INAUGURATION DE L’AMBASSADE AMERICAINE A JERUSALEM
Quelles conséquences pour l’Afrique ?
De la parole, le président américain, Donald Trump, est passé à l’acte. En effet, hier, 14 mai 2018, il a réalisé sa promesse de campagne, de transférer l’ambassade des Etats-Unis en Israël, de Tel Aviv à Jérusalem. Malgré la réprobation générale, Donald Trump a tenu, contre vents et marées, à mettre en œuvre cette loi votée en 1995 par le Congrès américain mais qui a sans cesse été repoussée par ses prédécesseurs en raison de la délicatesse de la question qui ne peut pas ne pas avoir d’influence sur le processus de paix israélo-palestinien. Là où Bill Clinton, Georges W. Bush et Barack Obama n’ont pas osé mettre le pied parce qu’ils savaient qu’ils marchaient sur des œufs, le grand blond de la Maison blanche n’a pas hésité à sauter pieds joints, pour tenir une promesse de campagne qui faisait déjà polémique.
Un autre pavé jeté dans la mare
En cela, l’on ne peut pas dire que Donald Trump manque de cran. Même quand ses décisions sont impopulaires, il met toujours un point d’honneur à les tenir, quitte à froisser au passage certaines convenances diplomatiques. On l’a vu avec son retrait de l’accord sur le climat, qui avait créé la consternation dans le monde. Récemment encore, c’est l’accord sur le nucléaire iranien qu’il froissait allègrement et jetait à la poubelle, au grand dam de nombreux pays. Et voici un autre pavé qu’il vient de jeter dans la mare, avec cette reconnaissance tacite de Jérusalem comme capitale d’Israël, malgré le tollé et la réprobation générale.
En le faisant, l’Amérique est certes dans son bon droit, et le président américain reste logique avec lui-même. Mais mesure-t-il seulement la portée de son acte qui pourrait mettre en péril la paix dans cette région ? Reste-t-il encore de l’empathie dans le cœur de cet homme qui n’était pas sans savoir que sa décision provoquerait de nouvelles tensions au Proche-Orient ? Donald Trump est-il un dirigeant responsable ? Cet homme a-t-il une pierre à la place du cœur ? Son cœur saigne-t-il à la vue de cette nouvelle tragédie ? Sans doute s’amuse-t-il à voir le sang des Palestiniens couler encore une fois. Quoi qu’il en soit, les dés sont jetés et depuis ce 14 mai, Jérusalem est officiellement reconnue par les Etats-Unis d’Amérique comme la capitale d’Israël. Pour une victoire diplomatique pour l’Etat hébreu, c’en est véritablement une sur son éternelle rivale, la Palestine, avec laquelle il se dispute depuis la nuit des temps, la ville sainte. Mais cette décision unilatérale du président américain, peut être lourde de conséquences pour la paix dans le monde. Déjà, on enregistrait des dizaines de morts et plusieurs centaines de blessés lors des affrontements qui ont opposé les Palestiniens à l’armée israélienne, dans la journée d’hier qui a connu l’inauguration de cette ambassade américaine où une douzaine de pays africains étaient représentés, au moment où de nombreuses délégations à travers le monde, déclinaient l’invitation. Notamment les diplomates européens qui ont décidé de boycotter la cérémonie, de même que de nombreux députés arabes. Et l’on peut s’attendre à ce que les répliques telluriques de ces violences en lien avec cette reconnaissance, se traduisent, à travers le monde, sous d’autres formes de protestation contre cette décision américaine qui risque de rendre la cohabitation encore plus difficile avec les Palestiniens.
Et l’Afrique n’est pas en reste, car il y a longtemps que de nombreux pays du continent ont épousé la cause palestinienne. Pour autant, les dirigeants africains oseront-ils lever le petit doigt ou même montrer leur désapprobation de cette décision américaine ? Rien n’est moins sûr. Pourtant, il n’est pas exclu qu’en guise de représailles contre cette décision de Washington, les intérêts américains soient ciblés à travers le monde par des attaques terroristes.
Donald Trump entrera dans l’Histoire. Mais de quelle façon ?
En tout cas, par cette décision, l’Amérique est en train de donner des arguments aux djihadistes pour encore sévir contre elle. Et à défaut, contre l’Afrique notamment, qui, aujourd’hui, se présente comme le ventre mou de la lutte contre le terrorisme. C’est dire qu’elle pourrait bien faire les frais d’éventuelles représailles contre des intérêts américains sur le continent. Car, comme le dit l’adage, « à défaut de la mère, on tête la grand-mère ». A défaut donc de pouvoir terrasser le baobab américain en le frappant sur son propre sol, rien ne dit que les terroristes ne pourraient pas commencer à en couper les branches en s’en prenant à des cibles beaucoup plus accessibles. A ce jeu, le continent africain où l’Oncle Sam ne manque pas d’intérêts, paraît pour le moins exposé. Pour autant, peut-on s’attendre à une levée de boucliers des dirigeants africains contre cette mesure américaine ? Rien n’est moins sûr. Car, en dehors du roi du Maroc qui a encore réitéré son rejet de ce transfert, il y a fort à parier que ce sera motus et bouche cousue dans la plupart des capitales du continent. Et pour cause : ils ne doivent pas être nombreux à vouloir s’attirer les foudres de l’iconoclaste locataire de la Maison Blanche, qui n’avait, du reste, pas hésité, en décembre dernier, lors de l’examen du projet à l’ONU, à brandir des menaces de frapper au porte-monnaie, ceux qui voteraient contre son projet de reconnaissance de la ville sainte comme capitale de l’Etat hébreu. Or, connaissant la dépendance de nos Etats de l’aide extérieure, il ne faut pas s’attendre à ce que le président américain soit véritablement contrarié dans son élan, en Afrique. La messe est donc dite, et l’on attend de connaître les pays que l’Oncle Sam va entraîner dans son sillage. Pour sûr, en agissant comme s’il voulait dérégler le monde, Donald Trump entrera dans l’Histoire. Mais de quelle façon ?
« Le Pays »