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INSURRECTION POPULAIRE DES 30 ET 31 OCTOBRE 2014 : Ce qu’en sait Peter Stepan


Trop de viande ne gâte pas la sauce ! La liste des livres qui ont pour vocation de ressasser ce qui s’est passé au Burkina Faso les 30 et 31 octobre 2014, s’est rallongée. L’ONG allemande Friedrich-Ebert-Stiftung a publié, sous la direction de Peter Stepan, un livre intitulé « Burkina Faso octobre 2014 : vers un monde plus juste ». La cérémonie de dédicace de l’œuvre a eu lieu en deux temps : la présentation de l’œuvre et un panel sur le Burkina post-insurrectionnel. Etaient présents, le Haut représentant du chef de l’Etat, Moumina Chérif Sy, préfacier de l’œuvre, le 1er vice-président de l’Assemblée nationale, Me Bénéwendé Sankara, et quelques acteurs de l’insurrection populaire. C’était le mardi 6 juin 2017, à Ouagadougou.

 

De mémoire de Burkinabè, jamais une période n’a donné lieu à  une intense production littéraire comme l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014. Chacun essaie de reconstruire l’histoire à sa manière. Si chaque auteur a son angle d’attaque, il semble que tous poursuivent le seul et même objectif : écrire pour ne pas oublier ; écrire pour interpeller les éventuels potentats. Mais, l’auteur du dernier livre présenté le 6 juin 2017 et intitulé « Burkina Faso octobre 2014 : vers un monde plus juste », poursuit un objectif particulier. « Nous voudrons, à travers ce livre, faire apprendre aux autres peuples africains qui vivent encore sous la dictature comment provoquer une insurrection populaire », a affirmé Peter Stepan. De nationalité allemande, l’auteur a affirmé que le Burkina Faso est sa seconde nation. Venu pour la première fois il y a 22 ans, il y résidera pendant de nombreuses années. Cela lui a permis de se faire une idée de la gouvernance de l’ancien régime. En octobre 2014, raconte-t-il, « j’étais au Burkina, car chaque année, j’y viens trois ou quatre fois. Après les évènements, je me suis posé la question de la pérennisation de cet important acquis. De là, nous est venue l’idée de créer un ouvrage. Il y a des livres qui ont le potentiel de provoquer le changement partout. Ce livre en fait partie ». L’ouvrage est constitué d’une esquisse sur les derniers jours du régime Compaoré. La grande partie est faite de photographies réalisées par sept photographes pendant l’insurrection populaire. Après la dédicace, l’auteur affirme que le document fera l’objet d’exposition à Vienne et, si possible, partout ailleurs pour faire connaître à tous l’histoire du peuple burkinabè.

 

« Il faut rechausser les crampons »

 

Le lancement du livre a été un prétexte pour le Centre national de presse Norbert Norbert (CNP-NZ) de revisiter, au détour d’un panel, la période de l’insurrection et de s’interroger sur le rêve des insurgés. Me Bénéwendé Sankara, Serge Bambara alias Smockey, porte-parole du Balai citoyen, Sandrine Nama, activiste, et Frédéric Nikiéma, ancien ministre de la Communication sous la Transition, se sont prêtés à l’exercice. Prenant la parole en premier, Me Sankara a tenu à répondre tout de suite à l’ambition de l’auteur qui consiste à inculquer le venin de l’insurrection aux autres peuples sous dictature. « On ne peut pas écrire des livres pour enseigner les insurrections, car chaque peuple a son histoire, son parcours, ses aspirations », a-t-il dit de façon péremptoire. Pour lui, l’insurrection populaire était porteuse d’un rêve. Mais, elle tend à la limite à devenir un leurre, car il y a beaucoup d’insuffisances qui attendent encore d’être corrigées. « Au demeurant, il faut une volonté politique réelle pour redonner une autorité à l’Etat, devant lui permettre de sévir quand il faut », a-t-il relevé. Mais l’important, a-t-il précisé, « c’est que l’esprit de l’insurrection reste en mode veille ». Serge Bambara n’est pas allé avec le dos de la cuillère pour fustiger la gouvernance du MPP. « Pas grand-chose a changé. Ce gouvernement est tout sauf ce que les Burkinabè peuvent attendre ». Il a ensuite égrené toutes les antivaleurs qui ont conduit à l’insurrection populaire : la corruption, l’impunité, la moralité publique agonisante, l’insécurité… Il appelle l’Etat à agir de façon pragmatique dans une vision claire et à donner l’exemple. Mais, pour l’artiste, tout ceci n’est que vaine littérature. Le remède du mal dont souffrent les Burkinabè réside dans le renouvellement de la classe politique. Mais en attendant, comme solution immédiate, « il va falloir rechausser les crampons. C’est le seul langage que le pouvoir actuel comprend », a conclu Smockey. Sandrine Nama a pratiquement marché dans les bottes de Smockey. Pour elle, la jeunesse attend de voir ce pour quoi elle a lutté. Mais, le véritable acquis de cette insurrection demeure l’éveil de conscience de la jeunesse, à son avis. L’ancien ministre de la Transition, Frédéric Nikiéma, revenant sur les critiques dont la Transition est victime actuellement, n’a pas voulu être loquace. L’essentiel pour lui, c’est que les ministres de la Transition ont donné le meilleur d’eux-mêmes dans un environnement incertain. Cela a permis d’atteindre des résultats concrets, avec des insuffisances. Peter Stepan a invité les Burkinabè à la patience. « Il faut le travail d’une génération pour renouer avec le changement. Il faut patienter. Il faut s’engager et espérer, car comparativement à d’autres pays, la situation du Burkina après insurrection est emprunte d’espoir », a-t-il dit, avant de citer l’Egypte, la Syrie, la Tunisie, l’Ukraine.

 

Ousmane TIENDREBEOGO (Collaborateur)

 

 


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