GUERRE HAMAS-ISRAEL : Quelle place pour l’humanité ?
Face à son isolement grandissant sur la scène internationale en raison de la guerre meurtrière qu’il mène contre le Hamas dans les territoires palestiniens, l’Etat hébreu tente de briser le cercle. C’est ainsi que pendant deux jours, des organisations pro-israéliennes ont organisé leur premier sommet parlementaire à Addis-Abeba avec pour objectif clairement affiché de contrebalancer une opinion publique africaine largement pro-palestinienne. Et pour y parvenir, les soutiens à la cause israélienne entendent « rééquilibrer le récit » pour remporter la « guerre juridique » menée contre Israël via les résolutions des Nations unies et la Cour internationale de la Justice (CIJ). Avant de revenir sur les chances de succès de cette contre-offensive des lobbies pro-israéliens, l’on peut se poser la question suivante : pourquoi le choix de Addis-Abeba comme terre d’accueil de ce premier sommet ? Sans nul doute que les organisateurs du sommet ont voulu faire dans le symbole en faisant appel à l’histoire et au statut panafricain de la capitale éthiopienne. L’on sait, en effet, que l’Ethiopie est la plus juive des nations africaines.
Addis-Abeba offre l’estrade la plus élevée pour s’adresser à tout le continent africain
Selon les traditions orales, le premier empereur de l’Ethiopie, Ménélik 1er, serait le fils du roi Salomon et de la reine de Saba et les Juifs éthiopiens encore appelés Beta Israël ou Falasha qui ont fait l’actualité en 1975 par leur reconnaissance officielle par Israël, seraient les accompagnateurs de ce prince légendaire. Même si, par la suite, l’histoire des Juifs éthiopiens avec l’Etat éthiopien est très peu reluisante, il n’en demeure pas moins qu’il est né un lien historique qui crée une certaine légitimité à faire de l’Ethiopie une base arrière du sionisme international et cela peut valoir son pesant d’or dans la contre-offensive lancée par les lobbies pro-israéliens. L’autre motif du choix d’Addis-Abeba est que la capitale éthiopienne est le siège de l’Union africaine (UA). La ville offre, de ce fait, l’estrade la plus élevée pour s’adresser à tout le continent africain. Les organisateurs du sommet d’Addis-Abeba ont donc voulu mettre de leurs côtés toutes les chances en usant de symboles forts pour s’adresser aux Africains. Mais cela est-il suffisant pour obtenir la sympathie de l’Afrique? L’on peut véritablement en douter et pour cause. D’abord, parce que l’Afrique est traditionnellement acquise à la cause palestinienne en raison des similitudes des parcours historiques. En effet, alors que l’Afrique colonisée luttait pour recouvrer son indépendance au sortir de la Seconde Guerre mondiale, la Palestine est aussi engagée dans le même combat. L’on comprend pourquoi, Yasser Arafat, le leader de l’Organisation pour la libération de la Palestine (OLP), était l’invité vedette des sommets de l’Organisation de l’unité africaine (OUA), l’ancêtre de l’UA. Même si, pour des raisons d’intérêts nationaux, certains pays africains entretiennent une importante coopération avec l’Etat hébreu, il n’en demeure pas moins que le cœur de nombreux Africains bat pour les Palestiniens.
Il est difficile que les organisations pro-israéliennes puissent rallier à leur cause de nombreux Africains
Ensuite, la contre-offensive lancée par les organisations pro-israéliennes a peu de chances de prospérer en Afrique parce que c’est précisément l’Afrique, sous le leadership de l’Afrique du Sud, qui mène la lutte diplomatique contre l’offensive israélienne dans les territoires palestiniens. C’est, en effet, la Nation arc-en-ciel qui accuse Israël de « génocide » et qui a saisi, à cet effet, la Cour internationale de Justice (CIJ). Et le moins que l’on puisse dire, c’est que la campagne sud-africaine porte ses fruits au regard des pays qui se joignent à cette plainte. Mais au-delà des Etats, ils sont nombreux les Africains qui, en raison de leur respect pour la vie qui est sacrée dans presque toutes les traditions africaines, sont révulsés par les tueries opérées par Tsahal contre les populations civiles palestiniennes. Le bilan tragique de l’offensive s’établit à 40 878 personnes tuées dont 14 000 enfants. Et, sans nul doute, le plus révoltant pour de nombreux Africains, c’est la complicité des Occidentaux qui, avec un équilibrisme coupable, dissimulent difficilement leur soutien à l’Etat et cela en dépit de toutes les théories sur l’humanisme et les droits humains dont ils se sont fait les chantres au point d’en imposer aux autres, y compris par la violence. Il est donc difficile, dans le contexte africain favorable aux discours anti-impérialistes et anti-occidentaux, que les organisations pro-israéliennes puissent rallier à leur cause de nombreux Africains. En tout état de cause, ce ne sont pas les discours tenus à Addis-Abeba, qui gagneront les cœurs de bien des Africains en faveur de l’Etat hébreu. Ils peuvent même être contreproductifs dans la mesure où ils peuvent être considérés comme des propos d’encouragement à Israël à persévérer dans la barbarie aveugle qui lui vaut toutes les pressions internationales actuelles. Ce sont plutôt toutes les initiatives allant dans le sens du règlement de conflit par le droit international qui préconise une solution à deux Etats, qu’attendent les Africains. Et c’est aussi sans nul doute les seules voies qui conduisent à la paix dans cette partie tourmentée du monde qu’est le Proche-Orient.
« Le Pays »