HomeA la uneGUINEE-BISSAU : Vers un bras de fer entre la CEDEAO et les nouveaux maîtres de Bissau ?  

GUINEE-BISSAU : Vers un bras de fer entre la CEDEAO et les nouveaux maîtres de Bissau ?  


Réunis en sommet ordinaire, le 14 décembre dernier, à Abuja au Nigeria, les chefs d’Etat de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), se sont penchés, entre autres sujets à l’ordre du jour, sur les crises politiques au Bénin et en Guinée-Bissau, deux pays membres qui ont récemment connu des coups d’Etat. Si au pays de Patrice Talon, la tentative de renversement de l’ordre constitutionnel, a finalement échoué, il en va autrement en Guinée-Bissau où il apparaît, de plus en plus, clairement que le président déchu, Umaro Cissoco Embalo, aujourd’hui réfugié à l’étranger, est l’instigateur de sa propre chute.

 

La CEDEAO marche d’autant plus sur des œufs qu’elle joue sa crédibilité dans ce dossier bissau-guinéen

 

Un plan machiavélique savamment orchestré et mis à exécution avec la complicité manifeste de ses tombeurs, et qui visait à éviter le camouflet d’une défaite  électorale d’autant plus mémorable que le général-président croyait s’être ouvert, en amont, un boulevard pour une réélection sans coup férir.  Seulement, voilà, pendant que l’ancien chef d’Etat cherche à se refaire une vie sous d’autres cieux, loin de son pays, ses tombeurs ont maille à partir avec l’organisation sous-régionale qui exige des délais plus brefs pour le rétablissement de l’ordre constitutionnel à Bissau, là où le général Horta N’Tam et ses camarades se donnaient un an pour le retour à la normale dans cette ancienne colonie portugaise d’Afrique de l’Ouest. La question qui se pose est de savoir si l’on se dirige vers un bras de fer entre la CEDEAO et les nouveaux maîtres de Bissau. La question est d’autant plus fondée que la problématique du délai de la transition, a souvent été l’objet de discorde et de tiraillements avec l’organisation communautaire décidée à jouer son rôle de vigie de la démocratie. Et tout porte à croire que ragaillardie par l’épisode du Bénin qui a permis de sauver in extremis le fauteuil de Patrice Talon, l’institution d’Abuja pense avoir trouvé, dans le cas bissau-guinéen, une autre occasion de redorer son blason et de rétablir son autorité en se montrant intransigeante avec les tombeurs d’Embalo. Mais une chose est, pour la CEDEAO, de vouloir faire montre de fermeté, une autre est de parvenir à imposer un calendrier de retour à la normale dans les délais voulus. Et avec l’expérience, la CEDEAO est bien placée pour savoir que cela est loin d’être gagné d’avance. Elle marche d’autant plus sur des œufs qu’elle joue sa crédibilité dans ce dossier bissau-guinéen qui pourrait très vite devenir un sujet de fortes crispations si les nouveaux maîtres de Bissau décident de ne pas se laisser conter fleurette et d’être les seuls maîtres de leur agenda.  Quoi qu’il en soit, c’est une patate chaude que laisse à ses tombeurs, l’ancien chef d’Etat en exil, que certaines sources localisent au Portugal après des tribulations africaines qui l’ont successivement conduit au Sénégal, au Congo Brazzaville et au Maroc.

 

L’arrestation au Portugal, d’un des fidèles lieutenants d’Embalo en possession d’une importante somme d’argent

 

Et comme un malheur, selon l’adage, ne vient jamais seul, c’est dans ce contexte que l’on apprend aussi l’arrestation, le 14 décembre dernier à Lisbonne au Portugal, d’un de ses fidèles lieutenants, en possession d’une importante somme d’argent en espèces.  Une situation aussi rocambolesque que suspecte, qui ne manque pas d’interroger. D’autant que, selon la presse portugaise, l’épouse du président déchu se trouvait à bord du même vol, même si, elle, n’a pas été inquiétée. Une coïncidence qui a d’autant plus de quoi renforcer les suspicions que le vol qui a rallié Bissau à la capitale portugaise le week-end dernier, était présenté comme une mission militaire alors que la réalité semble tout autre. En attendant que la Justice portugaise fasse la lumière sur ce dossier, plusieurs questions se posent. D’où vient cet argent et à qui appartient-il ? Pourquoi prendre autant de risques de voyager avec une telle somme d’argent alors que cela est interdit ? L’intéressé a-t-il agi pour son propre compte ? Ou bien, dans sa fuite précipitée, l’ancien président a-t-il quelque chose à voir avec ce pactole ? Bien malin qui saurait, pour l’instant, répondre à ces questions. Toujours est-il qu’au regard de la fausse mission à lui attribuée au vol, et de l’itinéraire de l’avion qui a transité par la capitale bissau-guinéenne avant de se rendre au Portugal, on peut se demander si ce ne sont pas les nouvelles autorités bissau-guinéennes qui sont à la manœuvre. Ou, à tout le moins, si elles ne savent pas quelque chose de ce vol et de cette mission aux contours flous.  En tout état de cause, toutes ces interrogations constituent autant de zones d’ombres qui tendent à accréditer la thèse de la collusion entre Embalo et ses tombeurs qui se retrouvent aujourd’hui dans le collimateur de la CEDEAO. Quelle en sera l’issue ? On attend de voir.

 

 « Le Pays »

 

 


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