GUTERRES EN RDC SUR FOND DE LUTTE CONTRE EBOLA ET L’INSECURITE : L’ONU ne peut pas tout faire !
Le Secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, a entamé le 31 août dernier, à Goma, une visite de trois jours en République démocratique du Congo (RDC). Le 1er septembre, le patron de l’ONU était à Béni. Le lendemain, c’est-à-dire, le 2 septembre, c’est Kinshasa, la capitale, qui a eu l’honneur de l’accueillir. L’on peut relever de prime abord que c’est sa première visite en RDC depuis qu’il a été porté à la tête des Nations unies. La RDC valait bien un détour. Et les raisons sont les suivantes. D’abord, la RDC accueille sur son sol un effectif impressionnant de Casques bleus. En effet, plus de 17 000 soldats de la paix y sont actuellement déployés. Dans l’histoire de l’institution, sauf omission ou oubli de notre part, aucun autre pays n’a reçu un appui de cette envergure. Ce fort contingent, à lui seul, suffit pour motiver le déplacement de leur premier responsable.
Une visite chargée de symboles et de sens
La deuxième raison qui est la cause d’ailleurs de la première, est liée à l’insécurité qui s’est emparée du pays depuis la fin du règne du dictateur Mobutu. La troisième et dernière raison est liée au ravage causé par le virus Ebola. En tout cas, les deux premières localités visitées, c’est-à-dire Goma et Béni, en disent long sur ce pour quoi Antonio Guterres s’est enfin décidé à effectuer une mission au pays de Lumumba. En effet, la première localité citée, Goma pour ne pas la nommer, est le symbole du martyr vécu par les populations civiles dans cette partie du pays, de la part de la kyrielle de groupes armés qui y sévissent. Le plus tristement célèbre d’entre eux, est sans doute les ADF. Ce groupe rebelle sévit au Nord-Kivu et sur le territoire de l’Ouganda au point que l’évocation de son seul nom, suffit pour installer la frayeur au sein des populations. Guterres avait donc une obligation morale d’aller voir la tragédie que vit la population dans cette localité meurtrie du pays.
Cette visite est davantage justifiée par la forte présence des Casques bleus dans cette province dont la mission première en ces lieux, est justement d’assurer la sécurité des populations. Ce n’est donc pas par hasard que Guterres dit entamer sa visite en RDC par la capitale du Nord-Kivu. Après Goma, c’est Béni, dans l’autre Kivu, qui l’a accueilli. Et là aussi, cette visite est chargée de symboles et de sens. En effet, cette localité souffre d’un double mal. A l’insécurité qui y a élu domicile depuis longtemps, est venue se greffer une autre tragédie aux conséquences qui dépassent l’entendement. En effet, Béni est l’épicentre de l’épidémie Ebola. Depuis fin juillet 2018, la terrible maladie y sévit. Treize mois après, le bilan est de 2015 morts pour 3017 cas recensés. Il s’agit de la deuxième épidémie la plus grave de l’histoire, après les 11 000 morts en Afrique de l’Ouest en 2014.
Guterres a mis cette étape de son séjour congolais à profit pour traduire la solidarité de la communauté internationale aux populations éprouvées du Sud-Kivu. L’un des temps forts de cette étape a été la visite qu’il a rendue au Centre de traitement d’Ebola (CTE) à Manginia, premier foyer de l’épidémie. C’est le lieu de saluer le courage du patron de l’ONU. En effet, depuis que l’épidémie s’est signalée dans cette partie du pays, peu de personnalités, à commencer par celles du pays, ont eu la témérité d’y aller pour constater de visu l’étendue du mal.
Tant qu’il n’y aura pas un sursaut patriotique, le pays ne pourra jamais vaincre les adversités qui se dressent devant lui
Chapeau bas donc à Guterres pour avoir osé mettre les pieds à Béni, la “pestiférée” ! Ce geste d’empathie marquera, à n’en pas douter, les esprits des populations pendant longtemps. Cela dit, l’on peut se poser la question de savoir si cette visite en RDC, peut contribuer véritablement à inverser les tendances. Au plan sanitaire d’abord, cette visite peut avoir des retombées positives. L’ONU, via l’OMS, peut mobiliser la communauté internationale en termes de ressources et de stratégies de riposte pour venir à bout de l’épidémie. L’OMS (Organisation mondiale de la Santé) a déjà préparé les esprits à cela en classant Ebola dans la catégorie « d’urgence mondiale ». Cela peut donner des arguments de poids à l’ONU pour amener la communauté internationale à cracher au bassinet de sorte à se donner les moyens scientifiques, matériels et humains pour contrer Ebola.
Au plan sécuritaire, l’ONU qui est déjà présente en RDC depuis plus d’une décennie, peut et doit mieux faire. On peut, en effet, se poser des questions par rapport à l’efficacité de la pléthore de Casques bleus actuellement déployés en RDC. Dans le passé, les Casques bleus avaient réussi l’exploit de neutraliser le M23, du nom de ce mouvement politico-militaire qui sévissait dans les deux Kivu. Le moins que l’on puisse dire, c’est que cette efficacité n’est pas au rendez-vous dans la lutte que l’ONU a engagée, aux côtés des forces armées congolaises, pour réduire la violence à l’Est du pays. Bref, ce que les Congolais et les Congolaises doivent retenir, c’est que l’ONU ne peut pas tout faire.
En effet, tant qu’il n’y aura pas un sursaut patriotique de leur part, le pays ne pourra jamais vaincre les adversités qui se dressent devant lui. Et ce nécessaire sursaut patriotique doit commencer d’abord par le sommet de l’Etat. C’est à ce niveau que l’on doit prendre la pleine mesure des défis qui se posent au pays et adopter une gouvernance susceptible de les relever. Sans jouer les Cassandre, l’on peut dire que le gouvernement de Félix Tshisékédi n’a pas le profil pour réussir un tel challenge, ce d’autant plus qu’en lieu et place d’un vrai changement, l’attelage Kabila/ Tshisékédi a mis en place une équipe de changement dans la continuité. En outre, il faut absolument que les populations opèrent un changement de mentalités par rapport à leur perception de l’épidémie. Bien d’entre elles sont actuellement dans le déni. En effet, à Béni comme ailleurs, de sérieuses résistances sont opposées aux équipes de santé engagées dans la lutte contre le virus. Enfin, la résolution du problème congolais passe par la stabilisation de l’ensemble de la région. L’ONU est donc invitée à intégrer cette donne dans ses efforts de résolution de l’équation congolaise.
« Le Pays »