HomeA la uneINCULPATION D’ANCIENS « COM-ZONE » PAR LA JUSTICE : ADO ouvre-t-il la boîte de Pandore ?

INCULPATION D’ANCIENS « COM-ZONE » PAR LA JUSTICE : ADO ouvre-t-il la boîte de Pandore ?


Une vingtaine de proches du président ivoirien, Alassane Dramane Ouattara (ADO), viennent d’être mis en examen par la Justice ivoirienne pour des crimes commis pendant la crise postélectorale. Parmi eux, deux anciens commandants de zone et pas des moindres, communément appelés « com-zone » dans le jargon ivoirien : Chérif Ousmane et Losséni Fofana. Quand on sait le rôle important que ces derniers ont joué sur le plan militaire, dans la victoire d’ADO, l’on comprend que le sujet soit suffisamment embarrassant pour gêner aux entournures les autorités ivoiriennes. En tout cas, c’est le sentiment que peut donner le commentaire du ministre ivoirien de la Justice, quand il dit qu’«inculpation ne veut pas dire culpabilité ». Avait-il besoin d’insister sur ce qui est quasiment une vérité universelle ? C’est clair, pour le pouvoir ivoirien, le sujet est fort délicat. Surtout que ces éléments ont encore des hommes sous leur commandement.

Toujours est-il que ce qui a été longtemps réclamé par le camp adverse qui criait à cor et à cri à la justice des vainqueurs, est en train de se réaliser. Et si le souci des autorités ivoiriennes est de lutter contre l’impunité et de mettre tous les Ivoiriens sur un pied d’égalité devant la justice, cela est à saluer. Mais il faut reconnaître qu’un important pas a été franchi, car, Chérif Ousmane et Losséni Fofana sont loin d’être du menu fretin. Ils constituent des pièces maîtresses du dispositif sécuritaire du régime d’ADO. C’est dire si cette inculpation a son importance, dans une Côte d’Ivoire qui est loin d’être totalement réconciliée avec elle-même.

Quoi qu’il en soit, le fait déjà d’interpeller ces deux piliers de son régime, qui ont joué un rôle déterminant dans son accession au pouvoir, est un acte osé de la part du président ivoirien. Qu’il ait été contraint ou pas de le faire pour couper l’herbe sous les pieds de ceux qui l’accusent de pratiquer une justice à double vitesse ou des vainqueurs, n’enlève rien à la portée de l’acte. Et c’est désormais un fait que  les poursuites se mènent dans les deux camps. A ce propos, comme le dit l’adage, « il n’est jamais tard de bien faire ». Et si l’inculpation de ces deux com-zone répond à ce souci, l’on peut dire qu’ADO a pris un gros risque, même s’il y a des raisons de croire qu’il s’agit là de risques calculés.

Il est dans l’intérêt d’ADO lui-même et des siens, que ses partisans soient jugés devant les tribunaux ivoiriens

Cela dit, ces inculpations dans le camp Ouattara sonnent-elles la fin des poursuites dans le camp Gbagbo ? Si c’est le cas, faudrait-il s’attendre à des interpellations d’autres grosses légumes du camp Ouattara ? Jusqu’où ira la Justice ivoirienne? En tout cas, dans le camp d’en face, ils sont certainement nombreux ceux-là qui aimeraient qu’à la suite de Chérif Ousmane et Losséni Fofana, d’autres gros bonnets du camp Ouattara s’expliquent devant la Justice ivoirienne pour situer toutes les responsabilités dans la crise postélectorale qui a occasionné près de 3 000 morts et dont la responsabilité ne saurait incomber à un seul camp. Comme Guillaume Soro qui, même s’il n’est pas coupable, devrait porter la responsabilité morale et politique des agissements de ses hommes. C’est pourquoi l’on ne peut s’empêcher de se demander si ADO n’a pas ouvert la boîte de Pandore.

Quoi qu’il en soit, avec ces interpellations, l’on pourrait voir derrière le refus du président ivoirien d’extrader l’épouse de Laurent Gbagbo à la Cour pénale internationale, arguant du fait « qu’aucun Ivoirien ne devrait encore être envoyé à la CPI », sa volonté de mettre aussi ses partisans à l’abri des fourches caudines de cette juridiction pénale internationale et de les juger en Côte d’Ivoire. Si à la clé, il était question de grâce présidentielle, cela pourrait s’appliquer à des individus des deux camps, au nom de la réconciliation nationale. Dans tous les cas, il est dans l’intérêt d’ADO lui-même et des siens, que ses partisans soient jugés devant les tribunaux ivoiriens. Et ce, au moment où il est encore au pouvoir. Car, tôt ou tard, il va falloir le faire.

Même si le pouvoir s’en défend, l’on n’est pas loin de penser que le timing choisi pour ces inculpations, c’est-à-dire à l’orée de la présidentielle à venir, n’est pas un fait du hasard. Car, cela permet à ADO de se prémunir contre un délicat sujet de campagne que ses nombreux détracteurs n’auraient pas manqué d’exploiter à fond contre lui.

Maintenant, tout dépendra du déroulé du procès. Et l’on attend de voir.

Outélé KEITA


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