IMPLANTATION D’UNE USINE DE TRANSFORMATION DE CACAO EN RCI : ADO montre la voie à suivre
C’est un peu l’histoire du cordonnier mal chaussé. Enfin, le paradoxe est en passe d’être réparé ! Premier producteur de cacao au monde, la Côte d’Ivoire ne produit pourtant quasiment pas de chocolat. Cela relève à présent du passé, avec l’inauguration, par Cémoi, un des géants du secteur cacao, de sa première usine de transformation de la fève sur le territoire ivoirien. Une première s’il en est, qui n’est pas sans davantage renforcer l’image et la respectabilité de la Côte d’Ivoire. L’usine a récemment été inaugurée par le président ivoirien Alassane Dramane Ouattara (ADO), dans la zone industrielle du quartier Yopougon à Abidjan. L’on mesure déjà la joie outre-tombe de celui dont il revendique l’héritage, à savoir son père spirituel et père de la nation ivoirienne, Félix Houphouët Boigny. Le « Vieux » avait pendant longtemps dénoncé la détérioration des termes de l’échange, véritable poison pour l’économie de son pays. Et ceux à qui il en voulait, à juste titre, étaient connus : les Occidentaux qui, hier comme aujourd’hui, continent à fixer à leur guise les prix des matières premières du continent. Un partenariat Nord-Sud gagnant-perdant dont les effets désastreux seront restés en travers de la gorge de Nana Boigny. Certes, l’arrivée de cette usine de transformation de cacao ne met pas fin à cette vieille injustice. Mais l’événement marque, à coup sûr, un tournant. Notamment parce que l’arrivée de l’usine limitera l’exportation de fèves brutes ou semi-transformées. Du reste, on s’attend par exemple à ce que les recettes d’exportation décuplent, une fois que le beurre de cacao aura été raffiné sur place avant d’être revendu à travers le monde. Certes, d’aucuns diraient que Cémoi est, après tout, une société française et servant donc, avant tout, les intérêts de l’Hexagone. Et que la préférence aurait été que cette petite révolution intervenue dans le secteur fût lancée et portée à bout de bras par des Ivoiriens. Ce qui aurait marqué une véritable rupture. Car, il est vrai, on a plutôt affaire à une entreprise française implantée depuis plus de deux décennies en RCI et qui aura créé l’événement pour s’être engagée dans la voie de la transformation du cacao sur place. Qu’à cela ne tienne, c’est déjà un bon début.
L’Afrique aurait, en partie, pu relever le défi de son développement si l’équation de la transformation locale de ses matières premières avait été résolue
L’initiative mérite d’être saluée à sa juste valeur. D’autant que cela n’arrive d’ailleurs pas tous les jours sous nos cieux. L’entreprise est d’autant plus louable qu’elle apportera certainement de la plus-value à l’économie ivoirienne, en termes notamment de création d’emplois et, ce faisant, de lutte contre le chômage. C’est pourquoi il faut souhaiter que l’exemple Cémoi fasse des émules, que d’autres géants du secteur du cacao comme de bien d’autres filières fortement dépendantes des puissances étrangères, suivent l’exemple. Gageons que d’autres pays africains emboîteront le pas à la Côte d’Ivoire, en l’occurrence le Niger dont le principal produit d’exportation, l’uranium, n’acquiert de valeur qu’après son traitement en Occident. C’est connu, une fois transformés, ces produits reviennent bien souvent en Afrique, là même où ils ont été prélevés à l’état de nature, où ils sont revendus à prix d’or. C’est malheureux. C’est triste de savoir que l’Afrique, ce continent gorgé de ressources, ce gigantesque grenier, ce gros réservoir de matières premières, n’est toujours pas en mesure de se donner les moyens de rompre sa dépendance avec l’Occident. Pourtant, elle aurait, en partie, pu relever le défi de son développement si l’équation de la transformation locale de ses matières premières avait été résolue. Il faudra bien qu’elle prenne sa destinée en mains, opère la rupture et acquiert sa souveraineté pleine et entière. Le salut du continent passera nécessairement par là.
« Le Pays »