pour que leur engagement puisse amener toujours les gens à devenir chrétiens, pour la construction et la cohésion sociale. Car, il faut travailler à « gagner » Dieu, après le monde terrestre.

 

Propos recueillis par Arnaud Lassina LOUGUE (Correspondant) (« Le Pays » avec la collaboration de Afronline)

 

 

 


Comments
  • Merci Seigneur de nous faire connaître l’Abbé LOUGUÉ à travers cet article. Je trouve cet Article vraiment extraordinaire parce qu’il fait avancé notre foi en DIEU qu’on soit Musulman ou Chrétien.

    Que Le Seigneur Dieu Protège notre pays contre les groupes terroristes. Amen!

    22 juillet 2016

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