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GUERRE CIVILE EN ETHIOPIE


En 2019, il était  récipiendaire du prix Nobel de la paix. Et à  cette occasion, il qualifiait la guerre « d’incarnation de l’enfer ».  En 2020, et plus précisément depuis le 3 novembre dernier, il mobilise ses soldats pour mater la sécession dans la région du Tigré. Abiy Ahmed, puisque c’est de  lui qu’il s’agit, à son corps défendant peut-on-dire, est passé de la posture de colombe à celle de faucon et cela,  en un an. En tout cas pour lui, la guerre est la seule option pour faire plier la bande à Debretsion Gebremichael. C’est pourquoi toute idée de négocier avec les forces sécessionnistes le démange au plus haut point. Et revoilà l’Ethiopie en guerre. Cette fois-ci, ce n’est pas contre l’ennemi historique, l’Erythrée, mais contre le Tigré avec à sa tête, le Front de libération du peuple du Tigré (TPLF). Déjà, des milliers de réfugiés éthiopiens se retrouvent au Soudan. La situation est si préoccupante que l’ONU  (Organisation des Nations Unies) craint des exactions et des risques très élevés de crimes de guerre au Tigré. Et la situation pourrait aller de mal en pis. Car, le conflit a touché maintenant l’Erythrée voisine. La capitale Asmara a été  particulièrement visée par des roquettes tirées depuis le Tigré. Les sécessionnistes voudraient donc provoquer Asmara qu’ils ne s’y prendraient pas autrement.

 

Cet homme avait de grandes ambitions pour l’Ethiopie et pour l’Afrique

 

Et quand on connaît l’animosité historique qui existe entre le Tigré et l’Erythrée, on peut craindre des actes de représailles de la part d’Asmara. En réalité, les ingrédients d’une guerre dans la guerre sont en train d’être réunis. L’on est en présence, en effet, d’une part d’une guerre entre le pouvoir central éthiopien contre la région dissidente du Tigré et d’autre part, d’une guerre qui  se dessine entre le Tigré et l’Erythrée. Et par le jeu des alliances, il faudrait un miracle pour éviter l’embrasement de toute la Corne de l’Afrique. Un tel scénario-catastrophe, à n’en pas douter, serait pain bénit pour les Shebab somaliens. Déjà,  ces derniers sont en train de faire mal en Somalie et de temps en temps, ils endeuillent le Kenya. Et si le capharnaüm s’installe en Ethiopie et en Erythrée comme le laissent présager les bruits de bottes dans la région éthiopienne séparatiste du Tigré, le cœur de l’Afrique, puisque Addis-Abeba est la capitale du continent noir, risque de saigner pour longtemps. Et franchement dit, le pays de Haïlé Selassié ne mérite pas ça. Cet homme, en effet, avait de grandes ambitions pour l’Ethiopie et pour l’Afrique. Bien sûr, son règne a  eu des ratés mais dans l’ensemble, il avait œuvré pour la grandeur et la liberté de son pays. Cet élan avait été brisé en 1974 par le Tyran rouge,  Mengistu Haïlé Mariam. A la  chute de ce dernier en 1991, les Tigréens se sont emparés des manettes du pouvoir en Ethiopie. Et Melès Zénawi, puis Haïlé Mariam Dessalegn ont notamment placé l’Ethiopie sur la voie de l’émergence. Certes, ils n’étaient pas de bons exemples en matière de démocratie mais au  plan économique, ils ont réalisé des prouesses au point que l’Ethiopie s’est débarrassée de son image de pays qui incarnait la misère pour se muer en une puissance à l’échelle du continent noir. Cette guerre, malheureusement, risque de faire descendre l’Ethiopie de ce piédestal pour être logée au rang des « pays de merde » où les guerres rythment le quotidien des populations.

 

Les Ethiopiens n’ont pas encore réussi à construire l’Etat-nation

 

C’est pourquoi tout doit être mis en œuvre pour arrêter une éventuelle  descente aux enfers du deuxième pays le plus peuplé d’Afrique et dont les avancées au plan économique, séduisent l’Afrique et même au-delà. Et l’actuel Premier ministre, Abiy Ahmed, avait, cerise sur le gâteau, entrepris de mener, de concert, croissance économique et respect des droits humains. En outre, il avait réussi à pacifier les relations de son pays avec notamment le voisin érythréen. Le prix Nobel de la paix dont il a été lauréat en 2019, a été la preuve que l’Ethiopie avait tourné  la page des hommes forts et des dictateurs. Cette guerre révèle une chose : les Ethiopiens n’ont pas encore réussi à construire l’Etat-nation. Et ce défi se pose pratiquement à l’ensemble des pays africains. C’est ce mal, peut-on dire, qui peut expliquer, entre autres, bien des guerres civiles qui ont meurtri beaucoup de pays africains. Car, ce qui importe en Afrique, c’est d’abord la tribu et l’ethnie. Dans ces conditions, il est pratiquement impossible de bâtir des pays viables, qui imposent le respect  des autres. Et ce qui se passe actuellement en Ethiopie, en est la parfaite illustration. Dans ce pays, en effet, on pense et respire d’abord Amhara ou Oromo ou encore Tigréen. C’est cette triste réalité qui fait que l’Ethiopie est une véritable poudrière ethnique.  Et à la moindre étincelle, elle peut exploser. Il ne faut donc pas se voiler la face. Tant que les questions tribales et ethniques ne seront pas résolues de façon consensuelle et responsable, aucun développement durable et viable ne peut être envisagé dans ce pays. Et ce n’est pas demain la veille que cela va se réaliser, tant les partisans « du diviser pour régner » sont nombreux en Ethiopie. Et au-delà de ce pays, ils sont certainement une foultitude de gens qui voient d’un très mauvais œil, une Ethiopie véritablement unie et réconciliée avec elle-même.

 

« Le Pays »

 


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